[ad_1] 2021-10-22 15:39:58 Source
Cette fois, les arguments des syndicats n’ont pas porté. Saisi en référé au début du mois, le Conseil d’Etat a rejeté ce vendredi les recours déposés par huit organisations de salariés (allant de la CGT à la CFDT) contre les nouvelles règles d’indemnisation du chômage. Entrées en vigueur le 1er octobre, ces dernières le demeureront au moins jusqu’à ce que le Conseil d’Etat se soit prononcé sur le fond de la réforme. Il le fera «dans les prochaines semaines», indique-t-il dans un communiqué de presse.
Concrètement, en raison d’un nouveau mode de calcul du «salaire journalier de référence» – le revenu moyen à partir duquel est établi le montant de l’allocation – plusieurs centaines de milliers de demandeurs d’emploi pourraient prochainement voir leurs indemnités chômage considérablement amoindries par rapport au système précédemment en vigueur. En avril, l’Unédic, l’organisme paritaire qui gère le régime de l’assurance chômage, les avait estimés à 1,15 million de personnes. Les travailleurs ciblés sont les fameux «permittents» qui enchaînent les contrats courts et les périodes de chômage, très nombreux dans le secteur médicosocial ou dans celui du tourisme.
Ironie de la défaite
Ce nouveau mode de calcul avait été une première fois censuré au fond en novembre 2020 en raison, selon le Conseil d’Etat, d’une «atteinte au principe d’égalité» entre demandeurs d’emploi. Le gouvernement est revenu à la charge au printemps avec une nouvelle version censée limiter les écarts. Plusieurs syndicats ont à nouveau attaqué cette mouture révisée devant le Conseil d’Etat et, à nouveau, ils ont emporté une victoire en obtenant, le 22 juin, sa suspension en référé. Mais toute l’ironie de la défaite syndicale de ce vendredi réside dans le fait qu’elle était en quelque sorte inscrite dans la victoire de juin. A l’époque, le Conseil d’Etat avait principalement invoqué «les incertitudes sur la situation économique» dues à la crise sanitaire pour justifier la suspension. Un argument que les syndicats n’avaient pas particulièrement mis en avant durant l’audience. Ce vendredi, le juge des référés constate que «la situation du marché de l’emploi et de l’activité économique s’est sensiblement améliorée au cours des derniers mois». Selon lui, elle ne constitue donc plus un «obstacle» à la réalisation de l’objectif affiché par le gouvernement : la réduction des recours aux contrats courts.
Après l’ordonnance de juin, le gouvernement savait que cette amélioration pouvait jouer en sa faveur. Au cours de l’audience qui s’est tenue le 14 octobre, le délégué général à l’emploi du ministère du Travail, Bruno Lucas, a souligné que «l’emploi salarié a déjà dépassé son niveau d’avant crise». Il a aussi mis en avant le niveau «historiquement bas» des faillites, selon un compte rendu de l’AFP. De leur côté, les syndicats ont à nouveau insisté sur le fait que «cette réforme conduit à pénaliser les salariés qui subissent les successions de contrats courts, quand les abus de recours à ces contrats sont le fait d’employeurs qui ne sont pas sanctionnés», comme le rappelle sur Twitter le secrétaire général de FO, Yves Veyrier.
Grand flou
Sentant venir la défaite, l’avocat d’un des syndicats ayant attaqué les deux décrets observait, en début de semaine, l’ordonnance victorieuse de juin avec circonspection : «En juin, le Conseil d’Etat a semblé tendre une main au gouvernement pour lui dire : “Vous devriez prendre un peu de temps.”» De fait, ce message avait été reçu cinq sur cinq à l’époque par la ministre du Travail, Elisabeth Borne, puisqu’elle s’était empressée de communiquer pour réduire le camouflet gouvernemental à une simple question de «temporalité». Le 12 juillet, deux semaines à peine après la décision de justice, Emmanuel Macron annonçait sereinement que la réforme de l’assurance chômage «[serait] pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre», invoquant au passage le cliché selon lequel le système d’indemnisation alors en vigueur encourageait des chômeurs à «rester chez eux» plutôt qu’à travailler. Un contresens : la réforme vise précisément des demandeurs d’emploi qui travaillent de manière régulière.
Parallèlement, l’exécutif a pris soin d’éviter toute discussion sur le bien-fondé de sa réforme. S’il a systématiquement mis en doute les estimations de l’Unédic, il n’a jamais produit sa propre étude d’impact. Interrogé par les Echos le 26 septembre, Jean Castex s’autorisait encore un très grand flou en expliquant : «Nous croyons profondément que cette réforme permettra de lutter contre les contrats courts payés de façon indue par l’assurance chômage et qu’elle incitera à un arbitrage entre le travail et la non-activité en faveur de l’emploi, dès lors qu’il y en a, ce qui est le cas.» Et le Premier ministre d’ajouter : «Je n’ai pas d’objectif chiffré, mais je suis persuadé que les comportements vont changer.» Des travaux sociologiques récents ébranlent pourtant cette croyance en soulignant le caractère fantasmé du «chômeur optimisateur» qui refuserait délibérément des emplois stables car le chômage serait plus généreux. «Ces salariés sont rarement en mesure de négocier leurs conditions de travail», relevait début mai une étude mise en ligne par la Dares, la direction des études du ministère du Travail.
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