Mouvement sur les retraites/ il nous faut un plan de bataille  » blog de Geoffroy de Lagasnerie

svp que  pensez vous  de  ce blog médiapart de Geoffroy de Lagasnerie auteur de  » Sortir de notre  impuissance  politique « ; le   blog  d’un chercheur, sociologue des luttes sociales ; blog nourri de bien d’autres articles:

Alors qu’une nouvelle journée de mobilisation est prévue pour le 31 janvier, il faut que le mouvement sur les retraites opère  un tournant stratégique, si nous ne voulons pas que l’accumulation de telles journées conduisent petit à petit à voir la colère perdre de son intensité, le mouvement s’effriter – comme cela est arrivé tant de fois. Il nous faut un plan de bataille.

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Alors qu’une nouvelle grande journée de mobilisation est prévue pour le 31 janvier, il faut que le mouvement social sur les retraites opère  un tournant stratégique, si nous ne voulons pas que l’accumulation de telles journées conduisent petit à petit à voir la colère perdre de son intensité, le mouvement s’effriter et le gouvernement remporter la bataille – comme cela est arrivé tant de fois.   Il  nous faut un plan de bataille.

Sinon ce serait un immense gâchis. Car l »intense moment politique qui s’est ouvert depuis quelques semaines et  la colère qui s’exprime peuvent devenir des points d’appui à un mouvement puissant susceptible de faire reculer le gouvernement puis, peut-être, d’obtenir dans un futur proche de nouvelles conquêtes.

Mais cet objectif demande de ne pas se contenter d’accumuler des grandes journées de mobilisation, aussi importantes soient-elles. « L’expérience de toutes les mobilisations précédentes, à commencer par le mouvement des retraites de 2010, montre que les journées d’action de 24 heures, même massives, ne suffisent pas » comme le rappelle une tribune parue dans le JDD le 29 janvier. D’autant que nous savons à quel point le macronisme a montré ces dernières années sa capacité à ignorer totalement un mouvement social lorsque celui-ci prend une forme trop traditionnel.

Il nous faut un plan de bataille car il faut concevoir le mouvement pour ce qu’il est : un moment d’une guerre sociale, qui doit être menée comme telle, assumé, contre un gouvernement qui mène son offensive avec ses propres moyens.  Nous devons être imaginatifs: nous devons tout envisager, nous donner le droit de tout changer, ne pas fétichiser nos formes d’actions traditionnelles.
Dés lors, stratégiquement, on peut se demander si l’horizon d’une grève générale de tous les secteurs, que l’on cherche à la mettre en place un jour de temps en temps ou de manière reconductible, est celui qui doit continuer à occuper nos esprits. Car une grève générale n’est jamais générale, elle s’épuise avec le temps et mobilise des secteurs professionnels dans lesquels la forme grève a des effets très divers et une efficacité très variable. Elle dilapide des énergies qui pourraient parfois être utiliser de manière plus radicale. On peut donc se demander s’il ne faudrait pas plutôt  envisager de viser quelques secteurs particuliers mais stratégiques à bloquer (les raffineurs, les éboueurs, les dockers…), et à les bloquer totalement de manière reconductible tant que le gouvernement ne cède pas, afin de construire une contre-offensive assumée.

Que voudrait dire utiliser l’argent considérable retiré des salaires lors des grandes journées de grèves pour financer des caisses de grèves dans quelques secteurs clés, qui porteraient nos actions comme on peut porter la parole? Ces porte-actions pourraient être mis à l’arrêt de manière stratégique et revendiquée au sein d’une stratégie globale de lutte où il y aurait aussi des manifestations, des rassemblements, des meetings avec les partis politiques, etc.? Que voudrait dire alors mettre sur pieds une caisse de grève générale plutôt qu’aspirer à une grève générale qui ne sera jamais générale, afin de soutenir le blocage intégral de ces secteurs stratégiques – publiquement assumé comme faisant partie d’une tactique au sein d’un rapport de force?

Lors du mouvement contre la réforme des retraites, le métro parisien a été fermé pendant 3 semaines. Tout le monde pensait qu’une telle mobilisation ferait reculer les gouvernants mais ca n’a pas été le cas. Peut-être aujourd’hui les transports sont-ils devenus des secteurs moins stratégiques qu’auparavant ? Que les bloquer a perdu de sa force à cause de l’habitude et que ce sont donc d’autres secteurs, plus inattendus, qu’il faut viser? Je ne sais pas. Je ne fais que soulever des questions. Mais ce sont ces questions que le mouvement social doit se poser s’il veut être conforme à ce que devrait être son unique but : être le plus efficace possible.

Je me demande parfois si nous n’avons pas tendance à penser le mouvement social de manière trop polie, trop expressive, parce que nous restons prisonniers d’une image des gouvernants comme « nos » représentants et dès lors susceptibles d’entendre nos arguments et d’entendre raison – un peu comme certains avocats sont polis avec les juges en espérant obtenir de bonnes décisions en échange, ce qu’on appelle la défense de connivence. Nous pensons alors qu’aller dans la rue de manière massive les fera peut-être réaliser leur erreur.

Dans ce cadre, la grève est envisagée comme un signal envoyé aux gouvernants de notre mécontentement – c’est pour cette raison que toute grève en vient à être perçue comme positive, quel que soit le secteur où elle se déroule, quels que soient ses effets concrets, car nous pensons que plus nous sommes nombreux à faire grève plus nous seront susceptibles d’être entendus. Mais il ne sert à rien de parler plus fort à un sourd.

Les gouvernants ne se trompent pas. Ils savent ce qu’ils font et ils le veulent. Ils ne nous « représentent » pas. Ils  utilisent l’appareil d’Etat pour essayer d’imposer leur conception particulière de l’ordre social et économique. Si nous percevons la scène politique pour ce qu’elle est, un lieu d’affrontement, de guerre, entre des individus ou des groupes qui ont des objectifs irréductiblement différents, des désirs opposés, alors nous sommes conduits à opérer un tournant stratégique : le mouvement social est notre instrument dans une guerre, et nous devons utiliser le plus efficacement possible les ressources dont nous disposons  pour élaborer un plan stratégique et viser les points faibles de l’adversaire.

La grève ne doit plus être pensée comme un instrument de communication et d’expression. Elle doit être vue comme un instrument de blocage et de nuisance destinés à faire reculer les gouvernants – et même surtout, dans un optique offensive, à conquérir de nouveaux droits. Dans ce cadre, quelques grèves locales mais massives , stratégiquement choisies, qui surprennent le pouvoir, et  entourées d' »un large mouvement syndical, politique et parlementaire de solidarité et de financement constitue peut-être l’un des horizons pour montrer notre détermination – et donc pour construire une lutte efficace, enfin.

Ce champ est nécessaire.

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