Arguments pour la lutte sociale |
L’appel ci-dessous et sa traduction nous sont parvenus par le canal du RESU. Il a été publié hier, 1° novembre, par la revue ukrainienne Commons (Spilne) dont le site Internet a fait l’objet d’une attaque informatique juste après cette publication : Nous, chercheurs, artistes, militants politiques et syndicaux ukrainiens, membres de la société civile, sommes solidaires du peuple de Palestine qui, depuis 75 ans, subit et résiste à l’occupation militaire israélienne, à la séparation, à la violence coloniale, au nettoyage ethnique, à la dépossession des terres et à l’apartheid. Nous écrivons cette lettre de peuple à peuple. Le discours dominant au niveau gouvernemental et même parmi les groupes de solidarité qui soutiennent les luttes des Ukrainiens et des Palestiniens crée souvent des séparations. Par cette lettre, nous rejetons ces divisions et affirmons notre solidarité avec tous ceux qui sont opprimés et qui luttent pour la liberté. En tant que militants attachés à la liberté, aux droits de l’homme, à la démocratie et à la justice sociale, et tout en reconnaissant pleinement les différences de pouvoir, nous condamnons fermement les attaques contre les populations civiles – qu’il s’agisse d’Israéliens attaqués par le Hamas ou de Palestiniens attaqués par les forces d’occupation israéliennes et les gangs de colons armés. Le ciblage délibéré de civils est un crime de guerre. Cependant, cela ne justifie pas la punition collective du peuple palestinien, l’identification de tous les résidents de Gaza au Hamas et l’utilisation aveugle du terme « terrorisme » appliqué à l’ensemble de la résistance palestinienne. Cela ne justifie pas non plus la poursuite de l’occupation. Faisant écho à de multiples résolutions des Nations unies, nous savons qu’il n’y aura pas de paix durable sans justice pour le peuple palestinien. Le 7 octobre, nous avons été témoins de la violence du Hamas contre les civils en Israël, un événement qui est aujourd’hui pointé du doigt par beaucoup pour diaboliser et déshumaniser la résistance palestinienne dans son ensemble. Le Hamas, organisation islamiste réactionnaire, doit être replacé dans un contexte historique plus large et dans les décennies d’empiètement d’Israël sur les terres palestiniennes, bien avant que cette organisation ne voie le jour à la fin des années 1980. Lors de la Nakba (« catastrophe ») de 1948, plus de 700 000 Palestiniens ont été brutalement chassés de chez eux, des villages entiers ont été massacrés et détruits. Depuis sa création, Israël n’a jamais cessé de poursuivre son expansion coloniale. Les Palestiniens ont été contraints à l’exil, fragmentés et administrés sous différents régimes. Certains d’entre eux sont des citoyens israéliens victimes de discriminations structurelles et de racisme. Ceux qui vivent en Cisjordanie occupée sont soumis à l’apartheid sous des décennies de contrôle militaire israélien. Les habitants de la bande de Gaza souffrent du blocus imposé par Israël depuis 2006, qui restreint la circulation des personnes et des biens, entraînant une augmentation de la pauvreté et des privations. Depuis le 7 octobre et à l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de morts dans la bande de Gaza s’élève à plus de 8 500 personnes. Les femmes et les enfants représentent plus de 62 % des victimes, tandis que plus de 21 048 personnes ont été blessées. Ces derniers jours, Israël a bombardé des écoles, des zones résidentielles, l’église orthodoxe grecque et plusieurs hôpitaux. Israël a également coupé l’approvisionnement en eau, en électricité et en carburant dans la bande de Gaza. Il y a une grave pénurie de nourriture et de médicaments, ce qui provoque l’effondrement total du système de santé. La plupart