■ CONGRÈS CGT EN PROIE AUX TENSIONS, MAIS À DES DEBATS DÉCISIFS POUR LE SYNDICALISME : RÉVOLUTION, MINORITÉS ET ENVIRONNEMENT
J’entends les attaques. Rappelons-les :
Mateu est stalinien, Buisson est une sociale-traitre, et la gardienne de prison Verzeletti est une garante des forces répressives. Passer les anathèmes, les blâmes, les injures, la caricature facile. Essayons de réfléchir à ce Congrès et les questions qu’il pose au-delà de la CGT.
Ces trois candidatures apportent des choses importantes, intéressantes au débat syndical actuel. Les opposer, au lieu de viser à ce qu’elles se complètent, n’est-ce pas là une erreur ?
1ER DÉBAT : syndicalisme révolutionnaire ou réformiste ? Martinez disait en 2015 que le syndicalisme est par essence réformiste, alors que Mateu affirme un syndicalisme révolutionnaire. Le syndicat est-il un outil révolutionnaire ou doit-il s’intégrer aux institutions ?
La CGT est en train de devenir un acteur institutionnel, comme un autre, qui dénonce les excès de violence, adopte la posture de l’État de droit, que les syndicalistes marxistes CGT ont longtemps renvoyé à une illusion de juristes (portés sur des actions virulentes, dures, sans regard sur la légalité). Cette démarche est marquée par son implication dans la Confédération européenne des syndicats, présidée par Laurent Berger et financée par l’UE, souvent dans les scandales de corruption et aux membres pas toujours favorables au droit du travail.
Le néolibéralisme est de plus en plus radical dans sa méthode, l’idéologie a toujours été la même. La France a atteint son moment tatcherien, réaganien, macroniste. Le semblant de dialogue sociale s’est terminé. Il faut en finir avec le modèle social français, les restes de droit du travail encore indemnes des lois successives.
2E DÉBAT : lutte des minorités ? Buisson incarne cette angle là. Elle a conscience que la lutte syndicale ne se fera pas sans la lutte des minorités, éminemment majoritaires. La fusion avec Solidaire ou FSU, syndics concernés par ces problématiques, tend à bousculer la CGT sur cette question
Ce n’est pas à dire que Mateu ne s’en soucie guère. Il aborde le sujet. Il dit que la lutte des femmes a toute sa place à la CGT, notamment pour l’égalité salariale. Sa société émancipatrice ne se fera pas sans femmes émancipées. Ce n’est pas son terrain de prédilection non plus.
Ce qui est au cœur des problématiques féministes demeurent les VSS, et comment régler ces injustices, ce silence ? Buisson est prêt à tout donner pour que ce débat se pose, vise une forme d’intransigeance face à ces questions.
Il est à craindre que ce traitement des luttes des minorités de Buisson, soit insuffisant, réformiste. La sociologue Françoise Vergès exprime que l’antiracisme est nécessairement anticapitaliste. Le capitalisme est un catalyseur de toutes les oppressions. Un syndicalisme qui fait des luttes des minorités une question sociale, ne paraît-il pas un syndicalisme par essence révolutionnaire ?
3E DÉBAT : l’environnement ? Autre terrain de Buisson (même si Verzeletti ne s’est pas franchement opposée au bureau confédéral), son initiative Plus jamais ça dénonce avec force le productivisme, la façon dont l’environnement est détruit par la production économique, les industries, le nucléaire.
Nouvelle crainte, la vision de Plus jamais ça, Buisson ne flirte t-elle pas davantage avec l’environnementalisme que l’écologie ? Cela consister à limiter les effets négatifs du capitalisme sur l’environnement, sans derrière proposer une véritable alternative anticapitaliste.
Les politiques environnementalistes sont l’apanage des libéraux. Je pense au Parti démocrate sous Obama qui va encourager des licenciements massifs d’ouvrièr.es dans les industries polluantes, sans garantir à ces personnes une survie, ni même penser au niveau systémique à la question environnementale, soutenu par des syndicats.
Un syndicalisme réformiste ne sera jamais à la hauteur des enjeux du réchauffement climatique, ne sera jamais écologiste.
La problématique de ce Congrès CGT est qu’il y a une opposition entre :
– Les plus réformistes, pertinents mais insuffisants sur la question de l’environnement et des luttes des minorités.
– Les plus révolutionnaires légèrement trop axés sur la lutte des classes
Et vous, vous en pensez quoi ?
Précision : J’en ai été proche de la CGT, de nombreux camarades y sont. Très honnêtement, je n’y suis pas. C’est bien pour cela que j’ouvre le débat sur le syndicalisme en général, en évitant de rester juste sur les questions de personnes. Ces débats concernent tout le syndicalisme aujourd’hui, voire la gauche. La CGT a en soi un poids qui influence tout le syndicalisme.
Antoine Trupiano Remille
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