Les horreurs du drame qui se joue en Palestine et le risque d’embrasement régional voire au delà, après déjà la guerre de la Russie de Poutine en Ukraine qui a fait certainement plus de 500 000 morts à ce jour, même si les belligérants ne fournissent aucun chiffre fiable, nous rappellent plus que jamais que « le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » selon la célèbre formule de Jean Jaurès et aujourd’hui plus que jamais.
Plus que jamais, parce que comme avant les deux dernières guerres mondiales les équilibres mondiaux entre grandes puissances n’ont jamais été autant bousculés qu’aujourd’hui, l’émergence de l’union élargie des BRICS en témoigne, mais plus que jamais aussi parce que l’ordre établi des notables, autant dans les anciennes grandes puissances que dans les nouvelles émergentes, n’a jamais été autant contesté et fragilisé dans l’histoire que maintenant par les soulèvements de ceux d’en bas.
C’est à cette aune qu’il faut prendre la mesure des nouveaux conflits actuels même s’ils semblent prendre encore les vieilles ornières tracées par des conflits anciens comme à Gaza.
C’est quelque chose de totalement inédit dans l’histoire humaine à tel point que nos esprits, encore enfermés dans les vieilles institutions, organisations, médias, traditions, habitudes et routines du passé, ont souvent du mal à en mesurer l’ampleur, la profondeur et à en discerner le visage et le sens dans chacun des événements actuels que les villes habitudes nous font percevoir indépendants les uns des autres.
Ce grand bousculement a connu ses premiers frémissements après que les luttes sociales en Chine autour de 2010 aient porté les augmentations de salaires de 10 à 20% l’an, entraînant une grande partie de l’Asie dans son sillage. La première expression politique visible de ce chambardement mondial ont été les révolutions arabes de 2009-2013. Depuis, il n’a pas cessé, à tel point que, déjà en 2018, plus de 52 pays ont connu un soulèvement de taille majeure soit plus – au moins en nombre sinon en profondeur – que dans les périodes révolutionnaires de 1918-1925 ou 1945-1949, ou encore les périodes de luttes de 1936-1937 ou 1968.
Depuis, ce grand bousculement n’a pas cessé en quantité mais a progressé en qualité pour passer de luttes défensives pour tenter de garder ce que les puissants voulaient prendre, à des luttes offensives pour tenter de reprendre – au moins en partie – ce que les capitalistes nous ont déjà pris, du point de vue de la démocratie économique d’abord mais de plus en plus de la démocratie politique aussi, et les deux ensemble maintenant puisque l’un ne va pas sans l’autre.
Bien sûr, ce n’est pas un processus linéaire ni sans reculs partiels. Les situations varient d’un pays à l’autre et d’un moment à l’autre, mais la tendance générale est la même partout ; que le pays soit à la pointe du combat ou en retard, chaque combat gagné ici en encourage d’autres ailleurs et chaque combat perdu sert de leçon pour les autres à l’avenir, mais la vague générale des luttes ne s’arrête pas et continue à être montante.
La fusion progressive des combats économiques et politiques fait que les campagnes électorales ne sont plus vraiment des campagnes électorales classiques dans le cadre institutionnel bourgeois prévu mais le débordent par l’intervention directe de la classe ouvrière dans le processus électoral avec ses propres moyens d’expression, les grèves et les manifestations.
Cela se fait plus ou moins consciemment par le nombre considérable de luttes et grèves dans de telles périodes -pourtant conçue comme une trêve sociale-, comme aux dernières élections présidentielles françaises ou aux élections américaines de novembre 2024 qui ont déjà commencé maintenant avec une série de grèves gagnantes importantes et plus consciemment encore avec les grèves de l’automobile où les dirigeants du syndicat automobile UAW ont clairement indiqué vouloir peser non seulement sur l’issue du scrutin mais aussi et surtout sur son contenu revendicatif, bref y imposer leur programme, tout ou partie. C’est en Inde où cette intervention consciente de la classe ouvrière dans le processus électoral bourgeois est certainement la plus avancée puisque là aussi, sans avoir encre de candidat propre faute d’avoir une expression politique indépendante, le prolétariat organisé derrière la coordination des 500 millions de paysans-prolétaires qui a déjà fait reculer le pouvoir d’extrême-droite en 2020/2021, s’invite en toute conscience par ses propres moyens de lutte, dans les élections générales qui auront lieu au printemps 2024 avec une campagne de grèves générales et de luttes d »ampleur à l’échelle du pays autour d’un programme revendicatif anticapitaliste extrêmement radical pour non seulement faire tomber le pouvoir d’extrême-droite mais aussi imposer de fait son programme, avant, pendant et après les élections, aux futurs élus.
Ce n’est pas encore la prise du pouvoir politique par le prolétariat mais cela s’en rapproche. Et c’est là où est le danger.
En effet, si le prolétariat n’est guère conscient à l’échelle mondiale du processus général de montée sur la scène politique dans lequel il est engagé faute de parti pour l’exprimer, la bourgeoisie, le voit, elle, et très consciemment et s’y prépare.
La prise spontanée du pouvoir par les classe populaires au Sri Lanka, même si une fois fait, elles n’ont pas su quoi en faire et donc le garder, a été un premier avertissement sérieux pour ceux d’en haut. Le second l’a été par la prise de pouvoir de fait par les comités de quartier au Soudan au bout d’un processus révolutionnaire de trois ans. Ils tenaient tout sauf l’armée. L’armée a déclenché la guerre civile dans lequel le peuple soudanais est toujours englué avec ses destructions du pays et ses milliers de morts.
C’est dans ce cadre général qu’il faut intégrer pour le comprendre ce qui se passe actuellement en Israël et à Gaza même si le processus montant actuel s’est glissé dans un passé sanglant vieux de plusieurs décennies. Il faut bien sûr soutenir de toutes nos forces le combat des palestiniens mais il faut aussi comprendre que ce qu’il y a de différent dans la situation actuelle par rapport aux décennies passées, c’est l’extraordinaire soulèvement du peuple israélien pour la démocratie pendant 39 semaines qui était à deux doigts de renverser Netanyahou et l’extrême-droite israélienne et qui commençait à se dire à une échelle de masse que pour avoir la démocratie en Israël il fallait aussi l’avoir en Palestine. C’est ce mouvement, le même qu’on voit à l’échelle du monde de fraternisation des peuples contre les oppresseurs et exploiteurs, que l’extrême-droite israélienne a tenté de casser en multipliant les agressions et provocations militaires contre les palestiniens espérant une riposte du même type en retour pour stopper le processus d’émancipation et de fraternisation en cours.
La bourgeoisie sait jouer des vieilles divisions et haines issues du passé pour casser le processus unificateur du prolétariat. Elle a les institutions, les médias, les appareils politiques pour ça.
De notre coté nous avons le nombre et les valeurs. Il nus manque encore la conscience de ce que nous sommes et faisons.
C’est la tâche du jour.
Jacques Chastaing, 5/11/2023
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