Accord LFI – PS : un vote historique… et la fin du parti socialiste ?

Accord LFI – PS : un vote historique… et la fin du parti socialiste ?

UNION DE LA GAUCHE. Le Parti socialiste a conclu mercredi 4 mai un accord avec La France insoumise en vue des élections législatives. Un vote doit entériner l’union de la gauche qui est désormais totale après l’alliance trouvée avec les écologistes et les communistes. Mais cette coalition provoque de nombreux remous au sein du PS.

[Mise à jour le 5 mai à 21h06] Après de multiples rebondissements, l’union de la gauche va (enfin) voir le jour pour les élections législatives 2022. La France insoumise, Europe Ecologie-Les Verts, le Parti communiste et le Parti socialiste seront alliés pour faire campagne et tenter d’imposer une cohabitation à Emmanuel Macron et à LREM. De longues négociations ont eu lieu dans les principaux partis de gauche pour aboutir à la « Nouvelle union populaire, écologique et sociale », du nom de l’appellation commune décidée pour le scrutin.

Le Parti socialiste doit définitivement entériner l’accord ce jeudi 5 mai 2022 par un vote auquel prendront part les 300 membres du Conseil national de la formation. De leur côté, EELV et le PCF ont déjà annoncé leur alliance autour de LFI. Déjà en position favorable après son score réalisé à l’élection présidentielle (21,95%), le parti de Jean-Luc Mélenchon a été au centre des tractations et semble dorénavant assumer le rôle de locomotive à gauche. Avec une figure de proue : Jean-Luc Mélenchon. A 70 ans, le député des Bouches-du-Rhône est parvenu à asseoir sa suprématie sur ce flanc politique et à contraindre les formations de le pousser à Matignon dans l’optique d’une conquête de l’Assemblée nationale par la gauche. « Mélenchon Premier ministre » est-il écrit sur la première affiche de campagne… avant d’entrer dans les livres d’histoire ? L’union de la gauche, elle, l’est déjà, 86 ans après le Front populaire.

L’union de la gauche indéniable pour les élections législatives ?

Ce fut l’Arlésienne de la campagne pour l’élection présidentielle : l’union de la gauche. Chacun à gauche, quel qu’il soit, l’a évoquée à un moment donné avant le premier tour. Les appels à l’alliance se sont multipliés. Une initiative citoyenne a même tenté de la forcer avec la Primaire populaire. En vain. Au final, la gauche s’est avancée divisée au scrutin national avec six candidatures proposées aux électeurs. Avec le résultat d’un échec, Jean-Luc Mélenchon, le mieux placé en 3e position, terminant à 400 000 voix de Marine Le Pen. L’Elysée s’étant éloigné, la gauche veut désormais conquérir l’Assemblée nationale. Dès le soir du premier tour, l’idée d’imposer une cohabitation à Emmanuel Macron s’est diffusée et a pris de l’épaisseur. Individuellement, aucun parti n’est en mesure de rassembler suffisamment de suffrages pour décrocher une majorité de députés.

Alors, pour s’imposer au palais Bourbon et contraindre le président de la République de choisir un Premier ministre de gauche, les têtes pensantes des formations de cette obédience se sont mises autour de la table. Objectif : trouver des accords équilibrés entre la nécessité d’une alliance sans pour autant renier ses convictions programmatiques. A la tête des échanges : Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise et figure de proue désignée de l’union. En ligne de mire : un poste à Matignon. Sous la bannière inédite de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES), la gauche semble réussir son premier pari. Et remet le sort du second entre les mains des électeurs les 12 et 19 juin prochains.

Un accord difficile mais une alliance entre LFI et le PS

Les négociations ont été âpres et longues. Elles ont duré « jusque tard dans la nuit, ou tôt le matin » en a souri Adrien Quatennens, député LFI, sur Franceinfo mercredi 4 mai. Mais après plusieurs jours de discussions, la France insoumise et le Parti socialiste sont parvenus à s’entendre sur un « accord de principe », qui comprend notamment l’attribution de certaines circonscriptions à des candidats estampillés PS. Un point d’accroche particulièrement sensible dans les négociations. Car si LFI proposait une répartition au prorata du score à la présidentielle, le PS, de son côté, se défendait en mettant en avant ses 28 députés présents à l’Assemblée nationale quand Jean-Luc Mélenchon et son entourage n’occupent que 17 sièges au palais Bourbon. Au final, un terrain d’entente a été trouvé sur 70 circonscriptions accordées aux socialistes, dont 25 à 30 gagnables. Une projection qui, si elle venait à se vérifier, maintiendrait le PS à son niveau actuel de représentation dans l’hémicycle. Selon Adrien Quatennens, le pacte englobe « un accord global, stratégique, programmatique », malgré des divergences, notamment sur l’Europe. Cependant, pour que le Parti socialiste intègre officiellement la Nouvelle union populaire, écologique et sociale, le ralliement doit être ratifié par un vote en Conseil national, jeudi 5 mai à partir de 19 heures. Là s’engage une deuxième bataille toute aussi difficile pour la direction du PS.