des médias occidentaux et israéliens justifient ces morts comme de simples dommages collatéraux de la lutte contre le Hamas, mais restent silencieux lorsqu’il s’agit des civils palestiniens pris pour cible et tués en Cisjordanie occupée. Rien que depuis le début de l’année 2023, et avant le 7 octobre, le nombre de morts du côté palestinien s’élevait déjà à 227. Depuis le 7 octobre, 121 civils palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée. Plus de 10 000 prisonniers politiques palestiniens sont actuellement détenus dans les prisons israéliennes. Une paix et une justice durables ne sont possibles qu’avec la fin de l’occupation en cours. Les Palestiniens ont le droit à l’autodétermination et à la résistance contre l’occupation israélienne, tout comme les Ukrainiens ont le droit de résister à l’invasion russe. Notre solidarité vient d’un sentiment de colère face à l’injustice et d’une profonde douleur de connaître les effets dévastateurs de l’occupation, du bombardement des infrastructures civiles et du blocus humanitaire dont nous avons fait l’expérience dans notre pays d’origine. Certaines parties de l’Ukraine sont occupées depuis 2014, et la communauté internationale n’a pas réussi à arrêter l’agression russe à l’époque, ignorant la nature impériale et coloniale de la violence armée, qui s’est par conséquent intensifiée le 24 février 2022. Les civils en Ukraine sont bombardés quotidiennement, dans leurs maisons, dans les hôpitaux, aux arrêts de bus, dans les files d’attente pour le pain. En raison de l’occupation russe, des milliers de personnes en Ukraine vivent sans accès à l’eau, à l’électricité ou au chauffage, et ce sont les groupes les plus vulnérables qui sont les plus touchés par la destruction des infrastructures essentielles. Pendant les mois de siège et de bombardement intensif de Marioupol, il n’y a pas eu de corridor humanitaire. En voyant les Israéliens prendre pour cible les infrastructures civiles à Gaza, le blocus humanitaire israélien et l’occupation du territoire résonnent douloureusement en nous. Depuis ce lieu de douleur, d’expérience et de solidarité, nous appelons nos compatriotes ukrainiens dans le monde entier et tous les peuples à élever la voix pour soutenir le peuple palestinien et condamner le nettoyage ethnique de masse israélien en cours. Nous rejetons les déclarations du gouvernement ukrainien qui expriment un soutien inconditionnel aux actions militaires d’Israël, et nous considérons que les appels lancés par le ministère ukrainien des Affaires étrangères pour éviter les pertes civiles sont tardifs et insuffisants. Cette position constitue un recul par rapport au soutien des droits des Palestiniens et à la condamnation de l’occupation israélienne, que l’Ukraine a suivis pendant des décennies, y compris en votant à l’ONU. Conscients du raisonnement géopolitique pragmatique qui sous-tend la décision de l’Ukraine de se faire l’écho des alliés occidentaux, dont nous dépendons pour notre survie, nous considérons que le soutien actuel à Israël et le rejet du droit des Palestiniens à l’autodétermination sont en contradiction avec le propre engagement de l’Ukraine en faveur des droits de l’homme et de la lutte pour notre terre et notre liberté. En tant qu’Ukrainiens, nous devrions être solidaires non pas des oppresseurs, mais de ceux qui subissent l’oppression et y résistent. Nous nous opposons fermement à l’assimilation par certains hommes politiques de l’aide militaire occidentale à l’Ukraine et à Israël. L’Ukraine n’occupe pas les territoires d’autres peuples, mais lutte contre l’occupation russe, et l’aide internationale sert donc une cause juste et la protection du droit international. Israël a occupé et annexé des territoires palestiniens et