5 mai 2023
L’État condamné pour avoir maintenu un militant emprisonné à l’isolement
Les prolongations d’isolement d’un militant présenté comme étant d’« ultragauche », surnommé Libre Flot, étaient irrégulières. Voilà ce qu’a conclu le tribunal administratif de Versailles, en avril 2023, dans l’affaire dite « du 8 décembre ».
Libre Flot, placé en détention provisoire en novembre 2020, a été gardé à l’isolement pendant toute son incarcération. Dans plusieurs lettres publiques, ce trentenaire a décrit les effets de cet isolement sur son corps et son esprit : pertes de mémoire, vertiges, douleurs thoraciques, trouble de la concentration, pertes de repères spatio-temporels, etc.
37 jours de grève de la faim
Une tribune de soutien — notamment publiée par Reporterre— a été signée par plusieurs dizaines de personnalités publiques. Après une grève de la faim de 37 jours, Libre Flot a finalement été libéré sous bracelet électronique le 8 avril 2022, pour raisons médicales.
Il a voulu dénoncer cette pratique de l’isolement, en déposant plusieurs recours auprès du tribunal administratif de Versailles. Celui-ci lui a donné raison, en avril 2023. Les deux décisions de prolongation de son isolement ont été reconnues irrégulières. L’État a été condamné à indemniser Libre Flot pour le préjudice subi.
Le 17 avril 2023, le même tribunal a également ordonné à l’État de prendre « en urgence » plusieurs mesures « pour préserver la sécurité et les droits fondamentaux des personnes détenues » au centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy (Yvelines) — là où était incarcéré Libre Flot.
Tout avait commencé le 8 décembre 2020, lors la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avait arrêté neuf personnes, soupçonnées d’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle ». Cinq personnes avaient été incarcérées, dont Libre Flot. Celui-ci était surveillé par les services de la DGSI depuis son retour de Syrie, où il avait combattu en 2017 contre Daesh, aux côtés des YPG (Yekîneyên Parastina Gel, Unités de protection du peuple en kurde) du Rojava, parmi d’autres militants internationalistes.
« Nous allons contester la qualification terroriste », a déclaré à Reporterre Me Coline Bouillon, l’une des avocates de Libre Flot. « L’enquête, ouverte depuis dix mois au moment des arrestations, ne laisse apparaître aucune élaboration concrète de projet d’attentat — ni même d’une esquisse de projet —, mais seulement une bien vague « intention de s’en prendre aux forces de l’ordre ». Aucun projet précis, a fortiori aucun projet terroriste, et encore moins de projet terroriste imminent ne viennent donc justifier les arrestations en décembre 2020 », dénonçaient les auteurs de la tribune de soutien à Libre Flot, publiée en mars 2022.
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