LE MOUVEMENT ANTI-IMPERIALISTE ACTUEL A DES POTENTIALITES SUBVERSIVES INEDITES

Ça fera plus de 50 jours cette semaine que l’actualité est toujours dominée par la guerre en Palestine, ce qui se traduit par l’ampleur du mouvement anti-impérialiste qui continue.
En même temps, certains éprouvent un sentiment d’impuissance face à ce qui paraît bien loin de nous. L’actualité de tous les jours, la hausse des prix, l’insuffisance des salaires, la pauvreté dans laquelle on s’enfonce doucement, la crise climatique qui détruit la planète, tout cela tend à passer sous les radars, mais continuant à faire son chemin et creuser silencieusement en nous, provoque un sentiment d’abandon. Car dans la vie de tous les jours, ce qui compte et qui pour beaucoup rend la vie insupportable, c’est d’abord ce que l’on vit concrètement. Alors beaucoup se réveillent en déprime accentuée par le matraquage de la presse des milliardaires : succès électoraux de l’extrême-droite en Argentine et aux Pays bas, loi anti-immigration, continuation du glyphosate qui nous tue, 49.3 qui rognent toujours un peu plus la démocratie, république bananière des ministres Dupont-Moretti, Dussopt, Bayrou, qui se moquent de la justice et de nous…
Pourtant, ce mouvement anti-impérialiste est formidable et en lien profond avec l’exploitation quotidienne qui mine nos vies. C’est d’ailleurs parce qu’il y a un lien profond que ce mouvement dure. Il reste à le rendre clairement conscient pour que le mouvement en devienne subversif au quotidien.
Avec la guerre en Palestine, on sent bien bien que des conflits locaux peuvent dégénérer en guerre généralisée et que nous nous y trouverons tous impliqués. Mais il y a plus que cela. C’est un problème général. Nous le sentons parce qu’il y a 195 nations dans le monde dont 126 connaissent un différend frontalier soit 75 %, et 28 % qui connaissent un conflit armé. Ça peut être un conflit armé avec le voisin ou un conflit armé à l’intérieur de ses propres frontières mais toujours alimenté par un climat permanent nationaliste, xénophobe et raciste qui est le mode d’existence et de gestion habituel de la bourgeoisie au pouvoir. Mais ce climat va croissant ces derniers temps parce que c’est en accentuant ces haines jusqu’à la guerre, que les bourgeoisies concurrentes règlent tout à la fois leurs rivalités en période de crise mais aussi et en même temps, tentent de gagner la guerre de classe qui les oppose aux travailleurs de leurs propres pays.
Alors on refuse ce monde et on aimerait le dire dans ce mouvement anti-impérialiste.
La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Il n’y a ainsi pas de différence de fond, entre un Netanyahou qui a essayé de liquider ce qui restait de démocratie en Israël mais se heurtant à un fort mouvement montant de résistance populaire, a cherché la guerre par tous les moyens en multipliant les agressions contre les palestiniens et un Trump qui a aussi tenté de saper la démocratie américaine par un coup d’État et qui aujourd’hui annonce que s’il revient au pouvoir, sa première mesure sera une loi interdisant toute opposition à ses décisions, ce qui avec les résistances populaires que cela ne manquera pas de provoquer, le poussera à régler le problème par la fuite en avant vers la guerre
La concurrence exacerbée entre bourgeoisies les mène a s’attaquer dans un premier temps aux acquis sociaux de leurs propres populations et pour cela aux droits démocratiques permettant de s’exprimer, protester, manifester, faire grève… La lutte contre la démocratie est une lutte contre les acquis sociaux. La guerre ne fait que prolonger cet état de fait.
Les résistances populaires qui en résultent amènent un durcissement des partis de droite qui cherchent alors leurs « arguments » dans l’arsenal idéologique de l’extrême-droite, se liquidant par là eux-mêmes. Ainsi se développe partout une tendance à des gouvernements droite/extrême-droite, en Italie, Finlande, Suède et peut-être demain aux Pays-Bas où le succès électorat des fascistes n’est pas une surprise, puisqu’il est préparé de longue date par la droite. Elle les a en effet en quelque sorte adoubé en multipliant les mesures anti-immigrés puis en acceptant leur soutien extérieur dans un gouvernement précédant, et enfin en leur passant quasi directement le flambeau, le gouvernement décidant de se dissoudre en juillet sur une question d’immigration qu’il n’arrivait pas à régler, en donnant en quelques sorte mission à l’extrême-droite, donc en plaçant cette question au centre de la campagne électorale contre le mouvement social qui ne cessait de progresser. Cela n’a pas empêché la gauche d’avoir une forte progression mais pas suffisante toutefois.
