Glyphosate : la Commission propose de prolonger l’autorisation pour dix ans

D’après le projet de réglementation consulté par Mediapart, qui doit être présenté vendredi par la Commission, l’exécutif européen propose de réautoriser pour dix ans l’herbicide sur le continent européen.

Amélie Poinssot

20 septembre 2023 à 11h33

Dix ans. Et non plus cinq, comme c’était le cas lors de la précédente homologation. Le glyphosate, molécule active de l’herbicide le plus vendu au monde, pourrait continuer à être vendu sur le marché européen jusqu’en décembre 2033. C’est du moins ce que la Commission européenne a mis sur la table, dans un document auquel Mediapart a eu accès, et qui sera présenté vendredi 22 septembre à Bruxelles en comité technique.

« L’approbation de la substance active du glyphosate […] est renouvelée », est-il indiqué dans le document qui renvoie vers une annexe dans laquelle la durée de cette homologation est fixée entre le « 16 décembre 2023 » et le « 15 décembre 2033 ».

Ce comité, le Scopaff, le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (« Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed »), est composé de représentant·es de chaque État membre. Présidé par la Commission européenne, il doit présenter une copie finale qui sera ensuite soumise au vote des Vingt-Sept lors du conseil européen des 12 et 13 octobre prochains. Pour être approuvée, cette nouvelle réglementation doit recueillir un vote à la majorité qualifiée, représentant au moins 65 % de la population européenne.

Pulvérisation de glyphosate "Roundup 720" dans un champ de seigle en France en 2019. © Photo Jean-François Monier / AFP

La France, on le sait déjà par la voix du ministre de l’agriculture Marc Fesneau, soutient la réautorisation du glyphosate. Il l’a dit à Ouest-France le 12 septembre : « Tout converge vers une nouvelle homologation. » Pour Paris, c’est une volte-face. En 2017, alors qu’Emmanuel Macron fraîchement élu promettait une sortie du glyphosate « dans les trois ans », Paris avait voté contre la ré-homologation européenne. Le gouvernement allemand, en revanche, qui avait voté pour, y est opposé cette fois-ci. Son accord de coalition prévoit l’interdiction du glyphosate sur le sol allemand.

Le draft de la Commission européenne suit donc les recommandations de l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui avait rendu son évaluation en juillet. Le glyphosate ne présente pas de « domaine critique de préoccupation » empêchant le renouvellement de son autorisation dans l’Union, estime l’agence règlementaire. Son avis diverge cependant complètement avec la littérature scientifique, pour qui différentes pathologies et impacts sur sur les écosystèmes y sont associés. Le Circ, le Centre international de recherche sur le cancer, l’a classé comme cancérogène probable depuis 2015.

Le ministère de l’agriculture a indiqué à la presse mercredi après-midi que « les autorités françaises ne sont pas satisfaites de cette proposition »« Nous sommes encore au stade des discussions entre les États membres et la Commission européenne sur la décision qu’elle sera amenée à prendre avant le 15 décembre 2023 », a-t-il précisé dans un communiqué, faisant valoir que l’approche française est fondée sur la « recherche d’alternatives » et la réduction des usages, mais ne démentant pas la volonté de renouveler l’autorisation du glyphosate. « Afin de répondre aux interrogations de l’Efsa sur certaines lacunes dans les données signalées dans les conclusions de l’agence, la France demandera également, à la Commission européenne et à l’Efsa, d’accélérer la mise au point de méthodes d’évaluation des risques pour la biodiversité. »

Pour l’ONG Générations Futures, l’évaluation de l’agence européenne présente de nombreuses faiblesses. Dans un communiqué diffusé mercredi 20 septembre, elle dénonce, au vu du projet de la Commission d’une réautorisation du glyphosate pour dix ans, « la position schizophrénique de la France » et demande à Paris de voter contre.

La ré-approbation du glyphosate pour une telle durée « constituerait une violation des droits humains à la vie et la santé, et des droits du vivant », a réagi de son côté l’eurodéputée (EELV) Marie Toussaint dans un communiqué. « Alors que des millions d’Européen·nes réclament depuis des années la fin de son utilisation et que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur sa toxicité, la Commission européenne et les États membres de l’UE refusent de les écouter. »

L’eurodéputé Christophe Clergeau (PS) pointe quant à lui une « double défaillance » de l’Union européenne. « La première est incarnée par le rapport de l’Efsa, remarquable par son absence d’informations, dit-il à Mediapart. Il est très étonnant que l’effort de recherche n’ait pas été fait. La seconde défaillance, c’est cette nouvelle règlementation. Elle signifie que l’Union européenne renonce à gérer le risque. Car dans le projet de texte, la Commission renvoie aux États membres la responsabilité de décider sur tout un tas d’aspects : impacts des coformulants de l’herbicide, risques pour les petits mammifères, pour la biodiversité, pour les nappes phréatiques… Tout le travail que l’Efsa n’a pas fait, la Commission demande aux États de le faire. »

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