Car au sein du parti, deux visions s’opposent quant à la ligne à adopter avec LFI : ceux qui militent pour un accord, à commencer par Olivier Faure, premier secrétaire du PS, ou encore Mathieu Klein, maire de Nancy, et ceux qui y sont farouchement opposés, tels Stéphane Le Foll, mais aussi Bernard Cazeneuve (qui a quitté le parti), Claude Bartolone et François Hollande. Ces deux derniers ne sont toutefois pas membres du Conseil national. Le 19 avril, durant l’entre-deux-tours, le conseil national avait été convoqué pour étudier la question d’un rapprochement vers le courant de Jean-Luc Mélenchon : 160 élus s’étaient prononcés en faveur du dialogue, 75 s’y étaient opposés et 10 abstenus, tandis qu’une soixantaine d’autres n’avaient pas pris par au vote, avait rapporté Le Figaro. L’ambiance s’annonce tendue à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), au siège d’un PS en pleins remous.

Entre LFI et le PC, un accord mais une part d’autonomie

Ce fut les seconds à entrer dans l’alliance. Comme lors des législatives de 2012, le Parti communiste français s’allie donc à LFI en 2022. Mais l’union n’a pas été scellée sans conditions. D’abord sur les circonscriptions : 50 ont été accordées au PCF, parmi lesquelles celles des 11 députés sortants mais aussi 5 autres que les deux parties ont jugées « gagnables ». Du côté du programme, Fabien Roussel, secrétaire national du parti, aurait obtenu la garantie de Jean-Luc Mélenchon de pouvoir défendre, à l’Assemblée, sa vision du mix énergétique quand le chef de file LFI milite pour la sortie du nucléaire. Une part d’autonomie aurai également été accordée sur certains points de divergences, tout en pouvant porter des propositions. En contrepartie, les éventuels futurs députés se sont engagés à soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon à Matignon.

LFI gagnant de l’accord avec EELV

La France Insoumis et Europe-Ecologie-Les Vers sont tombés d’accords dans la nuit du 1er au 2 mai et se sont aussitôt félicités d’un accord sans pareil. Les conditions d’une telle entente ont interrogé compte tenu des positions parfois diamétralement opposées des deux partis, et si tous les deux ont fait évoluer leur position ce sont surtout les écologistes qui ont rogné sur leur programme. Derrière la nouvelle bannière de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) c’est donc un projet commun que défend la coalition de gauche avec un volet social comprenant « la hausse du SMIC à 1 400€, le retour à la retraite à 60 ans pour toutes et tous, la garantie d’autonomie pour les jeunes, le blocage des prix sur les produits de première nécessité et l’éradication de la pauvreté ». Des mesures alignées sur le programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon et proches de celui de Yannick Jadot qui plaidait pour un SMIC à 1 500€ et le maintien de la retraite à 62 ans, entre autres.

La planification écologique du leader de LFI est elle aussi reconduite dans le programme de la NUPES. Sur ce vaste projet censé répondre à l’urgence climatique et environnementale, priorité des écologistes, les négociations n’ont pas dû s’étendre à la différence des mesures concernant l’Europe et de la répartition des circonscriptions. Deux sujets qui comptent les rares victoires nuancées d’EELV. Après avoir tapé du point sur la table les candidats du parti seront présents dans 100 circonscriptions sans concurrence de LFI – ni du PS et du PCF – dont 30 plus ou moins gagnables. Les chances sont donc minces mais existantes pour constituer un groupe d’au moins 15 députés EELV à l’Assemblée nationale.

Quant à l’Europe, des pas de côté ont été faits. Jean-Luc Mélenchon n’a pas renoncé au principe de désobéissance mais l’a réduit, sous la pression des écologistes, à quelques règles européennes « économiques et budgétaires comme le pacte de stabilité et de croissance, le droit de la concurrence, les orientations productivistes et néolibérales de la Politique agricole commune, etc ». EELV a aussi exigé une position claire et excluant « la sortie de l’Union, sa désagrégation [et] la fin de la monnaie unique ». La NUPES rédige tout de même une critique de l’Europe et dit vouloir « en finir avec le cours néolibéral et productiviste de l’Union européenne pour un nouveau projet au service de la construction écologique et sociale ».

