Beaucoup ont le sentiment que la vague de grèves pour les salaires depuis l’automne/hiver 2021, ne change pas le climat social général du fait que ces grèves émiettées ne forment pas un véritable mouvement à même de peser sur la situation.
Les mêmes voient aussi qu’il y a un mouvement de contestation générale dans le monde qui va s’amplifiant et se durcissant, mais ne perçoivent pas le lien avec ce qu’on vit ici au quotidien.
Du coup, ne percevant que la surface des choses, ils ne sont sensibles qu’à l’addition des reculs sociaux… les confondant avec des reculs des rapports de force et des consciences.
Ce qui n’a pourtant rien à voir.
En effet, si l’écorce des rapports sociaux est toujours sous domination bourgeoise, il ne faut pas être grand voyant pour sentir que cette apparence ne fait que masquer l’érosion régulière du système face à des luttes incessantes, qui, comme l’océan, grignotent sans relâche l’influence de ses valeurs, de ses capitaines d’industrie, du privé face au public, de son système électoral, ses journaux, sa Justice, sa police…
Ainsi, les grèves actuelles qui ne savent que limiter le poids de l’inflation ne sont pas des demi-échecs économiques comme le voient certains mais avant tout des brèches politiques qui s’additionnent contre l’ordre bourgeois. Il en va ainsi des succès des grèves des agents EDF des centrales nucléaires qui ont gagné 200 euros mensuels grâce à la brèche ouverte par les raffineurs puis ceux d’Enedis et maintenant encore les luttes des salariés de GRDF, RTE qui se sont aussi engouffrés dans cette brèche mais aussi celles chez Sanofi ou Safran, et encore celles sans discontinuer dans les transports urbains ou la santé, celles enfin qui sont en train de s’ouvrir à la RATP ou Airbus, qui s’annoncent importantes, et puis celles qui commencent à pointer leur nez dans le commerce pour le Black Friday avec Amazon, Galeries Lafayette ou Castorama et plus généralement à l’approche de Noël, ce moment traditionnel de paix sociale qui tend à devenir un haut lieu de la lutte de classe.
C’est là un seul et même mouvement, fait certes de sac et ressac social, mais qui bat sans relâche les falaises de l’ordre bourgeois, faute encore d’organisation consciente pour en donner l’horizon de le mettre à bas. La séquence ouverte par l’accentuation des grèves pour les salaires avec notamment la grève dans les raffineries et l’énergie, ne va pas se refermer de sitôt. mais au contraire s’amplifier avec l’arrivée de l’hiver alors que inflation continue et ne pourra pas être arrêtée par le gouvernement quelles que soient ses gesticulations politiciennes.
Ces militants qui ne voient pas sous l’émiettement de ces grèves économiques cette poussée profonde, sont ballottés au gré des événements, incapables de prévoir ce qui vient faute d’en comprendre les ressorts souterrains. Courant après les événements avec toujours un train de retard, ils présentent alors leur découragement comme du réalisme, cherchant dans la propagande des médias des milliardaires sur une prétendue atonie du peuple, la justification des politiques démoralisantes des directions syndicales ou de celles, insuffisantes, des directions politiques ouvrières, depuis la Nupes jusqu’à une grande partie des organisations d’extrême gauche.
Pourtant, le climat social général est en train de changer en profondeur sous nos pieds.
On a pu en avoir un aperçu en pleine grève des raffineurs dans les journées autour du 18 octobre qui ont montré que le passage d’une situation économique défensive à une autre offensive et politique peut se faire à tout moment, révélant ainsi tous les changements souterrains qui ont eut lieu et qui permettent un tel basculement qualitatif. Le mouvement social actuel reflète cette insoumission généralisée qui attend l’événement qui permettra sa pleine expression. Si les directions syndicales ou les directions politiques ouvrières cherchaient à coordonner les luttes actuelles, il ne fait aucun doute que cela permettrait de transformer ces grèves émiettées en un climat général offensif qui conditionnerait tout l’agenda social et politique du moment parce que le potentiel de révolte et de conscience est là.