syriens, et l’aide occidentale qui lui est apportée confirme un ordre injuste et démontre qu’il y a deux poids deux mesures par rapport au droit international. Nous nous opposons à la nouvelle vague d’islamophobie, comme le meurtre brutal d’un enfant palestinien américain de 6 ans et l’agression de sa famille dans l’Illinois, aux États-Unis, ainsi qu’à l’assimilation de toute critique d’Israël à de l’antisémitisme. Dans le même temps, nous nous opposons à ce que tous les Juifs du monde entier soient tenus pour responsables de la politique de l’État d’Israël et nous condamnons la violence antisémite, telle que l’attaque de la foule contre l’avion au Daghestan, en Russie. Nous rejetons également la renaissance de la rhétorique de la « guerre contre le terrorisme » utilisée par les États-Unis et l’UE pour justifier les crimes de guerre et les violations du droit international qui ont sapé le système de sécurité international, causé d’innombrables morts, et qui a été empruntée par d’autres États, notamment la Russie pour la guerre en Tchétchénie et la Chine pour le génocide des Ouïghours. Aujourd’hui, Israël l’utilise pour procéder à un nettoyage ethnique. Appel à l’action Nous demandons instamment la mise en œuvre de l’appel au cessez-le-feu mis en avant par la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. Nous demandons au gouvernement israélien de cesser immédiatement les attaques contre les civils et de fournir une aide humanitaire ; nous insistons sur la levée immédiate et indéfinie du siège de Gaza et sur une opération de secours urgente pour restaurer les infrastructures civiles. Nous demandons également au gouvernement israélien de faire cesser l’occupation et de reconnaître le droit des personnes déplacées palestiniennes à retourner sur leurs terres. Nous demandons au gouvernement ukrainien de condamner le recours à la terreur sanctionnée par l’État et le blocus humanitaire contre la population civile de Gaza et de réaffirmer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Nous demandons également au gouvernement ukrainien de condamner les agressions délibérées contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée. Nous appelons les médias internationaux à cesser de monter les Palestiniens et les Ukrainiens les uns contre les autres, où les hiérarchies de souffrance perpétuent la rhétorique raciste et déshumanisent ceux qui sont attaqués. Nous avons vu le monde s’unir dans la solidarité pour le peuple ukrainien et nous appelons tout le monde à faire de même pour le peuple palestinien. Signataires au 2 novembre : Signatures (as of 2023/11/02) 1. Volodymyr Artiukh, researcher 2. Levon Azizian, human rights lawyer 3. Diana Azzuz, artist, musician 4. Taras Bilous, editor 5. Oksana Briukhovetska, artist, researcher, University of Michigan 6. Artem Chapeye, writer 7. Valentyn Dolhochub, researcher, soldier 8. John-Paul Himka, professor emeritus, University of Alberta 9. Karina Al Khmuz, biomedical engineer programmer 10. Yuliia Kishchuk, researcher 11. Amina Ktefan, fashion influencer, digital creator 12. Svitlana Matviyenko, media scholar, SFU; Associate Director of Digital Democracies Institute 13. Maria Mayerchyk, scholar 14. Vitalii Pavliuk, writer, translator 15. Sashko Protyah, filmmaker, volunteer 16. Oleksiy Radynski, filmmaker 17. Mykola Ridnyi, artist and filmmaker 18. Daria Saburova, researcher, activist 19. Alexander Skyba, labour activist 20. Darya Tsymbalyuk, researcher 21. Nelia Vakhovska, translator 22. Yuliya Yurchenko, researcher, translator, activist 23. Iryna Zamuruieva, ecofeminist researcher, artist, climate & land policy project manager 24. Alisha Andani, history of art student 25. Daša Anosova, curator, researcher, UCL SSEES 26. Lilya