Le débat sur la taxation des hauts revenus. Ses enseignements sont édifiants.

Les très riches paient-ils assez d’impôts ? Une étude relance le débat

Le taux décroît au-delà d’un certain niveau de revenus, montre une nouvelle étude, qui prend en compte les bénéfices des sociétés.

Le port de Monaco (photo d’illustration) | OUEST FRANCE/JEAN-MICHEL NIESTER/ARCHIVES

Ouest-France

Quel est le principe fondateur de la fiscalité ?

L’égalité devant l’impôt, rappelée par la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Cela se matérialise par la « progressivité » (celle de l’impôt sur le revenu par exemple), où le taux augmente avec le revenu. Mais ce principe est-il totalement respecté ? Pas sûr, à lire la dernière étude de l’Institut des politiques publiques portant sur les revenus 2016 (une année avec des données exhaustives).

 L’impôt est progressif jusqu’aux très hauts revenus, note Arthur Guillouzouic, l’un des auteurs. Parmi les 37 800 ménages ayant les revenus économiques les plus élevés, environ un sur deux paie 45 % d’impôts. Mais ce taux décroît à 26 % pour les 75 foyers les plus riches. 

Comment parvient-on à ce résultat ?

Les chercheurs s’appuient sur  un taux d’imposition effectif ». Il s’agit du rapport entre l’impôt payé et les revenus, en incluant dans ces derniers un facteur, qui d’habitude n’est pas pris en compte : les profits « non distribués » des sociétés contrôlées par les foyers concernés. « Non distribués », cela signifie que ces profits n’ont pas été restitués sous forme de dividendes. Ils sont restés dans l’entreprise. Certes, ils ont été taxés à l’impôt sur les sociétés. Mais son taux (passé de 50 % dans les années 1980, à 33 % en 2016 et 25 % aujourd’hui) n’est pas progressif.

Que faire ?

Les chercheurs suggèrent de taxer ces bénéfices non pas à l’impôt sur les sociétés mais à l’impôt sur le revenu. Les 75 milliardaires seraient alors taxés non pas à 26 %, mais  à 59 %  ! De quoi faire grincer des dents à Bercy, dont le locataire, Bruno Le Maire, est plutôt adepte des baisses d’impôts.


Quels impôts les milliardaires paient-ils ?

note IPP 92

L’IPP a rendu publique ce mardi 6 juin, lors d’une conférence de presse, son étude intitulée “Quels impôts les milliardaires taxent-ils ?”

Lire la note

Cette étude est le fruit d’un travail inédit de mesure du revenu et de l’imposition effectifs des ménages les plus fortunés en France sur l’année 2016. Les chercheurs de l’IPP (Laurent BachAntoine BozioArthur GuillouzouicClément Malgouyres) ont élaboré une mesure du revenu économique de ces ménages qui se distingue du traditionnel revenu fiscal de référence en intégrant notamment les revenus non distribués des sociétés qu’ils détiennent.

A partir de cette nouvelle mesure, les auteurs démontrent que le taux d’imposition globale apparaît progressif jusqu’à des niveaux élevés de revenu puis devient régressif pour le sommet de la distribution : il atteint en effet 46 % pour les foyers les 0,1% des plus riches puis descend à 26% pour les 0,0002% les plus riches.

Ce taux plus faible d’imposition des plus hauts revenus s’explique par le fait que l’imposition des bénéfices des sociétés est plus faible que l’imposition des revenus personnels.

Pour les « milliardaires », l’impôt sur le revenu ou l’ISF ne représentent qu’une fraction négligeable de leurs revenus globaux, alors que l’impôt sur les sociétés est le principal impôt acquitté.

Les auteurs remettent en perspective ces résultats avec un approche historique et des comparaisons internationales, et ouvrent le débat sur les difficultés mais aussi les solutions possibles d’une imposition progressive jusqu’au sommet de la distribution, donc d’une fiscalité plus juste.

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