UNE MONTEE DES LUTTES DANS LE MONDE CES DERNIERES SEMAINES QUI DONNE LE SENS DE CE QUI EST EN TRAIN DE SE PASSER EN FRANCE

UNE MONTEE DES LUTTES DANS LE MONDE CES DERNIERES SEMAINES QUI DONNE LE SENS DE CE QUI EST EN TRAIN DE SE PASSER EN FRANCE
La vie politique actuelle en France est intense mais pour bien la comprendre – ainsi que les dernières révoltes des banlieues – il faut non seulement lier les événements les uns aux autres mais aussi au contexte mondial.
Or ces dernières semaines , les luttes sociales ont connu à l’échelle mondiale un regain d’ampleur et de détermination, qui ont confirmé le glissement général qui s’opère depuis déjà quelques temps entre des luttes défensives jusque là et dorénavant plus offensives et qui gagnent plus souvent. Cela traduit un infléchissement du rapport de force général et en même temps, à cause de cela, un durcissement des forces réactionnaires..
Ces modifications ont touché de nombreux pays, de la Grande-Bretagne au Pérou, d’Israël au Bangladesh, du Kenya à l’Ukraine, mais ont été les plus significatives aux USA et en Inde, vu l’importance de ces pays.
USA ET INDE : UN PROLETARIAT A L’OFFENSIVE SUR UN FOND MONDIAL DE LUTTES QUI Y TENDENT AUSSI
Aux USA, la grève actuelle de toutes les professions du cinéma, des petites mains aux grands acteurs en passant par les scénaristes, a contribué à visibiliser l’importance de la lutte de classe sous-jacente depuis quelques années et la modification des rapports de force qui en résulte ainsi que ce qui se profile pour demain. Sous l’effet de la Grande démission, qui est une résistance individuelle à l’exploitation, mais aussi des luttes ouvrières collectives qui ont pris de l’ampleur au moment même où surgissait le mouvement Black Live Matters, le patronat de nombreux secteurs professionnels où la main d’œuvre fait le plus défaut – ou là où elle est la plus combative – a augmenté les salaires le plus souvent autour de 20% mais parfois jusqu’à 50%. Les travailleurs n’ont jamais obtenu une telle d’augmentation des salaires en 40 ans. Ils n’ont cependant pas pour autant encore rattrapé – et de loin – les pertes occasionnées dans ces mêmes 40 ans, mais c’est ce qui rentre progressivement dans l’horizon d’attente de beaucoup et pourrait devenir celui de beaucoup dans le monde. En effet, ce mouvement fait souligner à la grande presse américaine avec les grèves qui se profilent au niveau national chez UPS et dans l’automobile en même temps que perdure celle du cinéma, que la conflictualité actuelle est structurelle – autrement dit, faite pour durer – et du niveau de celle des années 1970, tandis que le vocabulaire de la grève générale refait son apparition. La visibilité de la lutte de classe provoquée par la grève du cinéma, malgré bien des préjugés encore à l’encontre de ce milieu jugé favorisé alors qu’on y trouve les pires exploitations, pourrait faire passer une lutte de classe souterraine et relativement invisible à un stade plus visible et donc plus conscient, y compris à l’échelle internationale, pour de nouvelles générations militantes qui émergent aujourd’hui aux USA, ce qui contribuerait non seulement à modifier les prises de consciences du prolétariat dans toute l’Amérique mais aussi dans le monde et donc les rapports de force à cette échelle
On trouve une situation différente sur la forme, mais semblable sur le fond, en Asie du sud avec les luttes de classe en Inde.