C’est la même tendance en France où après de multiples attaques contre les immigrés et un climat raciste alimenté en permanence par le gouvernement et de nombreux média, on a vu la dernière expression de cette tendance – dans le cadre de la protestation générale contre l’impérialisme – avec l’invitation de l’extrême-droite à la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre, en fait de soutien au gouvernement Netanyahou et de légitimation de l’extrême-droite française.
Mais toute la difficulté pour les représentants de la bourgeoisie française, en même temps que d’attaquer les acquis sociaux et démocratiques, est de passer pour cela du Front républicain d’hier pour faire barrage à l’extrême droite à l’Arc républicain d’aujourd’hui les regroupant tous y compris l’extrême droite, contre LFI. Il s’agit fondamentalement pour eux, dans cette période d’attaques sociales, de tenter d’empêcher la politisation des résistances sociales, bref d’empêcher la classe ouvrière de monter sur la scène politique par ses propres moyens d’action et d’expression et sa propre démocratie, la démocratie directe des grèves et les manifestations. Ils craignent concrètement, que leur virement de cap actuel, ne pusse à lier la satisfaction des revendications économiques à la chute de Macron, à la défense de la démocratie et de la planète, comme on en a déjà vu germer l’amorce lors du mouvement des retraites, avec la lutte conjointe contre les 49.3, les méga-bassines, le SNU et le développement des casserolades anti-Macron.
C’est la tendance lourde de la situation actuelle. Toutes les mobilisations actuelles, qu’elles soient économiques, sociales, sociétales, écologistes, anti-racistes, féministes, anti-fascistes, ou anti-impérialistes, toutes tendent à converger voire à fusionner dans des perspectives politiques.
Ainsi, les gouvernements droite/extrême-droite en place ont déclenché comme en Finlande ou en Suède, des mouvements sociaux à visées politiques comme il n’y en avait pas eu depuis les années 1930 et peut-être bien aussi en Italie depuis cet automne. Aux USA, le dégoût de l’impasse que représentent le duel/duo Trump et Biden, déplace la perception de la résolution des problèmes de la sphère électorale traditionnelle vers le mouvement social et syndical. C’est ce qui fait germer tout à la fois des luttes d’ampleur victorieuses comme jamais vu et en même temps une nouvelle génération de militants syndicaux plus radicaux qui prennent une place de plus en plus importante tendant à représenter pour beaucoup, l’avenir politique du pays. Bref la lutte de classe et la classe ouvrière au centre des perspectives politiques pour un autre monde.
Cette tendance générale lutte de classe s’exprime tout particulièrement dans la lutte actuelle contre l’impérialisme autour de la Palestine. C’est pourquoi le gouvernement a tenté le contre-feu de la marche contre l’antisémitisme en accélérant l’intégration de l’extrême-droite. Mais signe de ces temps à la politisation ouvrière, peu sont rentré dans le piège, ça a été un fiasco.
Tout les dégoûts, les révoltes contre leur monde et le sentiment de classe s’expriment dans le refus de ranger les peuples derrière leurs gouvernements, le peuple israélien derrière Netanyahou et l’extrême-droite, le peuple palestinien derrière le Hamas, dont les modèles sont les mollahs iraniens ou les Talibans afghans.
C’est inédit pour un mouvement anti-impérialiste
Par contre, bien des organisations issues des combats justes hier, mais dépassés aujourd’hui, continuent d’identifier peuples et gouvernements, apposant « israéliens » à « palestiniens », comme si c’étaient des blocs homogènes non traversés par la lutte de classe, empêchant ainsi que se déploient les potentialités les plus subversives de ce formidable mouvement anti-impérialiste, c’est-à-dire, fondamentalement, contre la guerre, contre tous les racismes, toutes les barrières et frontières, contre toutes les oppressions et toutes les exploitations, bref contre le capitalisme.
Les étudiants italiens qui occupent aujourd’hui les universités de Rome, Turin, Gênes, Naples, Macerata, Venise, Padoue, Bologne, l’ont bien compris, eux qui se battent conjointement pour le cessez le feu en Palestine, contre le gouvernement d’extrême-droite et sa politique d’austérité, contre le militarisme et contre les entreprises polluantes qui détruisent la planète, se positionnant ainsi au centre de la vague de grèves générale qui secouent l’Italie cet automne, rappelant l’influence des mobilisation contre la guerre du Vietnam sur l’émergence de mai 68 et du mai rampant italien.
La convergence à Paris ce 25 novembre d’un cortège de soutien aux palestiniens avec la manifestation contre les violences faites aux femmes est aussi un pas dans ce sens.
Pas de libération sans femmes libres, ici comme en Palestine ou en Israël.
Jacques Chastaing, 25.11.2023
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