4 JANV. 2023
Les procureurs trouvent deux fois plus d’excuses aux violences quand elles sont commises par des policiers. Un quart des agents considérés comme coupables sont absous en toute discrétion. Les premières statistiques dévoilées par Politis objectivent la fabrique de l’impunité.
C’est un beau cadeau de Noël. Fin décembre, l’hebdomadaire Politis a publié quelques chiffres du ministère de la Justice sur le traitement des plaintes pour violences policières. Une première ! Dès 2016, l’ONU avait critiqué l’opacité de la France sur le sujet… en vain jusque là. Flagrant déni décrypte les données 2021 en 4 constats.
Le chiffre noir du nombre total de plaintes reste inconnu
Premier constat : 836 « personnes dépositaires de l’autorité publique » (PDAP) ont été identifiées et mises en cause dans une affaire de violences volontaires (voir méthodo). Or, dans de nombreux cas, les enquêtes ne permettent pas d’identifier les auteurs. Le chiffre noir total des plaintes pour violences policières reste donc inconnu à ce jour. La communication du ministère de la Justice demeure lacunaire. Cependant, même ce chiffre partiel est plus élevé que tous ceux avancés jusque à présent. L’IGPN par exemple n’a traité que 510 dossiers de violences en 2021. Et pour cause : ce service n’effectue qu’une toute petite partie des enquêtes.
Absolution dans 5 cas sur 6
Deuxième constat : parmi le nombre d’affaires où les auteurs ont été identifiés, la part de classements sans suite est énorme. Presque 5 policiers sur 6 en ont bénéficié. 3 policiers sur 4 sont considérés comme « non poursuivables » par les procureurs. Ils bénéficient 2 fois plus de cette excuse que la population générale (voir méthodo). Les raisons qui expliquent cette différence de traitement sont nombreuses (légitime défense, etc.) et souvent peu reluisantes : enquêtes bâclées qui ne concluent rien, motifs juridiques bidons, ordres de la hiérarchie judiciaire pour enterrer définitivement une affaire, etc.
Un quart des coupables blanchis discrètement
Troisième constat : près du quart des policiers qui ne bénéficient d’aucune excuse légale et que les procureurs estiment donc coupables ont pourtant fait l’objet d’« alternatives aux poursuites ». Il s’agit de dispositifs laissés à l’entière appréciation du procureur, à l’issue desquels aucune peine n’est prononcée : simple rappel des faits, obligation d’accomplir un stage, etc. Dans ces procédures, la victime ne peut jouer aucun rôle et la décision est discrètement négociée entre le procureur et l’auteur, loin de tout regard du public. Ce taux de traitement de faveur est surprenant dans la mesure où la fonction de PDAP devrait plutôt être une circonstance aggravante (voir méthodo).
Hausse constante depuis 2016
Dernier constat : le nombre d’affaires avec auteur identifié ne cesse d’augmenter depuis 2016. La hausse enregistrée avec la répression des Gilets jaunes de 2018 à 2020 s’est poursuivie en 2021. En dépit du verrou opéré par les procureurs, près de 700 policiers et gendarmes ont été poursuivis par la justice pour violences depuis 2016.
Méthodo :
Violences : Les chiffres ne concernent que les violences volontaires, quelles que soient leurs conséquences (ITT, mutilation permanente, etc.) et leurs circonstances (avec ou sans arme, en réunion, etc.). Ils ne comprennent pas les homicides volontaires (tirs par armes à feu, etc.).
PDAP : Les statistiques judiciaires permettent de savoir si l’auteur des faits était une « personne dépositaire de l’autorité publique » (PDAP), mais sans plus de précision. On ne sait pas si les auteurs sont gendarmes, policiers, surveillants de prison, etc.
Taux de classements comparés : en 2021, 74 % des PDAP mises en cause pour violences sont considérées comme « non poursuivables » par les procureurs (70 % en 2019). Pour les violences en général, ce taux est de seulement de 33 % (chiffres 2019)
Alternatives aux poursuites : en 2021, 22 % des PDAP « poursuivables » ont bénéficié d’alternatives aux poursuites (25% en 2019). Pour les auteurs de violences en général, ce taux est de 39 % (chiffres 2019). Mais bon nombre des violences commises en général, avec ITT de moins de 8 jours, sont passibles de simples amendes, ce qui peut expliquer un traitement moins sévère. En revanche, les violences commises par des PDAP sont toujours passibles de prison car la fonction de l’auteur des faits est une circonstance aggravante. Théoriquement, elles devraient donc faire l’objet de moins de mansuétude.
Politis : En septembre, le journal avait demandé au ministère de la Justice les statistiques sur les plaintes pour violences volontaires commises par des PDAP. Le journal raconte : « Sans réponse du ministère nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Quelques semaines plus tard, le bureau des statistiques nous transmettait un premier document. Puis un autre ».
Cassiopée : La machine statistique du ministère est assez simple. Suite à une plainte pour violences commises par une PDAP, les procureurs décident de classer les dossiers, ou pas. A cette occasion, ils remplissent un logiciel interne, nommé « Cassiopée », qui précise la catégorie d’auteurs (PDAP ou non), l’infraction (violence avec ITT de plus de 8 jours, etc.), et leur décision : ouverture d’information judiciaire, saisie du tribunal, alternatives aux poursuites, ou classement sans suite.
- 05/01/2023 07:17
- PAR XAVMEICH-57
Il serait bien de préciser que les procureurs de la république ne sont pas « les juges indépendants » qui rendent la justice….mais les représentants de l’Etat sous l’autorité du ministère de la justice.
Il serait également peut être opportun d’informer les potentielles victimes, qu’ils s’ont la possibilité de contourner « les classements sans suite » :
– quant il existe des preuves direct et que le prévenu est identifiable : la citation directe
– quant l’un des élément précité n’est pas sur : la plainte avec constitution de partie civile au doyen des juges d’instruction, nomment un juge indépendant du parquet et rendant la procédure contradictoire.
Il faut bien voir que les dites forces de l’ordre sont, à côté de leur état de bras armé de l’exécutif, l’outil le plus précieux de la justice, qui ne peut s’en passer pour beaucoup de ses actes.
Il est donc logique que les magistrats du siège – ne parlons même pas du parquet, inféodé au pouvoir politique – les ménagent autant que possible. Cela d’autant plus qu’elles n’hésitent pas à mettre la justice en cause chaque fois qu’elles le peuvent, par la voix de syndicats tout-puissants adoubés par les médias : pour eux, si police et gendarmerie font toujours un travail parfait, le prétendu laxisme de la justice explique à lui seul la recrudescence (terme réservé exclusivement à cet usage) des contraventions, délits et crimes. Elégante façon de clamer que les dites forces de l’ordre n’y sont pour rien.
Dans cette situation, on comprend que les magistrats qui n’ont pas un courage à toute épreuve cèdent à la facilité et aux pressions en accordant beaucoup d’indulgence aux policiers et gendarmes qu’ils ont à juger.