Bien sûr, il ne faut pas attendre de leur part une quelconque convocation d’une Assemblée des Assemblées de la grève ou de la lutte. Il faudra faire sans elles et ce n’est pas nouveau
Mais ce qui est nouveau, c’est que le « parti » qui, hier dans les générations précédentes, était concentré dans des organisations centralisatrices, s’est aujourd’hui diffusé dans l’état d’esprit de millions de personnes.
Depuis au moins 2016, la marmite chauffe à petit feu. De grèves en grèves, de manifestations en manifestations, le ras-le-bol s’est fait grandissant mais aussi la conscience. Des choses ont bougé. Il y a inversion des dynamiques de conscience. Aujourd’hui, l’émiettement des combats n’est que conjoncturel en bas mais est devenu structurel en haut.
Après la seconde guerre mondiale, on était engagé syndicaliste ou politique ad vitam æternam par le biais d’une organisation qui faisait le lien entre l’engagement personnel et la prise de conscience générale. Aujourd’hui, la mobilisation est devenue plus fluide. Un militant va s’engager auprès d’un syndicat pour l’emploi ou les salaires, puis d’un mouvement pour le climat, puis dans une association anti-raciste ou anti fasciste, ou pour le logement … pour ensuite s’abstenir aux élections, démissionner de son travail par refus de l’exploitation à bas prix, venir à une manifestation féministe ou contre l’ubérisation de l’emploi et la flexibilité du travail, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, la transition vers un monde durable, etc. Cela traduit que la connexion est dans la tête de chacun plus que dans le programme sur papier glacé des organisations. Le terrain mûrit pour aller vers une mobilisation globale qui réunit toutes les causes, toutes les crises interconnectées. Il manque juste l’événement déclencheur.
Cette transformation s’est vue à l’émergence aux côtés du mouvement construit d’en haut par les organisations traditionnelles, d’un mouvement parallèle venu d’en bas.
Ce mouvement d’en bas est en train de prendre de plus en plus de place, sous toutes sortes de formes, des Gilets Jaunes aux anti-pass en passant par une multitude de grèves mais aussi par les mouvements anti-raciste, anti-fasciste, pour la défense du climat et cela tout autant en Grande Bretagne, qu’en Espagne, ou en Grèce, au Portugal, qu’en Italie ou encore dans les soulèvements populaires au Sri Lanka, au Soudan, en Ukraine, Inde, Bangladesh, Pakistan, Indonésie. Très souvent, pour bien marquer ces transformations par en bas, ce sont les femmes prolétaires au bas de l’échelle sociale, mais qui portent en elles-mêmes l’intersection de tous les combats, qui sont au centre des mobilisations, depuis l’insurrection iranienne jusqu’aux élections présidentielles aux USA où elles ont fait sur fond de grèves pour les salaires et luttes anti-racistes, le résultat par la question du droit à l’avortement.
L’autre mouvement, celui d’en haut des vieilles structures organisées, décline, perd de son influence. Cela se mesure à la perte d’attrait des journées d’action des directions syndicales, non pas par défaut de luttes, mais parce qu’elles ne s’inscrivent dans aucun plan d’ensemble que cherchent pourtant tous ceux qui aspirent à changer la vie..Cela se mesure encore dans l’impuissance de la Nupes au Parlement parce qu’elle n’y a pas d’autre perspective qu’électorale dans un moment où le système électoral lui-même est contesté par ceux d’en bas depuis les phénomènes massifs d’abstention jusqu’aux référendums d’initiative citoyenne des Gilets Jaunes.
Ainsi, le pessimisme ambiant de bien des militants ne fait que refléter ce déclin alors que le mouvement ascendant, lui, n’a pas encore d’expression publique unifiée pour faire entendre son optimisme montant.
