Arguments pour la lutte sociale |
Le fait réel le plus important de ces dernières semaines, c’est que le monde est en train de connaître l’emballement climatique. Cela devrait être le premier titre et ça ne l’est pas : toutes les courbes des températures terrestres décrochent, et pas qu’un peu, vers le haut, en cette année 2023. La France, relativement épargnée en juillet – pas pour cause de clémence des éléments mais en raison de l’effondrement en cours de la circulation océanique, aux effets contradictoires – a subi de plein fouet la pire canicule de son histoire dans la seconde quinzaine d’août. Nos vieux dans les maisons de retraite, et nos jeunes dans les immeubles de banlieues, souffrent. Macron choisit ce moment pour annoncer en prince incendiaire que ceux qu’il appelle hypocritement les jeunes défavorisés, à savoir les élèves en difficulté scolaire, devraient reprendre l’école dès le 20 août. Par 45 degrés centigrades, donc. A Aplutsoc, nous avons analysé au fur et à mesure la situation de Macron. Réélu, avec une abstention de plus de 28%, en 2022, affaibli d’emblée : la contradiction entre le projet « jupitérien » et la réalité devait exploser rapidement. Elle n’a pas explosé à l’Assemblée nationale bien que sa composition traduise, de manière déformée, cette réalité. Elle a explosé dans les grèves pour les salaires dès 2022, et dans la rue pour les retraites de janvier à juin 2023. Le caractère minoritaire, antisocial et hors sol de l’exécutif français a été affiché pour tout le monde (et bien relevé par la presse internationale). Mais les directions syndicales, une fois verrouillées par l’ampleur de la mobilisation sur le mot d’ordre, juste, de retrait, ont systématiquement évité toute centralisation frontale contre Macron. Elles l’ont, par conséquent, sauvé en s’opposant de fait à toute organisation de la grève générale. La bourgeoisie a hésité mais le Conseil constitutionnel lui a redonné un bail, de courte durée, pour vérifier. A l’issue de cette « séquence », comme disent les éditorialistes, il lui fallait donc aller de l’avant et aller vite. Aller vite en fonçant vers l’autoritarisme et la violence, vers l’accomplissement du potentiel non réalisé et bien malade de la V° République. C’est dans ce cadre que s’inscrit la « semaine d’émeutes » de juin, causée par un assassinat policier et qui en a vu au moins un autre se produire durant la répression des émeutes. Les conditions ont paru réunies pour certains de la contre-attaque autoritaire faite au nom de l’union nationale, rebaptisée « arc républicain » et sans limites sur son flanc droit. Mais la réalité sociale dans le pays, l’hostilité au pouvoir, demeurent majoritaires. Macron avait annoncé qu’on verrait ce qu’on verrait à l’issue des « 100 jours », et on a vu : pschitt. Le principal nouveau promu du gouvernement, M. Attal, n’est d’ailleurs pas plus le vrai ministre de l’Éducation nationale que ne l’était son prédécesseur M. Ndiaye, comme Macron vient de le montrer par ses « annonces » pour la rentrée. Mais il n’y a pas eu seulement le pschitt, il y a eu la claque : le Conseil d’État, sur la base d’une argumentation juridique incontournable de fond, a suspendu la dissolution des Soulèvements de la terre. La politique, conformément au proverbe, ignorant le vide, a vu un phénomène remarquable se produire : c’est le flic en chef de Macron, phare de son tournant autoritaire, et ayant poussé à fond l’alliance avec Alliance, la milice policière factieuse, et les attaques explicites contre les principes du droit, c’est donc Darmanin qui se retrouve propulsé en avant et qui, sentant enfler ses chevilles, annonce qu’il va sauver la France … en 2027. Le principal ministre de Macron ouvertement candidat à sa succession dès la seconde année du quinquennat : c’est là le signe que Macron échoue à renforcer la V° République. Mais attention, dans l’immédiat, cela veut dire tout le contraire d’une pause : ils vont attaquer car ils doivent attaquer, notamment la jeunesse et l’école. Que Darmanin se voit empereur en 2027 implique que tout de suite, les coups pleuvent (entre autres choses au motif des Jeux Olympiques !). Il n’est pas anecdotique que le sacre de Darmanin ait été formulé par Sarkozy, qui verrait en lui, dit-on, son