FEBRILITE MONDIALE DE LA BOURGEOISIE NAISSANCE DE NOTRE FORCE

FEBRILITE MONDIALE DE LA BOURGEOISIE
NAISSANCE DE NOTRE FORCE
Le boycott montant de la coupe du monde de foot au Qatar peut sembler n’avoir pas grande importance à beaucoup. Pourtant, c’est tout le contraire si on perçoit ce refus d’être associé à la destruction de la planète et à la mort de milliers d’ouvriers comme faisant système avec bien d’autres évolutions du même type actuellement dans les classes populaires. En replaçant le boycott dans ces évolutions, ça devient un des symptômes perceptibles et non négligeable de la naissance de notre force et de l’affirmation de nos valeurs.
Cela peut paraître contre intuitif de prime abord, parce qu’au quotidien, nous avons souvent l’impression d’être faibles, impuissants face au capital, ses institutions, face à sa destruction lente mais progressive des protections sociales et de la démocratie, ses élections truquées, ses lois toutes faites en faveur des riches, sa police, sa justice, ses médias, ses appareils politiques et syndicaux à son service : une montagne qui nous semble impossible à ébranler.
Nous voyons bien tous les reculs que nous encaissons, mais beaucoup moins comment en même temps nous sapons aussi les bases sur lesquelles s’appuie l’ordre établi.
Les capitalistes sont peu nombreux, nous sommes le nombre. La principale force de l’ordre, de cette toute petite minorité, c’est d’arriver à nous faire prendre leurs valeurs à notre propre compte, celles de ceux qui nous exploitent et oppriment. Sans ce consentement à notre propre oppression, ils ne sont plus rien.
Or, ce qui change depuis quelques années, c’est l’ébranlement de ces valeurs bourgeoises chez les opprimés. Et le boycott de la coupe du monde de foot en est un des symptômes : valeurs contre valeurs.
Une des principales choses dont essaie de nous convaincre la bourgeoisie pour asseoir sa domination c’est que nous sommes incapables de nous libérer, dit autrement, nous serions des moutons. Or depuis au moins 2018, nous constatons clairement une montée des luttes sur l’ensemble des pays de la planète, des révoltes qui éclatent sans cesse et qui prennent un tour de plus en plus radical. On perçoit plus qu’hier cette montée planétaire des luttes et leur radicalisation progressive à la mesure de la panique qu’elles provoquent chez les notables ici. Lorsque les sri-lankais se sont baignés dans la piscine du palais présidentiel occupé, on se baignait tous en imagination dans la piscine de l’Elysée (s’il y en a une). Ces combats deviennent les nôtres, des femmes iraniennes, aux paysans néerlandais ou aux ouvriers britanniques. Nous ne sommes peut-être plus les moutons que ceux d’en haut aimeraient nous faire croire.
Sans s’en rendre compte, ce décentrement du regard traduit un recul du poids de l’idéologie dominante et par là une modification du rapport de force. Insensiblement, on passe d’une époque à une autre, d’une conscience à une autre.
