Il est difficile de compatir à la chute d’Ali Bongo

A car drives past a campaign billboard of ousted Gabon President Ali Bongo Ondimba in Libreville on August 31, 2023. People in the central African state of Gabon eagerly awaited a steer on their future on August 31, 2023 after military officers put an end to 55 years of rule by the Bongo family. President Ali Bongo Ondimba, son of Omar Bongo who ruled for more than 41 years, was toppled on August 30, 2023 by army officers following elections in which he vied for a third term in office. (Photo by AFP)

Après la prise du pouvoir au Gabon par les militaires dans la nuit du 29 au 30 août à Libreville, “Le Djely” s’interroge sur les circonstances qui ont mené à la destitution d’Ali Bongo, notant que ce dernier “ne peut pas espérer le même élan de solidarité que celui que la communauté internationale témoigne depuis un mois à Mohamed Bazoum”.

Une affiche de campagne du président gabonais déchu Ali Bongo Ondimba, à Libreville, le 31 août 2023. PHOTO AFP

Le coup d’État contre Ali Bongo Ondimba doit-il être traité comme par exemple celui du Niger, contre Mohamed Bazoum ? Ou bien fait-il partie du lot de ces putschs dont on pense qu’ils ne peuvent être pires que les “démocratures” auxquelles ils mettent fin ?

Difficile de trouver une réponse tranchée à ces questions. Parce que, tout d’abord, indépendamment des facteurs internes susceptibles de rendre compte du coup d’État au Gabon, il est évident que celui-ci s’inscrit dans le cadre de la longue série de putschs militaires que l’Afrique enregistre depuis maintenant trois ans.

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Ensuite, en prétendant tout de go que le renversement d’Ali Bongo est plus acceptable, on offrirait un argument que tout autre candidat à un coup d’État pourrait exploiter à sa guise. Néanmoins, personne ne peut ignorer la singularité qu’était le Gabon. Quand dans un pays une seule famille a régné durant plus d’un demi-siècle, il est difficile de compatir à la chute de ce régime…

Une heure de mandat

Quel paradoxe ! Ali Bongo, dont la famille aura régné sur le Gabon durant cinquante-cinq ans, rentre dans l’histoire avec un record dont il aurait certainement aimé se passer. En effet, son troisième mandat restera le plus court de l’histoire, car il n’a duré qu’une heure tout au plus.

Comme pour Alpha Condé [le coup d’État militaire de septembre 2021 a renversé le président guinéen qui avait modifié la Constitution pour pouvoir accéder à un troisième mandat], ça a été le mandat de trop. D’autant que, dans son cas, Ali Bongo, victime de paranoïa ou d’un excès de confiance, a lui-même contribué à creuser sa tombe.

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Alors qu’en soi le troisième mandat était problématique, le président gabonais avait poussé la provocation jusqu’à ce black-out total sur le scrutin. La coupure d’Internet, le couvre-feu et ce refus de laisser les médias rendre compte des conditions du déroulement du vote ont accentué les soupçons de fraude et de confiscation des suffrages.

Une nouvelle confiscation, dirions-nous, après celle opérée en 2016, au détriment de Jean Ping. De la part d’un président diminué par la maladie [Ali Bongo a été victime d’un accident vasculaire cérébral en 2018] et dont la famille demeure depuis trop longtemps à la tête du pays, tout cela était sans doute très risqué. Qui plus est avec le contexte de révolte militaire qui prévaut sur le continent.

Appels inaudibles

Pour toutes ces raisons, l’appel à la solidarité, plutôt pathétique, lancé hier par l’ancien président via les réseaux sociaux, demeurera inaudible.

Non. Ali Bongo ne peut pas espérer le même élan de solidarité que celui que la communauté internationale témoigne depuis un mois à Mohamed Bazoum. Bien sûr, dans les deux cas, le principe voudrait que l’on condamne toute accession au pouvoir par des voies illégales. Mais Bongo n’a aucune circonstance atténuante.

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Dans le meilleur des cas, on devrait s’atteler à mettre la pression sur ses tombeurs pour que la transition annoncée puisse ouvrir la voie à un Gabon qui soit la fierté de tous les Gabonais.

Parce que, dans l’absolu, les militaires qui viennent de s’emparer du pouvoir sont tout autant comptables des tares que l’on impute au clan Bongo. Il faudra donc veiller et rester lucide. Mais pour les Bongo, il faut se rendre à l’évidence, c’est une page qui se tourne.

Les choses pourraient même être pires, car les dossiers sur les biens mal acquis [biens mobiliers et immobiliers acquis par le clan Bongo et qui ont fait l’objet d’enquêtes judiciaires en France notamment] pourraient être rouverts.

À qui le tour ?

Une autre singularité se rapportant à ce énième coup d’État : sa zone d’intervention. Les autres putschs ont jusqu’ici eu lieu dans l’espace sahélien ou ouest-africain. Mais le Gabon relève de l’Afrique centrale. Il y a donc une extension de l’épidémie.

Or, dans cette partie du continent, le terreau est plutôt fertile, l’Afrique centrale étant notoirement connue comme le ventre mou de la démocratie sur le continent. À cet égard, on peut citer les dinosaures que sont [le président guinéo-équatorien] Teodoro Obiang Nguema[le président camerounais] Paul Biya et [le président du Congo] Denis Sassou Nguesso qui, à eux trois, symbolisent l’immobilisme politique qui caractérise cette région, avec respectivement quarante-quatre ans, quarante et un ans et trente-neuf ans passés jusqu’ici au pouvoir.

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Bien sûr, en République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi, lui aussi, se doit de se méfier. Lui dont le pays est en proie à une insécurité rampante doit pouvoir, en particulier, bien négocier le virage de la prochaine élection présidentielle. D’autant qu’il traîne le passif de l’arrangement électoral qui lui a permis d’arriver au pouvoir il y a cinq ans.

Bref, si on n’y prend garde, la vague qui vient de se manifester à Libreville pourrait inonder toute la région. Et il n’y aura pas grand monde pour s’en plaindre.

Parce que notamment la CEEAC [Communauté économique des États de l’Afrique centrale], ce n’est pas la Cedeao.

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