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Passé l’effet de surprise de l’accord à gauche, que peut-on prédire des chances de l’alliance Nupes de gagner ces élections législatives, et d’imposer une cohabitation à Emmanuel Macron ? Les sondages flatteurs, qui en font aujourd’hui la première force politique en nombre de voix, peuvent-ils se convertir en nombre de sièges, pour atteindre la majorité absolue de 289 députés ? D’abord, les candidats y croient-ils eux-mêmes ? Difficile à dire. Posée entre deux porte-à-porte pendant mes reportages, la question ne m’attire qu’un retour en boomerang : « Et toi, tu y crois ? »,
ou bien une échappatoire déterminée, du genre « tout ce que je sais, c’est qu’il faut mener campagne »
. De fait, les sondages, aujourd’hui, ne fournissent pas de réponse. La plupart des sondeurs ne publient ni de projections en nombre de sièges, ni même de sondages de second tour. Ce qui ne signifie pas qu’ils n’en font pas. Ils en font. Mais ne les publient pas.
TROP DE CAS PARTICULIERS
Comme les autres, la jeune société Cluster17 sonde son panel sur le second tour, mais « je ne suis pas très enthousiaste pour les publier »
avoue Jean-Yves Dormagen, son fondateur. Alors, si ce n’est pour publication, pourquoi poser la question aux sondés ? « Par curiosité, et par intérêt scientifique, quand nous connaîtrons le résultat. »
Cluster17 est ce sondeur aux méthodes novatrices, refusant notamment les sondés « récurrents » rétribués qui (après s’être fait taper sur les doigts par la commission des sondages) avait prédit dans le haut de la fourchette (18 %) le résultat de Jean-Luc Mélenchon, que certains de ses confrères estimaient à 16 % (pour mémoire, Mélenchon a obtenu 22 % des suffrages).
Pourquoi donc, ne pas publier des projections en sièges ? « Il y a trop de
cas particuliers dans les circonscriptions ! »
répond Dormagen, qui évalue la proportion de ces circonscriptions « particulières »
de 10 % à un quart du total. La présence parmi les candidats de nombreux dissidents, députés sortants, élus locaux (aussi bien à droite qu’à gauche, d’ailleurs, selon l’estimation de Mathieu Gallard, d’IPSOS), rend difficile d’appliquer un modèle « pur et dur »
. Difficulté supplémentaire : l’imprévisible nombre de seconds tours « triangulaires », ou « quadrangulaires », c’est à dire opposant trois ou quatre candidats au lieu de deux. Pour mémoire, peut se maintenir au second tour tout candidat ayant obtenu 12,5 % des suffrages des électeurs inscrits. Et plus le taux de participation sera élevé, plus sera élevé le nombre de triangulaires.
RÉGRESSION NATIONALE, PROGRESSION LOCALE
Cela dit, Cluster17 contourne la difficulté en posant et en publiant des questions sur les « préférences » de vote des sondés, ou sur l’intérêt manifesté pour le scrutin, ventilées par familles de pensée (les fameux « clusters »). Verdict ? « Pas d’état de grâce, pas d’effet de souffle de la présidentielle, pas de dynamique pour Macron ».
Autant d’éléments qui rendent décidément le résultat imprévisible, d’autant, ajoute Dormagen, qu’il s’agit d’une « élection de ratification, la première depuis 20 ans »
(puisque Macron a été réélu), alors que toutes les précédentes législatives, depuis 2002, étaient des élections d’alternance.
Les projections en sièges, « c’est tout de même l’information la plus importante ! »
réplique Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive. Les sondeurs qui, comme lui, se risquent à ces périlleuses projections, en tirent des résultats parfois étranges. Ainsi, selon Harris Interactive, si le score Nupes régresse depuis un mois, passant de 33 % à 28 %, en revanche ses projections en sièges… augmentent, pour atteindre 140 sièges (hypothèse moyenne) ! Comparez les deux tableaux ci-dessous.
Sondages, 24 avril au 24 mai 2022. La Nupes tend à régresser (à lire de bas en haut).
Source Wikipedia
Explication ? « Je ne vois qu’une solution, c’est qu’ils ont changé leur modèle en cours de route »,
suppose un concurrent de Harris Interactive. Démenti de Jean-Daniel Lévy : « On peut avoir une régression Nupes au niveau national, et une progression dans les circonscriptions où ils sont en force »
. Chercheur, spécialiste des mobilisations, animateur du site Mobilisations.org, Alessio Motta se montre moins charitable : « Au fur et à mesure que le jour du scrutin se rapproche, ils augmentent la projection en sièges de la Nupes, pour ne pas être trop ridicules le 12 juin au soir »,
croit-il.
Proche des Insoumis, Motta élabore lui aussi ses propres projections en sièges. Il a élaboré son algorithme en se fondant sur les données électorales des élections présidentielles et législatives de 2017… et sur les actuels sondages non publiés – mais dont il a pu prendre connaissance (« il y a des personnes qui sont venues vers moi »)
. Bilan : « Les triangulaires vont être assez rares »
. Il en pronostique moins de quarante sous 50 % de participation, pouvant monter à la centaine si la participation grimpe à 55 %, ce qui serait un bond (elle était de 48 % en 2017). Dans ses projections à lui, depuis un mois, la Nupes ne cesse de progresser en nombre de sièges, et frôle les 250 élus (hypothèse moyenne). Mais n’obtient pas la majorité.
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