Difficile de faire un bilan global de cette 3e journée de grève générale contre la réforme des retraites. Si la mobilisation (dans la rue et chez les grévistes) a un peu baissé, elle reste tout de même très importante et d’un niveau rarement atteint.
Une chose est par contre assez certaine : A Paris, la défaite n’a pas été du côté syndical ou policier, mais bien dans le cortège de tête. Celui-ci était pourtant lui aussi très important, avec plusieurs milliers de personnes (on est resté voir défiler ce cortège de tête place de la République plus de 30 minutes avant de voir le début des syndicats).
Pourtant, en dehors du nombre, il n’y avait strictement rien. Ni l’intelligence collective, ni la fantaisie, ni la joie.
La beauté d’un mouvement réside souvent dans la nouveauté, dans l’effet de surprise, dans la spontanéité ou dans l’audace. Les exemples « récents » sont nombreux : de la naissance dudit cortège de tête aux Gilets Jaunes en passant par les 11h Nation ou même dans d’autres registres Nuit Debout ou les Soulévements de la terre.
Aujourd’hui, le cortège de tête réunit aussi bien des GJ que des personnes en noir et des milliers d’autres qui préfèrent manifester en dehors des cortèges syndicaux. Sauf que ce mardi, ce cortège de tête était d’une tristesse désolante.
Triste parce qu’on y a quasi pas entendu de chants et vu très peu de banderoles/pancartes ou autres initiatives visuelles ou sonores. En dehors du petit groupe GJ/BB autour de la banderole Blacklines, il n’y avait que des milliers de personnes qui marchaient en silence.
Triste aussi parce que les quelques « actions » lancées par ce cortège de tête auront été totalement ridicules et contre productives, notamment les deux « attaques » sur deux Macdo différents. Totalement prévisibles (et prévues par la préfecture) et ritualisées, ces actions n’ont fait que fragiliser le cortège.
En effet, comme depuis le début de ces manifs contre la réforme des retraites, la nouvelle tactique policière sur Paris est d’avoir des forces de l’ordre « peu présentes et peu visibles » sur le parcours, mais hyper réactives et mobiles. Au point que dès qu’une vitre a été fendue sur le premier macdo, des centaines de policiers sont arrivés de tous les côtés, y compris de l’arrière.
Ils sont intervenus en chargeant et en interpellant. Et non pas en gazant. Là encore, cela fait toute la différence. Car les images sont moins impressionnantes pour les médias, donc moins « dérangeantes » pour le pouvoir. Mais aussi car cela rend beaucoup plus difficile la possibilité de se mélanger/disperser. Cela rend donc les interpellations plus faciles.
Résultat : le « mini » bloc qui s’était formé a décampé en quelques secondes, incapable de rester soudé et de pouvoir protéger les siens. C’est pourtant l’une des raisons d’être d’un bloc : se protéger.
Malgré cet aveu d’impuissance, un nouveau bloc s’est reformé à République pour refaire exactement la même : lancer des pierres sur un Macdo, pour se faire charger/interpeller dans la foulée.
Sur cet hiver 2023, on voit bien qu’il n’y a pas de dynamique nouvelle. Pas d’idées neuves, de bouleversements des pratiques. C’est un fait. Il faut composer avec.
En ce sens, les centrales syndicales, les bases syndicales ou encore les étudiants/lycéens n’ont pas réussi à bouger les lignes et continuent de faire ce qu’ils ont toujours fait. Mais eux, au moins, le font plutôt bien jusqu’à présent.
Du côté des dynamiques plus autonomes (GJ, BB, cortège de tête), non seulement rien de nouveau n’émerge, mais ce qui avait été fait par le passé est désormais mal fait. Totalement ritualisé au point d’en devenir un folklore pour les photographes et journalistes en recherche d’une poubelle brûlée.
A défaut d’être inspiré, il faudrait donc être un peu organisé et stratégique.
Ou alors s’abstenir.
Pourtant, parmi ces milliers de personnes, nous ne doutons pas qu’une grande partie aspire à vivre autre chose que des redites de manif passées. Et qu’ils pourraient se laisser embarquer dans des aventures improbables. Nous n’avons clairement pas de carnet de propositions. Mais nous aimons à croire que l’imagination n’a pas été tuée dans nos esprits par le pouvoir et son bras armés. Simplement anesthésiée.
La lumière est peut être également à chercher en dehors des manifestations, le constat ayant été fait que les manif déclarées ne peuvent être que des promenades aseptisées (et les manifs sauvages des carnages répressifs). Une lueur est d’ailleurs déjà visible ailleurs qu’à Paris, que ce soit du côté de Rennes 2 avec une occupation qui commence à vraiment faire plaisir, au blocage de la ville du Havre ce mardi ou aux actions de sabotage de certaines bases syndicales.
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