Aujourd’hui, mercredi 13 juillet 2023, le Parlement Européen vote en plénière sa version du projet de directive européenne sur les violences contre les filles et les femmes. Ce vote marque le lancement des trilogues, phase de négociation entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union Européenne pour aboutir à l’adoption d’un texte final.
Le 8 mars 2022, profitant de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, la Commission européenne a lancé le projet d’une directive européenne sur les violences contre les femmes et les violences domestiques. En tant que féministes, nous y avons vu une opportunité majeure pour la protection des filles et des femmes en Europe. Durant de nombreux mois, les organisations de défense des droits des femmes, à Bruxelles et dans l’Europe entière, se sont organisées pour être entendues par les institutions européennes. Nous avons défendu la caractérisation d’infractions comme le proxénétisme, l’achat d’acte sexuel, le viol ou les cyberviolences sexistes. Nous avons appelé à développer le volet prévention dans le texte, à assurer des moyens à la hauteur des enjeux…
Si le Parlement européen a retenu nombre des recommandations de la société civile, les Etats membres, représentés au Conseil de l’Union Européenne, sont parvenus à un accord qui vide le texte de ses éléments fondamentaux.
Ainsi, les Etats membres de l’Union Européenne s’opposent à la criminalisation du viol dans la directive, mesure pourtant essentielle au regard du nombre de victimes en Europe.*
Disparaît aussi de la version du Conseil la disposition concernant la collecte de donnée ventilée en fonction du sexe et de l’âge, clé de voûte de la production de politiques publiques informées par les réalités de terrain et véritablement efficaces. L’adaptation des services de soutien aux victimes de violences pour les femmes migrantes et réfugiées, particulièrement vulnérables, est également abandonnée.
Coup de grâce : l’article 7 qui prévoyait la criminalisation du partage de vidéo intimes sans le consentement de la personne concernée (dénudée ou se livrant à une activité sexuelle) se retrouve extrêmement limité dans la version du Conseil qui précise que les dommages doivent être “d’une particulière gravité” et que la criminalisation de tels actes ne doit pas entraver “la liberté d’expression” ni celle “des arts et des sciences”. La prise d’images intimes sans consentement est une violation fondamentale de la vie privée et de l’autonomie sexuelle et doit être proscrite par le droit pénal en tant que telle, indépendamment du préjudice subi. En outre, la Convention EDH prévoit elle-même des limitations possibles à la liberté d’expression, notamment pour protéger les droits d’autrui.
Il n’est pas trop tard pour obtenir une directive véritablement protectrice pour les filles et les femmes résidant en Union Européenne. La France doit tenir un rôle à la hauteur des enjeux !
Nous appelons le Ministère de la Justice à adopter une position au sein du Conseil conforme aux principes français de diplomatie féministe :
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Rejoignant les rangs de la Grèce, du Luxembourg, de l’Italie et de la Belgique qui demandent le maintien de la criminalisation du viol dans le texte (article 5).
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En combattant les limitations à l’article sur la criminalisation de la diffusion de vidéos intimes sans consentement (article 7). La France s’érige aujourd’hui en fer de lance de la lutte contre l’industrie pornocriminelle, à travers notamment deux procès historiques et le rapport du Sénat parut en septembre 2022 intitulé “L’Enfer du décor”, poursuivons ce combat au-delà de nos frontières en permettant aux filles et aux femmes d’êtres protégées contre les violences sexuelles en ligne qui détruisent de trop nombreuses vies.
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En se positionnant de manière forte pour la collecte de données et l’adaptation des services d’aide aux victimes les plus vulnérables.
*348 000 violences sexuelles dont ⅓ de viols ont été déclarés dans les 28 pays de l’Union Européenne en 2018 selon l’Insee. Ces chiffres sont estimés en-deçà de la réalité car le nombre de plaintes est limité du fait du stigmate qui pèse sur les victimes
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