Une telle expression publique découlant de la compréhension de cette situation forme une tâche à accomplir pour les militants : le climat social révèle de plus en plus une insoumission généralisée. C’est ce qu’il y a de commun dans toutes les luttes et qui annonce l’explosion de demain.Jacques Chastaing le 27 novembre 2022
Les mêmes voient aussi qu’il y a un mouvement de contestation générale dans le monde qui va s’amplifiant et se durcissant, mais ne perçoivent pas le lien avec ce qu’on vit ici au quotidien.
Du coup, ne percevant que la surface des choses, ils ne sont sensibles qu’à l’addition des reculs sociaux… les confondant avec des reculs des rapports de force et des consciences.
Ce qui n’a pourtant rien à voir.
En effet, si l’écorce des rapports sociaux est toujours sous domination bourgeoise, il ne faut pas être grand voyant pour sentir que cette apparence ne fait que masquer l’érosion régulière du système face à des luttes incessantes, qui, comme l’océan, grignotent sans relâche l’influence de ses valeurs, de ses capitaines d’industrie, du privé face au public, de son système électoral, ses journaux, sa Justice, sa police…
Ainsi, les grèves actuelles qui ne savent que limiter le poids de l’inflation ne sont pas des demi-échecs économiques comme le voient certains mais avant tout des brèches politiques qui s’additionnent contre l’ordre bourgeois. Il en va ainsi des succès des grèves des agents EDF des centrales nucléaires qui ont gagné 200 euros mensuels grâce à la brèche ouverte par les raffineurs puis ceux d’Enedis et maintenant encore les luttes des salariés de GRDF, RTE qui se sont aussi engouffrés dans cette brèche mais aussi celles chez Sanofi ou Safran, et encore celles sans discontinuer dans les transports urbains ou la santé, celles enfin qui sont en train de s’ouvrir à la RATP ou Airbus, qui s’annoncent importantes, et puis celles qui commencent à pointer leur nez dans le commerce pour le Black Friday avec Amazon, Galeries Lafayette ou Castorama et plus généralement à l’approche de Noël, ce moment traditionnel de paix sociale qui tend à devenir un haut lieu de la lutte de classe.
C’est là un seul et même mouvement, fait certes de sac et ressac social, mais qui bat sans relâche les falaises de l’ordre bourgeois, faute encore d’organisation consciente pour en donner l’horizon de le mettre à bas. La séquence ouverte par l’accentuation des grèves pour les salaires avec notamment la grève dans les raffineries et l’énergie, ne va pas se refermer de sitôt. mais au contraire s’amplifier avec l’arrivée de l’hiver alors que inflation continue et ne pourra pas être arrêtée par le gouvernement quelles que soient ses gesticulations politiciennes.
Ces militants qui ne voient pas sous l’émiettement de ces grèves économiques cette poussée profonde, sont ballottés au gré des événements, incapables de prévoir ce qui vient faute d’en comprendre les ressorts souterrains. Courant après les événements avec toujours un train de retard, ils présentent alors leur découragement comme du réalisme, cherchant dans la propagande des médias des milliardaires sur une prétendue atonie du peuple, la justification des politiques démoralisantes des directions syndicales ou de celles, insuffisantes, des directions politiques ouvrières, depuis la Nupes jusqu’à une grande partie des organisations d’extrême gauche.
Pourtant, le climat social général est en train de changer en profondeur sous nos pieds.
On a pu en avoir un aperçu en pleine grève des raffineurs dans les journées autour du 18 octobre qui ont montré que le passage d’une situation économique défensive à une autre offensive et politique peut se faire à tout moment, révélant ainsi tous les changements souterrains qui ont eut lieu et qui permettent un tel basculement qualitatif. Le mouvement social actuel reflète cette insoumission généralisée qui attend l’événement qui permettra sa pleine expression. Si les directions syndicales ou les directions politiques ouvrières cherchaient à coordonner les luttes actuelles, il ne fait aucun doute que cela permettrait de transformer ces grèves émiettées en un climat général offensif qui conditionnerait tout l’agenda social et politique du moment parce que le potentiel de révolte et de conscience est là.
