LE SRI LANKA ENTRE REVOLUTION ET CONTRE REVOLUTION

Francis Fourquin a partagé une publication.

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LE SRI LANKA ENTRE REVOLUTION ET CONTRE REVOLUTION
Le 12 juillet, le peuple apprenait que le président Gotabaya avait pris la fuite aux Maldives puis à Singapour et peut-être demain en Arabie Saoudite mais en même temps qu’il nommait président par intérim le premier ministre Ranil dont les manifestants avaient pourtant également exigé qu’il démissionne lors du précédent soulèvement du 9 juillet. Et le premier ministre avait déclaré sous la pression populaire ce 9 juillet qu’il démissionnerait donc le 13 juillet en même temps que le président.
Mais le 13 juillet il acceptait sa nomination de président par intérim et quittait donc sa fonction de premier ministre mai pour devenir … président. A ce moment, tous les partis de la majorité ou de l’opposition acceptent cette nomination.
Mais le peuple en colère se sent trahi, redescend dans la rue et s’empare alors des bureaux du premier ministre ce 13 juillet a pour tenter de se saisir du premier ministre après avoir déjà pris le palais présidentiel le 9 juillet qu’il continuait à occuper à ce moment. Hier soir également, il s’emparait des locaux de la télévision pour qu’elle se mette au service de la lutte.
A ce moment donc, le peuple tenait le palais présidentiel, les bureaux du premier ministre, les locaux de la télé et faisait également le siège du Parlement pour virer ses 225 députés, donc de tous les partis, majorité et opposition.
A ce moment tous les partis d’opposition changent leur fusil d’épaule et refusent la nomination du premier ministre Ranil comme président par intérim en exigeant sa démission.
Mais aujourd’hui, 14 juillet, à l’appel de la coordination étudiante qui anime la lutte et qui argumentait qu’ils avaient réussi à mettre le pouvoir à genoux, et que le vrai pouvoir résidait maintenant dans la lutte, les insurgés redonnaient tous les bâtiments occupés aux autorités. La coordination appelait les insurgés à se regrouper au campement révolutionnaire de Gotagogama ( qui en est à son 96e jour d’existence) devant la présidence et d’y continuer la lutte à partir de là.
En même temps, d’autres insurgés continuaient à chercher le premier ministre et donc président par intérim et fouillaient différents bâtiments officiels pour l’arrêter.
Mais face à l’hésitation de la coordination étudiante à appeler le peuple à prendre le pouvoir lui-même alors qu’il occupait tous les bâtiments du pouvoir, que l’armée hésitait avec des soldats qui donnaient leurs armes au peuple, que le président était en fuite et le premier ministre se cachait, le chef de l’armée profitant de ce recul du soulèvement déclarait alors aussitôt qu’il était prêt à prendre la place du président s’il était élu le 20 juillet par le Parlement et faisait en même temps descendre des chars qui patrouillaient dans les rues de Colombo dans la soirée, contre l’anarchie et les pillages, c’est-à-dire contre les insurgés.
On en est là en cette fin de journée du 14 juillet.
La révolution hésite, ou plus exactement sa direction, la coordination étudiante, et aussitôt la contre-révolution montre son bout du nez.
La situation ressemble par certains côtés à celle de la première insurrection du 9 mai 2022, qui avait fait tomber un premier gouvernement et son premier ministre Mahinda le frère du président Gota, et où un second gouvernement, d’union nationale de tous les partis, s’était alors constitué avec Ranil à sa tête et toujours Gota comme président. L’union nationale de tous les partis et syndicats contre l’insurrection avait un instant coupé les jambes à l’insurrection et permis à l’armée et ses chars de patrouiller dans les rues puis de partir à l’arrestation de plus d’un millier d’insurgés du 9 mai.
Cette fois, les 9 et 13 juillet, les insurgés sont allés un peu plus loin que le 9 mai, en prenant tous les bâtiments du pouvoir et en obtenant le départ du président. Mais à la différence du 9 mai, cette fois, la Coordination étudiante a montré des limites en coupant également les jambes à la montée de l’insurrection. En effet, elle a su faire tomber le pouvoir et avait quasi le pouvoir en mains, mais elle n’a pas voulu le prendre, elle n’a pas voulu appeler au pouvoir du peuple en l’appelant à construire partout ses comités ou ses soviets, mais n’a fait du peuple qu’une force de pression avec sa formule « le pouvoir c’est la lutte » en laissant le vrai pouvoir à d’autres. Or c’est dangereux, les égyptiens l’ont expérimenté en n’allant pas jusqu’au bout de leur révolution et en laissant l’armée s’emparer du pouvoir à leur place, ils ont récupéré une terrible répression et une dictature militaire.
On n’en est pas là au Sri Lanka, la révolution est toujours montante, en tous cas probablement tant que Ranil n’aura pas démissionné, et donc peut-être jusqu’au 20 juillet, mais la menace d’un coup de force de l’armée plane. Et puis si la coordination étudiante a montré des faiblesses ce 14 juillet en n’osant pas appeler le peuple à ramasser le pouvoir qu’il avait prisa, des voix s’élèvent déjà en son sein ou au dehors pour aller plus loin et appellent le peuple à renverser Ranil tout en créant ses propres organes de pouvoir dans les entreprises et les plantations agricoles. Ce 14 juillet ne sera peut-être qu’une étape de plus dans la marche tâtonnante vers la révolution prolétarienne.
Jacques Chastaing
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