Il y a toutes ces luttes. Et avec elles, une montée de la confiance en nous et en nos valeurs. Insensiblement, on s’est mis à ne plus croire aux valeurs du privé face au public alors que c’était l’inverse encore il y a 20 ans. On ne croit plus aux légendes des ces capitaines d’industrie arrivistes, individualistes qui feraient le monde mais on sait que ce sont les invisibles qui font le monde, les premières lignes dont la période du Covid a montré à la planète l’importance de leurs valeurs de solidarité au point qu’avec cette place retrouvée on a cru un moment à un « monde d’après » meilleur. On ne croit plus non plus à la fatalité de la crise et donc à la nécessité de l’austérité ou de la sobriété quand on voit les bénéfices colossaux des capitalistes, leurs jets, leurs yachts et le mode de vie des riches qui détruit la planète. On ne supporte plus leur morale hypocrite. Du coup, on ne croit plus à leur valeur travail, un autre des piliers de leur domination, parce qu’on y voit avant tout de l’exploitation puisque les défenseurs de cette valeur travail se trouvent surtout chez ceux qui n’ont jamais travaillé. En conséquence, c’est la grande démission traduisant le fait que de plus en plus de monde voit que les vrais assistés sont les milliardaires et pas les pauvres, que la valeur travail est une arnaque. Une conscience dont la première expression s’est faite en 2016 avec le mouvement « #onvautmieuxqueça » contre la première loi « travail » El Khomry, du gouvernement Hollande-Macron avec des milliers et des milliers de jeunes témoignant sur les réseaux sociaux de leurs conditions de travail humiliantes, abaissantes, dangereuses, moyenâgeuses, une pétition signée par un million de personnes contre cette loi, et dans la foulée, l’appel des organisations de la jeunesse à descendre dans la rue avec des organisations syndicales forcées à faire de même alors qu’elles s’apprêtaient à signer ou accepter cette première loi détruisant le code du travail. Tout est parti de là : la grande démission d’aujourd’hui, les Gilets Jaunes, le mouvement anti-pass.
Certains des animateurs de « #nousvalonsmieuxqueca » sont aujourd’hui des influenceurs sociaux sur les réseaux qui contribuent à rougir le fond de l’air. C’est la faillite de la social démocratie qui veut changer les choses de l’intérieur du système alors que de plus en plus ont pris conscience qu’il faut détruire ce système.
En conséquence, la prégnance de leurs valeurs nationales qui associent dans un même « peuple » riches et pauvres, comme de leur nationalisme, s’affaiblit parce qu’on sait de plus en plus clairement qu’il y a des classes sociales, que l’ascenseur social de l’école va vers son déclin et qu’on comprend en même temps qu’il ne peut pas y avoir de solution nationale aux problèmes de climat, de santé comme économiques mais mondiale. Avec l’internationalisme, c’est tout un univers mental subi qui s’effrite.
On ne croit plus encore à leurs grands médias parce qu’on voit bien que l’information vraie s’est déplacée vers les réseaux sociaux. La vérité vient d’en bas. On ne croit plus à leur police ou à justice, comme des corps neutres au dessus des classes, alors qu’on mesure tous les jours qu’elles sont au service des possédants. On ne croit plus à leur démocratie, l’abstention le montre, celle des élections dites « représentatives » qui ne nous représentent pas et dont on a compris qu’elles ne nous donnent que le choix d’élire ceux qui nous opprimeront demain. Le Front républicain lui-même et ses valeurs morales où on nous disait que l’extrême droite était à bannir, appartient au passé.
Aujourd’hui, la droite et l’extrême droite s’assoient sur ce qu’ils nous disaient hier, s’allient sans soucis comme en Italie ou Suède avec en France en plus, le centre et la social démocratie et une quête permanente de l’union nationale contre les classes populaires.
Il y a donc ce qu’on sait : inflation galopante, chômage massif, dérèglements climatiques, corruption, guerres, très fort risque de crise économique majeure, ce qui sont, historiquement, des facteurs insurrectionnels forts, d’autant plus lorsqu’ils sont additionnés. Mais plus encore, cela s’accompagne de signaux révolutionnaires, faibles encore, mais qui sont là : l’univers mental des opprimés et exploités qui change et qui tend à devenir conscient de lui-même et donc une force parce qu’il peut faire des mille ruisseaux de la résistance populaire actuelle un fleuve qui emportera le capitalisme, l’exploitation et l’oppression. D’où la fébrilité de la bourgeoisie qui bien que victorieuse dans la destruction des acquis sociaux mesure en même temps que chacune de ses victoires s’accompagne d’une défaite idéologique et de la naissance d’une force révolutionnaire d’une taille gigantesque.
Alors, autour du boycott de la coupe du monde de foot, faisons prendre conscience autour de nous de toutes ces évolutions, voyons-y un des éléments de la naissance de notre force en même temps que de l’expression de leur crainte qui nous rappelle que nous ne sommes pas si faibles que nous l’imaginons.
Jacques Chastaing 25/09/2022
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