Dans l’affaire de Noisy-le-grand, Moussa avait été placé en détention provisoire pour violence contre des policiers qui l’interpellaient, alors qu’à l’époque des vidéos et témoignages montraient une scène de tabassage en règle à son encontre. La justice vient d’annuler la procédure pour outrage et d’ouvrir une enquête contre les réels agresseurs : la police.
jeudi 21 octobre
Un cas de violences policière qui vient s’ajouter à la longue liste
Cette vidéo du vendredi 17 septembre où on voyait un homme se faire ruer de coups de poings et de coups de pieds par des policiers alors qu’il gisait au sol avait beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. Pourtant, c’est cet homme, surnommé Moussa pour préserver son anonymat, qui passait ce mardi 19 octobre en comparution immédiate pour outrages à agent.
« Les comparutions immédiates sont utilisées pour empêcher les victimes de violences policières de se défendre. Beaucoup de gens n’ont pas l’opportunité d’une vraie enquête », rappelle au journal La Croix l’avocat Arié Alimi qui a défendu Moussa et qui est connu pour avoir défendu plusieurs victimes de violences policières. L’avocat se réjouit que l’affaire ait été renvoyé à un juge d’instruction, même si « c’est une exception » précise-t-il pour Libération. C’est une première étape donc, mais on est loin d’avoir la justice et la vérité sur ce qui s’est passé ce jour là, revendication plus que légitime pour Moussa et les nombreux autres cas de violences policières.
L’investigation indépendante face à la répression de l’État
Ce renvoi au juge d’instruction n’aurait pas pu être réalisé sans l’enquête mené par le laboratoire d’expertise indépendant INDEX ainsi que LeMedia. De plus, cet acte de violence n’aurait jamais été dévoilée au public sans la vidéo initiale qui a été prise par un voisin. Ainsi, sans les actions de personnes indépendantes de l’État, toute cette affaire aurait été conclue le plus rapidement possible et Moussa aurait été condamné pour outrages sans même pouvoir parler de la violence qu’il a subie. Pour chaque cas, qui se multiplie, de violence policière, nous exigeons des commissions d’enquête indépendantes, qui ne soit pas composés par les principaux détenteurs et représentants des pouvoirs judiciaire et policier, qui ont démontré toute leur volonté de maintenir un système emplie d’injustice et de violence.
C’est pourquoi nous sommes profondément opposés à la loi « sécurité globale » qui vise notamment à interdire par exemple de filmer les policiers, cette affaire est un exemple de plus que le droit de filmer ceux qui incarnent « la violence légitime » de l’État est nécessaire. Cette loi est une tentative d’enlever encore plus de liberté à la population et de pouvoir la réprimer sans aucune forme de justice.
D’ailleurs, le secrétaire national de France Police, Bruno Attal (qui avait notamment qualifié Anasse Kazib de « taliban »), a sorti une vidéo où il diffuse illégalement des images de la garde à vue de Moussa pour le chercher à le disqualifier et légitimer la violence qu’il a subie. La même stratégie qui est toujours utilisée par les syndicats de police : discréditer et diaboliser les victimes, pour qu’on ne se focalise plus la violence perpétuelle et injustifiée des forces de répression en banlieue et ailleurs.
Crédit photo : capture d’écran enquête Le Média
Exclusif – Noisy-le-Grand : la vidéo qui accable la police
Grâce à des images exclusives de vidéosurveillance analysées avec le laboratoire d’expertise indépendante INDEX, nous révélons qu’un jeune homme, dont la vidéo d’interpellation avait suscité un tollé sur les réseaux sociaux, a été victime de nombreux coups supplémentaires. Les images que nous publions contredisent la défense des policiers.
C’est une affaire à la une des réseaux sociaux depuis plusieurs jours. Elle survient dans un contexte particulièrement tendu : à la suite de la relaxe d’un jeune homme du Pavé Neuf, des habitants de ce quartier de Noisy-le-Grand dénoncent depuis plusieurs semaines un harcèlement policier.
Sur une vidéo filmée au téléphone portable le 17 septembre, on aperçoit un jeune homme et deux policiers. Le jeune homme est maintenu à terre par les deux agents, visiblement immobile. Brusquement, un troisième policier lui assène deux violents coups de poings et de pied à la tête. Ces images, qui ont suscité l’indignation, ont même poussé la préfecture de police de Paris à ouvrir une enquête.
Mais pour les policiers, c’est le jeune homme, Moussa*, qui les a agressés. Selon un syndicaliste policier, interviewé par France 2, “on est dans un cas de figure où on extrait une toute petite séquence d’une séquence bien plus importante, avec un contexte de tensions extrêmes”. “Pour nous, il n’y a rien de choquant”, conclut le délégué départemental d’Unité SGP Police.
