A Ottawa, des manifestants anti-restrictions sanitaires prêts « à tout » pour leur « liberté »

Un manifestant passe devant des camions garés en signe de protestation contre les mesures sanitaires anti-Covid, le 8 février 2022 à Ottawa

AFP, publié le mardi 08 février 2022

Ils sont installés sur des chaises de camping, autour d’un feu de camp avec vue sur le Parlement, et somnolent après une nuit blanche. Au 12e jour d’occupation à Ottawa, les manifestants contre les restrictions sanitaires, galvanisés par l’ambiance, se disent plus déterminés que jamais à rester pour défendre leur « liberté ».

Les rues des alentours, qui concentrent le pouvoir fédéral canadien, sont fermées à la circulation. Des centaines de camions sont arrêtés, des drapeaux canadiens et pancartes contre le gouvernement de Justin Trudeau ont fleuri sur tous les véhicules et sur les grilles des édifices.

Ce mouvement de protestation, qui a commencé fin janvier, est parti des camionneurs contraints de se faire vacciner pour passer la frontière canado-américaine. Mais il s’est étendu à d’autres, avec des revendications plus larges.

Le point commun: un ras-le-bol général et l’envie d’être enfin entendu par les politiciens.

« Je suis ici pour retrouver ma vie, pour que tout le monde retrouve sa vie », explique à l’AFP Sébastien Beaudoin, un Québécois ayant grandi à Calgary, dans l’ouest du pays, et opposé à toutes les mesures sanitaires.

Assis autour du feu, le menuisier de 39 ans à la longue barbe raconte avoir mal vécu les deux dernières années de pandémie. « Ça fait du bien de revivre, de danser le soir, de s’enlacer, c’est pour ça qu’on est contents », dit celui qui confie avoir beaucoup pleuré depuis le début du mouvement.

A ses côtés, Sophie Leblanc est arrivée aussi du Québec dimanche pour renforcer le mouvement et faire entendre son ras-le-bol.

« Je ne suis pas vaccinée, je ne veux pas de QR code et je veux être capable d’aller en courses », lance la femme de 38 ans, manteau orange et piercing au-dessus de la lèvre.

Elle a perdu son emploi de serveuse durant la pandémie et « s’est recyclée » dans le secteur forestier.

« Depuis deux ans, tout le monde est mort, on n’a pas le droit de voir nos familles, nos amis, on a le droit de voir personne », s’insurge-t-elle à propos des longs confinements imposés au Québec depuis le début de la pandémie.

Sophie Leblanc dit avoir trouvé une forme de réconfort et de solidarité dans ce mouvement: « On a retrouvé l’humanité ». La province francophone, comme d’autres au Canada, a instauré en 2021 des restrictions très sévères. C’est notamment l’une des régions qui aura connu le plus de jours de confinement au monde.

– « Excès du gouvernement » –

Mais les stars de cette occupation, ce sont les camionneurs: ils ont passé dix jours à klaxonner nuit et jour pour se faire entendre et depuis mardi, ils font vrombir les moteurs pour compenser l’interdiction d’utiliser leurs avertisseurs sonores, ordonnée par un tribunal de la ville.Une forte odeur de diesel envahit le centre-ville où de nombreux commerces sont fermés. En retrait, des petits groupes de policiers surveillent les lieux.

Le gouvernement « ne peut pas s’incruster et prendre le contrôle de nos vies jusqu’à nous dire quoi mettre ou ne pas mettre dans notre corps », explique à l’AFP le camionneur Jay VanderWier, venu de Smithville, en Ontario.

Son camion, arborant des pancartes anti-Trudeau et anti-mesures sanitaires, est garé dans la rue qui sépare le bureau du Premier ministre et le Parlement du Canada.

« On nous dit que cela prendra encore deux semaines pour aplanir la courbe (des infections de Covid-19), mais cela fait combien de mois maintenant? », s’interroge-t-il, ironiquement.

Le père de famille non-vacciné, qui estime que « les excès du gouvernement sont allés trop loin », dit être entouré de gens prêts « à tout pour la liberté ».

Casquette et pull des Maple Leafs — l’équipe de hockey sur glace de Toronto — sur le dos, le camionneur présent dans la capitale depuis le début se demande « comment Justin et son équipe font pour dormir la nuit » après avoir vu les chiffres sur l’emploi (avec 200.000 emplois perdus en janvier, le taux de chômage est de 6,5% au Canada), les suicides et la détresse dans la population.

« Tout ça s’est produit à cause d’une décision prise en haut », déplore-t-il.

Il répète qu’il n’a pas l’intention de bouger et, pour bien le montrer, il a démonté toutes les roues de son camion.

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