[Témoignage d’un GAV du 1er mai]
Macron, si tu me lis, sache que je te tiens comme responsable direct des 23h de GAV totalement arbitraires que j’ai vécu après le 1er mai. Mais je veux que tu saches également que cette expérience n’a fait que renforcer ma détermination à lutter contre ton monde. Et que je signe de suite pour 10 nouvelles GAV dans les prochains mois si cela permet de te faire chuter. Et mauvaise nouvelle pour toi : tous mes camarades de cellule (que je ne connaissais absolument pas avant que ta police ne nous interpelle) sont dans le même état d’esprit !
Lundi soir, après la manif officielle, j’ai décidé avec des amis, de rejoindre le quartier d’Opéra dans l’espoir de continuer à manifester. Trois minutes après être sorti du métro, nous entendons une trentaine de personnes chanter des chants anti Macron sur le trottoir. Nous les rejoignons, dans la bonne humeur et une légèreté qui n’allait pas durer. Car il n’a pas fallu 30 secondes pour que des dizaines de policiers nous encerclent et nous nassent.
Comme il ne s’était strictement rien passé (pas de vitrine brisée, pas de poubelle brûlée, pas de barricades) nous étions assez peu inquiets de notre sort.
Pourtant, après plus de trois heures de nasse, nous avons tous été emmenés en GAV dans différents commissariats. J’y suis resté 23h pour ma part, dans une cellule d’un commissariat du 93 totalement indigne d’un pays qui se dit civilisé. Contrairement à d’autres de mes camarades de GAV, j’ai eu la « chance » d’avoir un matelas en mousse. Certains ont dormi à même le sol. D’autres dans des cellules puant la pisse. Nous avons tous été réveillé par un policier criant « Ha, ils sont là les gauchos ! Ils font moins les malins là ? Bien fait pour votre gueule ! »
Dans ma cellule, un jeune de 23 ans était venu pour la première fois de sa vie en manif, y accompagner sa copine qui l’avait convaincu « qu’elle était importante cette manif ». Un autre était un GJ qui avait déjà expérimenté les GAV abusives. Le dernier était étudiant en droit. Autant de profil sque seul le rejet du monde de Macron réunissait.
Tous nos téléphones ont été fouillés de fond en comble : sms, réseaux sociaux, photos et vidéos. Les numéros de série de nos téléphones relevés, nos cartes sim photographiées. Un des interpellés a totalement craqué face aux pratiques totalement honteuses de la police. Parce qu’il y avait sur son téléphone une photo d’une poubelle brûlée lors de la manif, il lui ont demandé si c’était lui qui l’avait allumée. Alors qu’il avait répondu par la négative, ils ont insisté pendant de longues minutes, en expliquant que ce n’était pas très grave et qu’en avouant, cela lui permettrait de sortir rapidement. Il a avoué, et s’est retrouvé en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, quelques heures après.
Qu’on soit ressorti avec ou sans poursuite, l’expérience d’une telle GAV est particulièrement marquante. Bouleversante pour la plupart. Ce que l’on vit durant ces 24h en cellule marque profondément nos vies, mais aussi celles de nos proches.
Et c’est bien le but de ces GAV aussi arbitraires que politiques. Le 1er mai, ce ne sont pas 350 personnes qui ont été touchées par ces GAV sur Paris, mais 5 à 10 fois plus. Car chaque ami, conjoint, frère et sœur a aussi vécu le traumatisme et l’attente.
Par ce mécanisme, le pouvoir espère casser la mobilisation, et notamment l’élan de révolte qui déborde des cadres déclarés et « légaux ».
Cela n’a rien de nouveau, même si l’ampleur des GAV de lundi semble montrer un nouveau palier dans la répression et l’arbitraire. Un palier qui n’avait jamais été atteint depuis les Gilets Jaunes. Et ce n’est pas un hasard.
Je sors de cette GAV complètement lessivé moralement, physiquement et nerveusement. Ma semaine a totalement été chamboulée.
Mais il y a plus important : savoir que ce pouvoir a besoin de pousser si loin dans le délire répressif et autoritaire, me conforte dans la conviction qu’il faut vraiment le combattre et aller là où cela le dérange le plus.
A l’image de mon camarade de cellule primo manifestant, et évidemment primo interpellé, qui, au début de la GAV ne cessait de nous dire qu’il ne remettrait plus les pieds dans une manif. Et qui, dans les dernières heures de cette journée interminable, nous a affirmé qu’il était plus politisé que jamais. Et plus radicalisé aussi.
Macron, tu penses nous faire peur avec tes GAV, ta BRAV et tes LBD. Et bien je vais te dire un secret : tu nous fais peur. Mais c’est justement pour ça qu’on ne va pas se laisser enfermer dans ton monde mortifère et qu’on va rester debouts, bien dignes. Et qu’on va te combattre.
On préfère combattre dans la peur que vivre dans ta terreur.
Un GAV du 1er mai
Poster un Commentaire