Pourtant, les images exclusives de vidéosurveillance que nous dévoilons et l’analyse du laboratoire d’expertise indépendant INDEX révèlent que de nombreux coups supplémentaires ont été portés à Moussa et qu’il existe de nombreuses contradictions dans les dépositions des policiers.
Une vidéo exclusive, une autre version des faits
Dans la vidéo, qui commence à 21h01, on voit deux policiers maintenir et escorter le jeune homme, qu’ils accusent d’avoir commis un outrage, le long de la voie Federico Garcia Lorca. La scène se déroule sans tension apparente. Mais arrivés à l’angle de la Place Louis Aragon, les agents font asseoir Moussa dans un endroit précis, au bas de l’immeuble, qui se situe exactement dans l’angle mort de la caméra de vidéosurveillance. Comme nous avons pu le constater par un simple visionnage Google Maps, la caméra, installée au centre de la place, est pourtant bien visible.
C’est dans cet angle mort que le policier placé à la droite de Moussa lui assène un premier coup de pied puis un chassé. Le jeune homme tente alors de se relever – dans sa déposition, il explique qu’il était terrorisé : “J’avais peur qu’ils me mettent un coup fatal et qu’ils me laissent dans le coma”. S’ensuit une altercation, lors de laquelle Moussa se débat. L’un des agents sort sa matraque télescopique et lui assène plusieurs coups, puis tente de le soulever, tandis que l’autre policier lui envoie un coup de poing au visage.
Un troisième policier arrive en courant et les agents font basculer Moussa au sol. Sa tête manque de heurter un plot en pierre pour quelques centimètres. Un agent lui assène à nouveau deux violents coups de pied à la tête.
Deux policiers maintiennent maintenant Moussa au sol : le premier, debout, lui écrase la jambe gauche ; le second a son genou appuyé contre sa tête. Un élément qu’il conteste pourtant dans sa déposition, en reconnaissant la dangerosité de cette technique : “Positionnons notre genou contre son épaule mais ne procédons pas à un maintien de la tête par la nuque au vu des nombreux dangers entourant cette pratique”.
C’est à ce moment-là que le troisième policier revient vers Moussa, et lui assène les deux coups violents visibles dans la vidéo publiée sur les réseaux sociaux : les deux à la tête, l’un avec le poing et l’autre avec le pied.
Les angles morts de la version policière
Dans leurs procès verbaux, que Le Média et Index ont pu consulter, les policiers nient toute agression gratuite. S’ils ont frappé Moussa, c’est parce que celui-ci refusait avec virulence de se laisser menotter : “Afin de réussir à menotter l’individu et se mettre en sécurité, je percute une première fois [Moussa] au visage avec le poing […] puis je le percute une deuxième fois avec le pied”, écrit l’un d’eux. Pourtant, d’après la vidéo que nous publions, Moussa a été frappé à plusieurs reprises avant que la situation ne s’envenime. Les deux premiers coups, notamment, lui sont portés dans l’angle mort de la caméra alors qu’il est assis, et qu’il ne semble opposer aucune résistance dans les secondes précédentes. Et lorsque le policier lui assène les coups filmés par les habitants de la cité, Moussa est à terre, immobilisé.
Un second évènement, qui apparaît à la fin de la bande de vidéosurveillance, interroge un peu plus la sincérité des policiers sur le hasard présumé de l’angle mort : alors que Moussa, finalement menotté, est emmené par un véhicule de police, les policiers se dirigent vers une seconde personne, qu’ils escortent rapidement dans un nouvel angle mort de la caméra de vidéosurveillance. Deux coïncidences troublantes.
Les policiers, qui ont porté plainte contre Moussa pour violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique et menace de commettre un crime ou un délit, se sont vus prescrire respectivement 5 et 6 jours d’ITT. Moussa est donc passé en comparution immédiate devant le tribunal de Bobigny. Il a été placé en détention provisoire, notamment sur la base de captures d’écran, la vidéo étant inexploitable à cause d’un problème technique, et attend son procès, qui se déroulera le 13 octobre.
Au vu de la violence des coups portés à la tête du jeune homme, son avocat, Maître Arié Alimi, a déposé plainte pour tentative de meurtre. Les agents sont également visés par une plainte pour faux en écriture publique. La préfecture de police, elle, n’a pas souhaité répondre à nos questions.
* Le prénom a été modifié.
- Cette enquête a été réalisée en partenariat avec Tara Sasson, Francesco Sebregondi et fleuryfontaine du laboratoire d’expertise indépendante INDEX.
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