ENVIRONNEMENT – Libye, Grèce, Espagne, Inde, Hong Kong, Taïwan, États-Unis, Canada… La liste des pays frappés par des inondations parfois meurtrières depuis le début du mois de septembre ne cesse de s’allonger. Des déluges provoqués par les typhons Saola et Haikui, la tempête tropicale Lee, ou encore le cyclone méditerranéen Daniel. Ces évènements météorologiques extrêmes ont pour point commun d’être amplifiés par le changement climatique.
Daniel est la tempête qui a provoqué le plus de dégâts ce mois-ci. En traversant la Méditerranée, renforcée par les eaux exceptionnellement chaudes de la mer, elle a notamment balayé la Turquie, la Grèce, la Bulgarie, avant de toucher les côtes libyennes.
En Libye, les pluies diluviennes ont provoqué l’effondrement de deux barrages, libérant une vague de 7 mètres. L’eau a englouti la ville côtière de Derna, anéantissant des quartiers entiers et emportant des maisons dans l’océan. Plus de 11 000 personnes sont décédées à Derna, selon le dernier bilan des Nations unies, publié dimanche 17 septembre.
Augmentation des précipitations, l’exemple d’« Omega »
Le rôle du changement climatique dans ces inondations meurtrières est loin d’être anecdotique. « La multiplication des pluies intenses est principalement attribuable à l’augmentation de la température globale de la planète », souligne Davide Faranda, climatologue à l’institut Pierre-Simon-Laplace, interrogé par Le HuffPost.
De fait, la hausse des températures augmente la capacité de l’atmosphère à retenir l’humidité, « car l’air chaud peut contenir plus d’eau. Lorsque de l’air chargé d’humidité se refroidit, il libère d’importantes quantités de précipitations », explicite le spécialiste des évènements extrêmes. Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ont ainsi déterminé que le changement climatique a augmenté l’intensité et la fréquence des épisodes de fortes précipitations depuis les années 1950.
Par ailleurs, le réchauffement de la planète tend à modifier la circulation atmosphérique. Les mouvements des masses d’air de l’atmosphère peuvent, par exemple, être ralentis et devenir quasi « stationnaires ». La météo est alors figée, et des conditions météorologiques (pluie, froid, soleil, chaleur….) peuvent persister pendant plusieurs jours, voire semaines, sur une zone donnée.
Nous avons eu l’illustration de ce phénomène météorologique en septembre. Un « blocage en Omega » a provoqué des pluies intenses en Espagne, Turquie, Bulgarie, Grèce, et en même temps une forte chaleur en France, comme nous vous l’expliquons dans la vidéo ci-dessous.
Renforcement des tempêtes, l’exemple de « Daniel »
Le changement climatique rend également les tempêtes et cyclones plus destructeurs, ajoute Davide Faranda. L’exemple parfait en septembre est celui de la dépression Daniel, qui, en cours de route s’est transformée en « medicane ». Ce rare « ouragan méditerranéen », aux caractéristiques similaires à celles des ouragans et des typhons, peut entraîner des précipitations et des inondations dangereuses.
Daniel a pris de la puissance grâce à la température élevée de la Méditerranée, qui a atteint environ 28 degrés cet été. L’atmosphère humide et chaude depuis plusieurs semaines a permis au cyclone de se recharger et de décharger ensuite ses flots sur le bassin méditerranéen, puis la Libye.
Les régions côtières, ainsi que les zones tropicales et subtropicales, comme la mer Méditerranée, sont les plus affectées par ces évènements climatiques extrêmes. « Cela s’explique par le fait que ces régions sont plus susceptibles d’expérimenter des températures de surface de la mer élevées, favorisant ainsi la formation de cyclones tropicaux et d’orages », détaille le climatologue.
Par ailleurs, les pays proches des littoraux sont davantage soumis aux inondations « en raison de l’élévation du niveau de la mer due à la fonte des glaciers » et à « l’expansion thermique de l’eau », précise encore Davide Faranda. Pour faire simple, quand la température de l’océan monte, l’eau de mer se dilate, augmentant ainsi son volume.
Adaptation insuffisante
Ces connaissances scientifiques sur le lien entre changement climatique et inondations ne sont pas nouvelles. Mais les conclusions du Giec, parfois absconses pour le grand public, sont devenues réelles et observables ces dernières semaines.
Plus encore, les inondations meurtrières sont venues réimposer la question urgente de l’adaptation de nos territoires aux aléas climatiques. La construction d’infrastructures résistantes aux risques et l’utilisation de solutions naturelles telles que les plaines inondables sont des exemples de mesures d’adaptation.
En Libye, les experts affirment que l’ampleur de la catastrophe a ainsi été considérablement amplifiée par l’effondrement des infrastructures et l’insuffisance des alertes. « Il s’agit d’une tragédie dans laquelle le climat et les capacités d’intervention et de prévention sont entrés en collision pour provoquer cette terrible tragédie », déclarait le 15 septembre Martin Griffiths, le responsable de l’aide humanitaire de l’ONU.
Du côté de l’Europe, le gouvernement grec a essuyé des critiques acerbes de l’opposition et d’habitants victimes des inondations, dans lesquelles 17 personnes ont perdu la vie. Les images diffusées par des médias d’habitants réfugiés sur les toits de leur maison désespérés de voir arriver les secours ont écorné l’image du gouvernement. Acculé par les critiques, le Premier Ministre, Kyriakos Mitsotakis, a promis d’augmenter les moyens alloués à la lutte contre les effets du changement climatique.
Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les tempêtes, les vagues de chaleur et les inondations ont été à l’origine de 85 000 à 145 000 décès en Europe au cours des quarante dernières années, rappelle l’Agence européenne pour l’environnement sur son site. Les pertes économiques liées aux aléas climatiques sur le continent européen ont atteint environ 500 milliards d’euros au cours de la même période.
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