Quel résultat dans les sondages pour l’union de la gauche ?

L’opération de l’union de la gauche est menée dans l’objectif de remporter les élections législatives 2022. Mais l’ambition est-elle réalisable ? Peu de sondages sur ce scrutin particulier sont menés, s’agissant en réalité de 577 élections locales. Pour autant, dans une étude publiée le 3 mai, Harris Interactive avance un résultat pour la gauche : au premier tour des législatives, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale pourrait recueillir 33 % des suffrages exprimés. Un score qui placerait l’alliance devant LREM, le RN et LR. Cependant, les projections sur le nombre de sièges décrochés à l’issue du second tour ne permettent pas d’atteindre la majorité à l’Assemblée nationale. L’objectif serait même loin d’être atteint puisque l’institut de sondage table sur 70 à 90 sièges maximum dans le cadre de l’alliance.

L’union de la gauche tranche sur l’écologie et le nucléaire

La gauche ne peut pas passer à côté du thème de l’écologie et encore moins une union de la gauche. LFI et EELV ont accordé leurs violons sur ce point et défendent d’une même voix la planification écologique pensée par LFI et surtout l’abandon du nucléaire le plus tôt possible. Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot plaidaient tous les deux pour la fermeture des centrales nucléaires à des horizons légèrement différents mais pour un même objectif : sortir la France du nucléaire au plus tard en 2035. Au table des négociations, la mesure a dû mettre tout le monde d’accord sans peine.

Le Parti socialiste qui s’est moins exprimé sur la question a lui aussi pris la direction de la sortie du nucléaire en avril 2022. Lors de la présidentielle, la promesse du « 100 % renouvelable » et donc de la fin du recours à l’énergie nucléaire pour couvrir les besoins nationaux d’électricité d’ici à 2050 a été émise. Selon cette nouvelle vision, l’écologie et la fin du nucléaire ne devrait pas poser de problème à un ralliement du PS à la Nouvelle union populaire écologique et sociale.

Les communistes sont ceux qui auraient pu s’élever contre la sortie du nucléaire mais trop volontaires pour rejoindre l’union de la gauche, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a lui-même assuré, dans un premier temps, que le parti pouvait renoncer à défendre le nucléaire, en « mett[ant] de côté » le sujet dans « l’accord de législature », selon ses dires du 3 mai. Mais le lendemain, sur France Inter, le chef de file des communistes n’a pas tout à fait tenu le même discours : « nous nous mettons d’accord sur un contrat de législature mais nous gardons notre autonomie, notre indépendance, notre liberté de parole à travers un groupe à l’Assemblée Nationale qui va défendre le mix énergétique comme je l’ai toujours défendu. »

L’Europe, source de désaccords et de compromis à gauche

Quittera ou ne quittera pas l’Europe ? D’après les conditions posées dans l’accord entre LFI et EELV la réponse est non. Ni la sortie de l’UE, ni celle de la zone euros ne sont envisageables pour les écologistes pro-européens et par extension pour la NUPES. Mais s’ils ont réussi à imposer leur point de vue, eux aussi ont dû faire des concessions et accepter qu’à certains égards les règles européennes – notamment économiques et budgétaires – ne soient pas respectées. « Nous ne serons ni les premiers ni les derniers à le faire, en France comme en Europe », justifient insoumis et écologistes dans leur communiqué expliquant que l’Espagne contourne déjà les règles sur les prix de l’énergie ou l’Allemagne sur la mise en concurrence des entreprises de l’eau potable.

Les écologistes ont donc fait un pas de côté mais assuré des garanties, les socialistes se satisferont-ils du compromis établi ? Olivier Faure, premier secrétaire du PS semble prêt à faire sienne cette position. « Nous souhaitons mettre en tension l’Europe sur un certain nombre de sujets, sur les sujets sociaux, environnementaux, et donc cela peut supposer d’objecter provisoirement des règles qui sont fixées par l’Union européenne », expliquait-il sur France Inter le 1er mai. Pourtant dans les coulisses du PS et surtout dans les sphères défavorables à l’union derrière LFI on juge que les termes de l’accord cachent une « sortie des traités européens », acte inacceptable pour Jean-Christophe Cambadélis, ancien patron du PS.

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