Les éditorialistes ont fustigé unanimement la décision du Conseil constitutionnel, qui a validé vendredi l’essentiel de la réforme, dont le report de l’âge légal à 64 ans, quelques heures avant la promulgation au « Journal officiel » par Emmanuel Macron.
Le Conseil constitutionnel a validé, vendredi, l’essentiel de la loi sur la réforme des retraites, dont le report de l’âge légal à 64 ans, une « victoire juridique » mais « un désastre pour la nation », déplorait unanimement la presse française samedi 15 avril au matin.
« Un désastre », commente le Midi Libre. « Nul ne pensait le Conseil constitutionnel en capacité de résoudre la crise sociale et politique qui fait rage depuis trois mois. Mais à son corps défendant, la juridiction vient de l’aggraver », tacle Olivier Biscaye, directeur de la rédaction du quotidien régional.
« La procédure a beau être légale, carrée, conforme à la Constitution, elle ne passe pas », acquiesce le rédacteur en chef de La Voix du Nord. Il y a « une forme de péché originel à prétendre agir au nom des Français en leur imposant de façon expéditive un texte dont ils ne veulent pas », lance Patrick Jankielewicz.
« La décision du Conseil constitutionnel, parce qu’elle n’est pas politique, ne règle rien. Les syndicats de salariés n’ont même pas l’ombre d’un texte pour ranger les drapeaux », lit-on dans l’Est éclair. « Si sa décision clôt les débats autour de la légalité du texte, elle ne le rend pas plus légitime », résume Ellen Salvi dans son parti pris chez Mediapart.
Un doigt d’honneur de « Libération Champagne »
En guise de dessin de presse, Libération Champagne ose sur sa dernière page un doigt d’honneur, tandis que les manifestations se poursuivent sur la « une » de Libération, barrée du slogan « Pas vaincus ».
« Sur la forme, les sages – ce surnom ne peut être utilisé maintenant que par ironie – ont livré une décision brutale, écrite dans une forme bureaucratique dénuée de tout style ou de toute nuance. Sur le fond, la décision va au-delà du texte gouvernemental tant décrié », analyse froidement Dov Alfon, à la tête de Libération.
Les mots de la première ministre, qui a déclaré vendredi qu’il n’y avait « ni vainqueur ni vaincu », ont eux aussi fait couler de l’encre. « Cela peut paraître fair-play dans une coupe de foot de la catégorie poussins. Mais après des mois d’une mobilisation XXXL, à l’instant T où le texte d’une réforme honnie par des millions de Français est certifié conforme au regard de la Constitution, c’est déconcertant », déplore Sophie Leclanché dans La Montagne.
Pas de match nul
La presse ne croit pas au match nul. « Emmanuel Macron a gagné », estime la Charente libre. « Une victoire à la Pyrrhus », renchérit La République des Pyrénées. « C’est une victoire juridique pour le gouvernement d’Elisabeth Borne mais un désastre à la fois politique et social pour la nation », tance encore Le Républicain Lorrain. « Personne ne sort vainqueur de ce rendez-vous manqué entre le peuple et ceux qui le représentent au plus haut niveau. Sauf peut-être les extrêmes », assure La Voix du Nord.
« Même Elisabeth Borne l’a reconnu », renchérit Sud Ouest. « “Il est important de dire où l’on veut aller.” A la lueur de cet aveu, faut-il en déduire que ce second quinquennat sera celui de la navigation à vue ? », questionne Jefferson Desport, notant au passage que « la droite, qui restait le meilleur allié [du président] jusque-là, est ressortie de ce débat lessivée, éparpillée façon puzzle ». A droite justement, Le Figaro se lamente du « gâchis collectif ».
« Les Français voient bien que l’affaissement généralisé vient moins de leur réticence supposée à la “réforme” que d’une impuissance de plus en plus sidérante de la performance publique. Ecole, santé, sécurité : impôts partout, service nulle part », tonne Vincent Trémolet de Villers. « La défiance est là et ne va pas s’évaporer par enchantement », ajoute le directeur délégué de la rédaction.
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