Badekha, activist, culturologist, social media manager of the Spilne journal 27. Anastasia Bobrova, researcher 28. Anastasiia Bobrovska, dj, activist, digital strategy consultant 29. Mariana Bodnaruk, researcher 30. Yuriy Boyko, researcher, scientific assistant 31. Vladislava Chepurko 32. Daria Demia, artist 33. Olena Dmytryk, researcher 34. Olha Dobrovolska, teacher, culture researcher 35. Svitlana Dolbysheva, artist, filmmaker 36. Hanna Dosenko, anthropologist 37. Vitalii Dudin, activist of NGO ‘Sotsialnyi Rukh’ 38. Oksana Dutchak, sociologist 39. Nastya Dzyuban, choreographer and performer 40. Kateryna Farbar, journalist 41. Taras Gembik, culture worker, co-organizer of SDK Slonecznik at Musuem of Modern Art in Warsaw 42. Anna Greszta researcher, co-founder of Collect4Ukraine 43. Nataliya Gumenyuk, journalist 44. Olenka Gu, sociologist 45. Tetiana Hanzha, documentary film director 46. Andrii Hulianytskyi, researcher 47. Serhii Ishchenko, journalist 48. Hanna Karpishena 49. Milena Khomchenko, curator and writer, chief editor of SONIAKH digest 50. Daria Khrystych, researcher, activist 51. Amira Khussein, fashion business manager 52. Kyrylo Klymenko, historian 53. Lyuba Knorozok, producer, documentary filmmaker 54. Oleksandra Kokhan, researcher 55. Vladyslav Kononok, project manager 56. Mariia Kosenko, translator 57. Olga Kostyrko, independent researcher, activist, editor 58. Iaroslav Kovalchuk, PhD Candidate, historian 59. Anna Kovtoniuk, software developer 60. Dmytro Kozak, PhD candidate, anthropologist 61. Ruslana Koziienko, PhD candidate, social anthropologist 62. Yustyna Kravchuk, cultural worker, translator 63. Yulia Krivich, artist, co-organizer of SDK Slonecznik at Museum of Modern Art in Warsaw, PhD fellow at Academy of Arts in Krakow, Poland 64. Amir Ktefan, personal translator and voice over artist 65. Olexii Kuchanskyi, researcher, film programmer 66. Veronika Kulak, student of business economics 67. Yuliia Kulish, researcher 68. Kateryna Lysovenko, artist 69. Kostiantyn Maleoniuk, activist 70. Daryna Mamaisur, filmmaker, visual artist, researcher 71. Daniil Marchenko, bike messenger, cook 72. Anastasia Marusii, art historian 73. Mykyta Mikhalkov, student, volunteer 74. Andrii Myroshnychenko, cultural manager and translator 75. Pavlo Molochko, signaller in the AFoU 76. Andriy Movchan, publicist 77. Serhii Movchan, left activist, volunteer 78. Zarina Netovkina 79. Zhanna Ohanesian, researcher, humanitarian worker 80. Kateryna Olieshko, artist, activist, creative producer 81. Olga Papash, researcher, producer, volunteer 82. Anton Parambul, soldier 83. Mariia Pastukh, activist, head of Ukraine solidarity collective “Vsesvit” 84. Valerii Petrov, game maker 85. Julie Poly, artist 86. Mariia Ponomarova, film director, creative producer 87. Zakhar Popovych, activist 88. Nina Potarska, researcher 89. Dariia Puhach, computer linguist 90. Olha Pylypenko, art manager 91. Anna Rebrii, journalist, PhD student, activist 92. Maksym Romanenko, doctor 93. Marta Romankiv, artist, researcher, PhD fellow at Academy of Fine Arts in Gdansk 94. Betya Roytburd, artist, organizer, curator 95. Kseniia Rybak, researcher 96. Bohdana Rybenchuk 97. Mariia Salan, artist 98. Abdula Sarkhan, digital artist 99. Yulia Serdyukova, film producer 100. Mariia Shynkarenko, researcher 101. Maria Sonevytsky, professor, researcher 102. Veronika Stancheva, psychologist 103. Vladyslav Starodubtsev, historian 104. Oleksandr Svitych, researcher 105. Olena Syrbu, researcher, cultural worker 106. Nast’ey Teor, graphic artist and designer 107. Natasha Tseliuba, feminist, activist, artist, curator 108. Dr. Nataliya Tchermalykh, University of Geneva 109. Marharyta Tokarieva researcher, filmmaker |
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