Bien sûr, il ne faut pas attendre de leur part une quelconque convocation d’une Assemblée des Assemblées de la grève ou de la lutte. Il faudra faire sans elles et ce n’est pas nouveau
Mais ce qui est nouveau, c’est que le « parti » qui, hier dans les générations précédentes, était concentré dans des organisations centralisatrices, s’est aujourd’hui diffusé dans l’état d’esprit de millions de personnes.
Depuis au moins 2016, la marmite chauffe à petit feu. De grèves en grèves, de manifestations en manifestations, le ras-le-bol s’est fait grandissant mais aussi la conscience. Des choses ont bougé. Il y a inversion des dynamiques de conscience. Aujourd’hui, l’émiettement des combats n’est que conjoncturel en bas mais est devenu structurel en haut.
Après la seconde guerre mondiale, on était engagé syndicaliste ou politique ad vitam æternam par le biais d’une organisation qui faisait le lien entre l’engagement personnel et la prise de conscience générale. Aujourd’hui, la mobilisation est devenue plus fluide. Un militant va s’engager auprès d’un syndicat pour l’emploi ou les salaires, puis d’un mouvement pour le climat, puis dans une association anti-raciste ou anti fasciste, ou pour le logement … pour ensuite s’abstenir aux élections, démissionner de son travail par refus de l’exploitation à bas prix, venir à une manifestation féministe ou contre l’ubérisation de l’emploi et la flexibilité du travail, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, la transition vers un monde durable, etc. Cela traduit que la connexion est dans la tête de chacun plus que dans le programme sur papier glacé des organisations. Le terrain mûrit pour aller vers une mobilisation globale qui réunit toutes les causes, toutes les crises interconnectées. Il manque juste l’événement déclencheur.
Cette transformation s’est vue à l’émergence aux côtés du mouvement construit d’en haut par les organisations traditionnelles, d’un mouvement parallèle venu d’en bas.
Ce mouvement d’en bas est en train de prendre de plus en plus de place, sous toutes sortes de formes, des Gilets Jaunes aux anti-pass en passant par une multitude de grèves mais aussi par les mouvements anti-raciste, anti-fasciste, pour la défense du climat et cela tout autant en Grande Bretagne, qu’en Espagne, ou en Grèce, au Portugal, qu’en Italie ou encore dans les soulèvements populaires au Sri Lanka, au Soudan, en Ukraine, Inde, Bangladesh, Pakistan, Indonésie. Très souvent, pour bien marquer ces transformations par en bas, ce sont les femmes prolétaires au bas de l’échelle sociale, mais qui portent en elles-mêmes l’intersection de tous les combats, qui sont au centre des mobilisations, depuis l’insurrection iranienne jusqu’aux élections présidentielles aux USA où elles ont fait sur fond de grèves pour les salaires et luttes anti-racistes, le résultat par la question du droit à l’avortement.
L’autre mouvement, celui d’en haut des vieilles structures organisées, décline, perd de son influence. Cela se mesure à la perte d’attrait des journées d’action des directions syndicales, non pas par défaut de luttes, mais parce qu’elles ne s’inscrivent dans aucun plan d’ensemble que cherchent pourtant tous ceux qui aspirent à changer la vie..Cela se mesure encore dans l’impuissance de la Nupes au Parlement parce qu’elle n’y a pas d’autre perspective qu’électorale dans un moment où le système électoral lui-même est contesté par ceux d’en bas depuis les phénomènes massifs d’abstention jusqu’aux référendums d’initiative citoyenne des Gilets Jaunes.
Ainsi, le pessimisme ambiant de bien des militants ne fait que refléter ce déclin alors que le mouvement ascendant, lui, n’a pas encore d’expression publique unifiée pour faire entendre son optimisme montant.
Une telle expression publique découlant de la compréhension de cette situation forme une tâche à accomplir pour les militants : le climat social révèle de plus en plus une insoumission généralisée. C’est ce qu’il y a de commun dans toutes les luttes et qui annonce l’explosion de demain.Jacques Chastaing le 27 novembre 2022
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