Les travaux ont commencé mais les militants ne sont pas démobilisés. Samedi 22 avril, des milliers de personnes sont attendues pour une manifestation contre la future autoroute A69 entre Toulouse et Castres — dans les cartons depuis 1994. La mobilisation est organisée par le collectif d’opposants La Voie est libre, avec Extinction Rébellion et la Confédération paysanne. Les Soulèvements de la Terre ont également appelé au rassemblement.
Marches, manifestations, pétitions, recours en justice… Les opposants historiques ont multiplié les actions pour s’opposer à ce long ruban de béton. Récemment, ils ont été rejoints par les militants d’Exctinction Rebellion qui ont tagué les locaux du concessionnaire et occupé une maison expropriée par les travaux. D’autres collectifs anonymes ont, notamment, saboté une pelleteuse.
Destruction d’arbres centenaires, engloutissement de terres agricoles… Reporterre fait le point sur les méfaits de l’A69.
Un gain de temps estimé entre 15 et 35 minutes
Pourquoi ce projet est-il classé priorité nationale et déclaré d’utilité publique ? Car Castres est la seule agglomération de plus de 100 000 habitants à ne pas être reliée à sa capitale régionale par une voie rapide, répètent à l’envi les adeptes du projet. À l’époque où elle était ministre des Transports, Élisabeth Borne déclarait : « Ce projet illustre très bien la situation de certains territoires qui sont en difficulté parce qu’ils n’ont pas une bonne desserte routière. Et on le sait bien, si les entreprises ne sont pas reliées à la métropole, elles quitteront le territoire où elles sont installées. »
La nouvelle autoroute promet de faire gagner trente-cinq minutes de trajet entre Toulouse et Castres, selon l’enquête publique. Un chiffre contesté par les opposants, et notamment le collectif La voie est libre, qui évoquent plutôt un gain de quinze minutes — tout comme France Bleu.
À la place d’une nouvelle route, le collectif plaide pour un réaménagement de l’actuelle RN126, bien loin d’être saturée, avec en moyenne 8 000 usagers par jour. Ce projet alternatif, qui a fait l’objet d’une pré-étude lancée à l’initiative d’une quinzaine de collectivités territoriales, proposerait notamment 15 points d’accès contre seulement 3 avec la future A69. « Cela nous éviterait également de couper certains village en deux, ce qui serait socialement désastreux pour les gens qui y vivent », assure Geoffrey Tarroux, de La voie est libre.
L’autoroute des riches
Pour emprunter l’A69, il faudra payer 8,37 euros l’aller. Un tarif jugé trop élevé par les commissaires enquêteurs. Au total, cette autoroute pourrait coûter 530 millions d’euros. Le concessionnaire va percevoir 23 millions d’euros de subventions publiques. « On ne sait pas où il va trouver le reste des financements », s’interroge Geoffrey Tarroux.
Grignotage des terres agricoles
« La superficie totale de l’emprise définitive représente 420 hectares, dont 316 hectares de surfaces agricoles », écrit la préfecture du Tarn. Soit l’équivalent de plus de 570 terrains de foot. Dans un communiqué de presse, le concessionnaire rétorque que « seulement 100 hectares d’enrobés seront mis en œuvre pour réaliser les chaussées de l’A69. La différence (soit 200 hectares) constituera des dépendances vertes ». « Les grenouilles vont sûrement être bien installées entre ces routes ! » s’exclame Geoffrey Tarroux. « De plus, nous savons que les autoroutes sont bien souvent des facteurs aggravant le bétonnage des terres car à chaque nouvelle sortie, on installe une zone commerciale. C’est un élément déclencheur de notre société d’ultraconsommation. »
Les militants ne sont pas les seuls à s’opposer : en 2022, le Conseil national de protection de la nature (CNPN) déclarait que la construction de l’autoroute Toulouse-Castres ne présentait pas « d’intérêt public majeur ». La même année, l’Autorité environnementale pointait, dans un rapport sévère, des lacunes conséquentes concernant « les impacts sanitaires, les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. L’analyse des variantes ne considère que le mode routier sans exploration suffisante de solutions de substitution raisonnables moins carbonées et moins consommatrices d’espace ».
Des arbres abattus
« 13 hectares de zones boisées sont voués à l’abattage, dont ce bel alignement de Vendine qui est remarquable », indiquait à Reporterre Thomas Brail en mars, rappelant au passage que les arbres centenaires jouent un rôle important dans la séquestration du carbone. Ce militant écologiste et fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), s’était suspendu à un arbre le 21 mars pour empêcher son abattage et celui d’une trentaine d’autres congénères.
« 200 arbres d’alignement, dont de grands platanes patrimoniaux, seront bel et bien coupés, mais nous en replanterons le double », a rétorqué Martial Gerlinger, directeur général du concessionnaire Atosca, au Parisien.
On doute que cela convainque les militants qui vont converger les 22 et 23 avril pour la manifestation « Sortie de route ». Au programme : une marche mais aussi des concerts, la création d’un jardin maraîcher et une assemblée des luttes.
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