Sous Macron, les rapports contrariés des Français avec leur police

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Un participant à une marche blanche en mémoire de Cédric Chouviat, mort après un contrôle de police en 2020, le 3 janvier 2021 à Paris AFP/ARCHIVES

Abîmée par les affaires de violences et de racisme, l’image de la police s’est dégradée auprès d’une partie de la population sous le mandat d’Emmanuel Macron, dont la réforme sur la sécurité du quotidien garde un goût d’inachevé.

La police reste appréciée par une très large majorité des Français: en janvier, leur niveau de confiance dans l’institution a été mesuré à 72%, selon le dernier baromètre du Cevipof, un niveau semblable à celui du début du quinquennat (73%).

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Cette apparente stabilité n’est qu’un trompe-l’œil si l’on considère les importantes variations qui ont jalonné ces cinq années, notamment une chute à 66% après le mouvement des « gilets jaunes » lancé fin 2018.

« Ce n’est pas que pendant les périodes de crise que la population doit être fière de sa police », avait déclaré Emmanuel Macron en octobre 2017, à l’Elysée, lors du premier discours sur la sécurité de son quinquennat.

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A l’époque, la cote d’amour des policiers, grimpée au zénith durant la période des attentats de 2015-2016, commençait déjà à s’effriter à mesure que retombait la charge émotionnelle.

Pour Jacques de Maillard, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), « le quinquennat a été marqué par des crises importantes sur deux facettes essentielles du travail policier: le maintien de l’ordre, avec une utilisation excessive de la force pendant les +gilets jaunes+, et la police du quotidien, avec les affaires de racisme et d’interpellations violentes, comme l’affaire Zecler », du nom d’un producteur de rap victime de violences policières à Paris.

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Le déficit de confiance s’est doublé d’un déni de légitimité.

Les « gilets jaunes » et leur cortège de blessés graves « ont été un moment déterminant, que l’on ressent toujours aujourd’hui », souffle une haut responsable policière. « Désormais Monsieur ou Madame Tout-le-Monde vient contester l’intervention de la police, ce qui n’était pas le cas avant ».

Il existe « un vrai sujet d’image » et « un besoin de travailler sur notre identité » de policiers, reconnaît cette haut gradée.

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– Perception –

D’autant que la défiance est parfois plus affaire de perception que d’expérience : en moyenne, seul un Français sur cinq déclare avoir été en contact avec la police sur les trois dernières années, selon le Cevipof.

« La police a pris le parti de travailler sur la communication, de faire un compte Snapchat, Instagram pour changer cette perception. C’est bien sauf qu’on oublie tout le reste. Certains jeunes n’ont pas que des perceptions, mais aussi du vécu négatif et réel », rappelle Christophe Korell. Ce brigadier tente de faire vivre un dialogue parfois rompu entre jeunes et policiers au sein de l’association qu’il a cofondée, l’Agora des Citoyens, de la Police et de la Justice (ACPJ).

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« C’est parfois décourageant quand on doit recommencer à zéro avec certains comme après l’affaire Zecler, mais on essaye de planter des graines chez ces jeunes, pour qu’ils se souviennent un jour qu’ils ont discuté avec des flics, qu’ils ne sont pas tous pourris, violents », espère-t-il.

Policiers, chercheurs, associatifs… Chacune avec leurs mots, les personnes interrogées par l’AFP font le constat d’une institution « recroquevillée », « refermée sur elle-même » et « imperméable à l’extérieur ».

« Quand on veut traiter des sujets qui fâchent comme les contrôles au faciès ou les violences, on a du mal à trouver des interlocuteurs », déplore Jérôme Disle, directeur général d’Espoir 18, une association de la Goutte d’or, un quartier populaire au nord de Paris.

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– Décrochage des jeunes –

Ces pratiques « discriminatoires » ont un effet qui dépasse le seul cadre de la police, selon le sociologue Sebastian Roché, dont le dernier essai (« La nation inachevée ») aborde ces questions. « Elles sont un poison pour la démocratie et affaiblissent la culture civique des jeunes, qui croient moins dans le vote, la laïcité, se sentent moins Français ».

La fin du quinquennat d’Emmanuel Macron a été marquée par un « décrochage » important de la confiance des jeunes de 18-24 ans dans la police, surtout en région parisienne: 70% d’entre eux expriment une « défiance » vis-à-vis des forces de l’ordre, selon une note de recherche du Cevipof en mars 2021.

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La police de sécurité du quotidien (PSQ), une « police sur-mesure », « ancrée dans les territoires », devait permettre de répondre à cette défiance, promettait le chef de l’Etat fin 2017. Quatre ans plus tard, ses effets restent limités.

La réforme a souffert d’un « manque d’animation » au plus haut niveau et les personnes chargées de son déploiement « n’avaient pas le sentiment de piloter un chantier prioritaire pour le gouvernement », écrivaient en novembre les chercheurs Mathieu Zagrodzki et Thierry Delpeuch, dans la revue des « Cahiers de la sécurité et de la Justice ».

Après la crise sociale – quand « les moyens ont été détournés » pour le maintien de l’ordre face aux « gilets jaunes », selon la haut-gradée -, la PSQ a lourdement pâti de la crise sanitaire du Covid-19.

« On ne pouvait plus organiser de réunions de quartiers et ça, ça manque terriblement », confie à l’AFP Eric Heip, patron de la sécurité publique de l’Oise.

« C’est la meilleure façon d’aller chercher les infos, d’avoir un contact direct et expliquer nos interventions », ajoute le commissaire, « persuadé » de la nécessité de « plus s’ancrer dans les quartiers ».05

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