En Inde, la formidable mobilisation prolétarienne des petits paysans et ouvriers agricoles de 2020-2021 qui a fait reculer le gouvernement d’extrême droite de Modi et a surtout soustrait aux griffes du grand capital mondial, la plus importante zone agricole du monde -600 millions de paysans -, n’en finit pas de produire ses effets. Non seulement la lutte des paysans continue mais multiplie les succès. Ces dernières semaines, les paysans producteurs du tournesol dans l’Etat de l’Haryana dirigé par le BJP au pouvoir, ont obtenu pour leur production le MSP, un prix hors marché mondial garanti par l’Etat sous contrôle syndical, une sorte de Smic paysan, la revendication phare du mouvement paysan depuis très longtemps mais jamais obtenue. Cela fait craindre aux autorités et à la presse aux ordres, le retour d’un nouveau méga mouvement paysan pour obtenir la même chose partout. En conséquence, le pouvoir qui danse sur un volcan, vient à nouveau de céder dans son fief de l’Uttar Pradesh (220 millions d’habitants), sur la seconde revendication centrale des paysans, comme celle de nombreuses tribus spoliées de leurs terres et forets, la fin des expropriations quasi sans indemnités des terres paysannes lors des extensions des villes, des zones industrielles, des exploitations minières ou forestières Désormais, ils seront correctement indemnisés et plus réduits à la ruine après l’expropriation. Mais plus important encore, ces reculs s’accompagnent également de défaites idéologiques. Le gouvernement a en effet aussi reculé face au mouvement paysan qui s’est emparé de la question féministe (lui-même d’ailleurs issu d’une mobilisation féministe, Shaheen Bagh), en en faisant une question nationale autour du harcèlement sexuel de championnes olympiques de lutte par un dirigeant du BJP. Puis, plus significativement encore, Modi est mis en difficulté actuellement sur la question des haines ethniques et religieuses grâce auxquelles il a pourtant accédé au pouvoir en 2014 et s’appuie sur elles depuis pour régner. Des violences inter-ethniques dans l’Etat du Manipur, qui ont fait de nombreux morts, destructions et viols, que le pouvoir a suscitées et attisées, ont pris un caractère de rejet national de ces mêmes politiques de division et de haine avec de nombreuses manifestations en cours et à venir partout dans le pays, fragilisant un peu plus un pouvoir d’extrême droite que ses alliés abandonnent les uns après les autres et qui semble au moins très fragilisé sinon près du KO technique. Toute la région des 7 états de l’est indien autour du Manipur en est ébranlée, comme le vaste Bengale indien et ses voisins bangladais ou birmans et chinois. Bref, toute l’Asie du sud, plus de 2 milliards d’habitants, vibre de ces succès et ébranlements.
Par ailleurs, les luttes ouvrières et les hausses de salaires en Grande-Bretagne ont un caractère semblable à ce qu’on voit aux USA et menacent un 3e gouvernement après en avoir fait déjà tomber deux. Le mouvement populaire au Pérou qui essaie de faire tomber le pouvoir putschiste ultra-réactionnaire dure depuis quasi un an mais affiche un nouveau regain ces derniers jours avec l’apparition d’un nouveau Front de luttes organisant des jeunes et bousculant les anciennes organisations dépassées par la situation. Le mouvement en Israel contre la droitisation extrême de l’alliance au pouvoir droite/extrême-droite dure depuis 7 mois mais s’est encore amplifié ces derniers jours en prenant une toute autre dimension, surtout s’il arrive à poser la question palestinienne, ce qui est bien possible. Et il n’est pas jusqu’au sommet de l’Etat poutinien qui se divise et s’effrite avec la révolte de la milice fascisante Wagner, face aux reculs infligés à l’armée russe par la résistance du peuple ukrainien.
En même temps, des soulèvements de la misère autant que des grèves pour les salaires, continuent partout, du Kenya aux ex-pays de l’Est, en passant par le Canada, l’Australie, l’Equateur, la Bolivie, l’Allemagne, le Portugal, la Grèce, la Belgique, la Corée du Sud, le Bangladesh, le Sri Lanka, l’Iran ou le Pakistan, et bien d’autres encore où les pointes avancées de ces combats ne sont plus seulement à se défendre mais prennent un caractère plus offensif et plus politique.
LA MONTEE DE LA REACTION ACTUELLE PREND LA FORME D’UNE REPONSE A UNE MONTEE POPULAIRE PAS ENCORE CONSCIENTE D’ELLE-MËME MAIS QUI Y TEND
C’est dans ce cadre là, qu’il faut comprendre ce qui vient de se passer en France avec le mouvement des retraites et la révolte des banlieues et va se passer demain. La tendance à la montée des luttes et des consciences est mondiale, lente, mais planétaire. C’est pourquoi, dans ce contexte, la lutte en France ne manquera pas de reprendre rapidement, enrichie des leçons de ces derniers mois.
Bien sûr, voyant la menace, les forces inverses ne sont pas inactives.
En France, «l’arc républicain » qu’on a vu se confirmer dans la réconciliation nationale des nantis dans leur haine/peur des jeunes prolétaires des banlieues comme hier des Gilets Jaunes, est la formule française du raidissement autoritaire face à la menace populaire qu’on trouve aussi chez le hongrois Orban, dans le PiS polonais, dans le soutien de l’extrême droite à la droite gouvernementale en Suède, et encore dans les accords gouvernementaux droite/extrême-droite en Finlande ou en Italie.
La dérive macroniste de sa jonction/compétition avec l’extrême droite est irréversible sauf si les classes populaires font tomber le régime dans le cadre du conflit, en France comme dans le monde, qui oppose de plus en plus clairement deux visions du monde et deux classes.