fils spirituel. Ceci n’est guère spirituel et dit tout sur la médiocrité, et le machisme crasse, de ce personnel politique de petites frappes. Celui qui, avant Macron, avait échoué à booster la V° République, adoube celui qu’il dit vouloir voir succéder à Macron. Tout cela a surtout pour effet de rendre la pente encore plus glissante pour Macron, donc pour le régime ! Autre point important de l’opération médiatique estivale de Sarkozy : il ne promeut pas que Darmanin, il veut aussi sauver Poutine, que l’Ukraine cède des territoires, que l’alliance franco-russe se reconstitue. Les intérêts fondamentaux du régime parlent par la petite voix de Sarkozy : autoritarisme policier se contrefoutant du droit à l’intérieur, ordre mondial multipolaire redonnant à la France son « rang » à l’extérieur, mission assignée à Macron pour le temps – incertain – qui lui reste : préparer son remplacement par Darmanin et renouer ouvertement avec Poutine. Au Niger, pendant ce temps, la multipolarité impérialiste fait savoir qu’elle peut se passer de l’impérialisme français : les manifestants sous contrôle militaire brandissent leurs pancartes « Vive Poutine » contre la présence française … mais la junte veut bien garder les troupes américaines ! Tout permettrait, dans cette situation, de reprendre l’offensive sociale et démocratique contre Macron, avec la jeunesse, et de lui porter le coup de grâce. L’appel aux manifestations du samedi 23 septembre n’a certes pas été lancé avec cette intention, mais il n’a pu répéter les suppliques au gouvernement « de prendre ses responsabilités » faites par les mêmes en juin, et il se situe sur le terrain légitime de la défense des libertés et de la jeunesse. Seulement, que fabrique, de quoi parle l’opposition de gauche officielle (et en l’occurrence l’extrême-gauche avec elle) ? Elle est partie sur autre chose. Si – comme l’écrasante majorité des gens, jeunesse des « quartiers » comprise – vous ne connaissiez pas le rappeur Médine, vous êtes sommés, toutes affaires cessantes, d’étudier sa vie et son œuvre car ce serait une sainte victime de la « fachosphère » et de la « Macronie » réunies et que l’alpha et l’oméga de toute lutte sociale et de toute pensée critique ne saurait se dispenser d’arborer son portrait en majesté, ainsi que vient de le faire le journal l’Humanité, qui, au XX° siècle, a aussi brandi des portraits de pères des peuples, d’un surtout, supposé avoir toujours été l’antithèse du fascisme, du racisme et même de l’antisémitisme … Il y a quelque chose de délirant dans ce prurit verbal. Que les racistes, Darmanin le premier, s’en servent, est une évidence. Mais enfin, les crimes racistes d’État de ces derniers mois n’ont pas consisté dans la prétendue crucifixion d’un Médine (qui chante, sous les applaudissements du parterre « de gauche », que les ennemis sont « les francs-maçons, les athées et les élites » – du Maurras dans le texte !), mais dans l’assassinat de Nael et de plusieurs autres et l’aggravation des discriminations sociales et racistes et des violences policières. On aimerait voir les parangons de vertu dressés sur leurs ergots pour un chef d’entreprise musicale qu’ils ont, à leur place, proclamé représentant de ces jeunes, faire preuve d’autant d’énergie aux côtés des vrais concernés ! Et on espère que la nécessaire mobilisation du 23 septembre ne sera pas polluée et détournée par cette boule puante … Arrêtons là sur ce point, car il est important aussi de ne pas laisser une diversion prendre toute la place. Mais il faut pour cela en comprendre la fonction politique : ceux qui, le temps d’une fin d’été, ne nous parlent plus que de Médine, ont protégé systématiquement et continuent à protéger Macron car ce dont ils ont peur par-dessus-tout, c’est de l’irruption libre des larges masses prenant leurs propres affaires en main, qu’il s’agisse des millions de salariés attaqués par Macron et les patrons, ou qu’il s’agisse de la jeunesse paupérisée, précarisée et victime du racisme. Tout au contraire, une action et une réflexion politiques visant à éviter ce que préparent Macron, Darmanin et Sarkozy et à ouvrir une issue, mise sur cette irruption et cherche à y aider. VP, le 25/08/2023. |
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