Les débris de la social-démocratie et du stalinisme ne sont plus un rempart mais un accélérateur comme on a pu voir avec la CFDT, le PS, et le PCF qui ont choisi les factieux de la police pour empêcher la possible jonction de la massivité du mouvement des retraites et l’explosivité des jeunes de banlieue dont la révolte était éminemment politique car contre le racisme et la violence hors contrôle de la police. Et c’est justement cet aspect politique sous-jacent qui a provoqué le réflexe d’union nationale anti pauvres. Par son brouillage politique, la gauche institutionnelle a ainsi sauvé une nouvelle fois le régime de Macron après déjà la phase des Gilets Jaunes, mais, ce faisant, s’est aussi placée dans le sillage de la xénophobie affichée de la social-démocratie danoise, se discréditant un peu plus, en glissant sur une pente que le socialiste Marcel Déat et le communiste Jacques Doriot ont jadis emprunté avant-guerre en fondant leur propres partis fascistes.
La classe capitaliste et sa suite médiatique et politique ne peuvent pas régner sans parvenir à diviser le peuple par couleur de peau, religion ou assignation sociale. Et la guerre intérieure qu’ils mènent contre une partie du peuple, au nom d’arguments ethniques, xénophobes et religieux, finit le plus souvent dans la guerre sur le front extérieur avec les mêmes bases ethnicistes, nationalistes et religieuses.
Aujourd’hui, en traitant la population qui lui résiste de « nuisibles », la police française est hors contrôle comme elle l’était dans les années 1930 et également comme l’a été l’armée pendant la guerre d’Algérie. La première situation avait donné la tentative de coup d’Etat de février 1934 et la seconde, le coup d’Etat de 1961 et la constitution de 1958 dont Macron utilise aujourd’hui toutes les possibilités. Mais contrairement aux années 1930, où les classes moyennes étaient composées de beaucoup de boutiquiers et de paysans, ce qui permettait à la droite et l’extrême-droite de les opposer aux ouvriers, aujourd’hui, ces milieux vivent aujourd’hui une communauté matérielle qui les rend plus proches. Cela fait qu’après l’émotion provoquée par le déluge d’images de la propagande gouvernementale et le délire incendiaire des commentateurs télé, quand la raison revient, c’est plus la misère des banlieues qui est condamnée et la police qui est jugée, tandis que la question de sa reforme de fond en comble est désormais présente un peu partout dans les associations, les syndicats et les partis. Beaucoup de monde a compris combien les gouvernants étaient responsables en laissant la situation se dégrader dans la police. Le racisme et la violence factieuse dans la police sont dorénavant reconnus par les gens normaux, le mot « violences policières » est passé dans le vocabulaire courant et les événements de Marseille avec le fiasco de la nouvelle collecte en faveur du policier incarcéré ont montré que les télés n’avaient donné que la vision fantasmatique et haineuse des riches qui ont fait sécession et se sont réfugiés dans leurs beaux quartiers. Les mensonges télévisuels n’arrivent plus à tromper qu’un petit moment la conscience des réalités sociales. Même Darmanin a cru devoir s’excuser en critiquant le niveau intellectuel des policiers et n’a finalement pas été choisi au poste de 1er ministre pour le remaniement afin de ne pas donner satisfaction à la police : le terrain est prêt pour repartir vers de nouveaux embrasements sociaux.
La meilleure preuve en est qu’après sa débandade du 14 juillet où Macron avait annulé son discours des 100 jours dans la confusion, il a cru pouvoir reprendre l’initiative dans cet épisode avec son remaniement.
Or tout le monde s’en fout.
Il a ainsi non pas repris la main mais surtout montré une nouvelle fois son isolement, réduit a racler les fonds de tiroir pour remplir ses ministères, se sentant alors obligé de fanfaronner tout seul dans son coin que rien ne l’empêchera de continuer à réformer, c’est-à-dire à détruire ce qui reste de l’école publique, du système de santé et de protection sociale tout en saccageant l’environnement.
Macron restera Macron mais chaque jour un peu plus faible, la police restera factieuse mais toujours un peu plus discréditée. Par contre, les révoltes des jeunes des banlieues reprendront et comme pour les Gilets Jaunes, seront probablement acceptées dans leur deuxième moment en même temps que les luttes économiques, sociales, environnementales, féministes, anti-racistes et anti-fascistes reprendront aussi.
Face aux dangers qui nous menacent, notre camp est à l’offensive. Il faut en avoir bien conscience et nous mettre à la hauteur de cette tendance générale tandis que les riches passent à la défensive, même si c’est avec agressivité, parce qu’elles sont elle-mêmes aux abois. Arrêtons de propager découragement et pessimisme qui sont la mentalité que les riches répandent chez les pauvres. Faisons preuve d’optimisme aujourd’hui qui est la seule manière de prendre conscience des évolutions actuelles et de rendre compte des tendances générales de la lutte de classe dans le monde, en la faisant ainsi passer dans une nouvelle étape où la frontière entre les les luttes économiques et politiques sera comblée. Nous contribuerons ainsi à ce que tous les petits ruisseaux des luttes émiettées deviennent un fleuve commun qui emporte le vieux monde, l’exploitation et toutes les oppressions.
Jacques Chastaing, 23 juillet 2023
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