Une forte baisse de la natalité en France en 2023 : c’est ce qui ressort du dernier bilan de l’Insee, publié ce mardi. Cette donnée inquiète mais pour Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, elle doit plutôt questionner le traitement réservé aux enfants déjà nés et le poids psychologique et financier de la maternité.
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Avoir moins d’enfants, symptôme d’un ras-le-bol des femmes ? En 2023, la France est passée sous la barre symbolique des 700 000 naissances, une première depuis la Seconde guerre mondiale. D’après le bilan démographique publié ce mardi 16 janvier, comme chaque année par l’Insee, « la fécondité chute » dans l’Hexagone : « En 2023, 678 000 bébés sont nés en France. C’est 6,6 % de moins qu’en 2022 et près de 20 % de moins qu’en 2010 », relate l’institut.
Et l’âge de procréation a aussi reculé : en 2023, l’âge moyen à la maternité s’élève à 31 ans contre 29,5 en 2003. Alors qu’il est difficile de connaître les raisons poussant les couples à avoir moins d’enfants, certains experts penchent pour les difficultés économiques telles que la baisse du pouvoir d’achat, le chômage ou encore la crise du logement.
Pour d’autres, les inégalités hommes-femmes et les nouveaux modes de vie viennent aussi expliquer ce phénomène. Auprès de « l’Obs », Anne-Cécile Mailfert, autrice et présidente de la Fondation des Femmes, estime que cette baisse de la natalité est liée au « coût d’être mère » encore accablant pour les femmes et au besoin de se concentrer davantage sur les enfants déjà nés.
Parfois, ce phénomène est lié à des décisions personnelles. Mais c’est aussi parce que les femmes mettent plus de temps avant de se poser dans un emploi ou qu’elles sont discriminées au travail. Lorsqu’elles sont enceintes ou deviennent mères, leur carrière en prend un coup. Elles n’ont alors pas envie d’avoir plusieurs enfants. Il y a aussi le problème concernant l’accueil des enfants à l’école et lors de la petite enfance. Et on oublie souvent de parler de certains hommes qui ont de moins en moins envie de faire des enfants. Enfin, ces derniers ne participent pas autant qu’il le faudrait aux tâches ménagères. Toutes ces conditions font que les femmes n’ont pas ou plus envie d’avoir des enfants car elles sont épuisées. Tout ça est lié au coût d’être mère, encore trop important aujourd’hui.
Cette baisse inquiète les économistes et natalistes qui parlent d’un « problème » démographique. Qu’en pensez-vous ?
Nous sommes au même niveau qu’en 1990, il n’y a pas de problèmes avec la natalité. Le taux de fécondité français est toujours au-dessus des autres pays européens. C’est une rhétorique d’extrême droite d’en faire un problème. Le seul problème est de savoir si les femmes sont libres de prendre ou non ces décisions. Sont-elles libres d’avorter et d’avoir accès à une contraception pour empêcher une grossesse qu’elles ne souhaitent pas ? Sont-elles libres d’avoir des enfants quand elles le souhaitent ? Si elles sont libres et décident d’en faire moins, c’est leur choix et il faut leur faire confiance. Les démographes le disent, la France ne va pas s’éteindre. Il faut que les femmes soient libres de faire trois enfants si elles le souhaitent ou non, mais surtout qu’elles puissent les accueillir dans de bonnes conditions.
Il y a peut-être moins de femmes qui ont envie de faire des enfants, mais lâchez nos utérus. D’autant plus qu’aujourd’hui, la société ne prend pas soin des enfants qui sont déjà là. Nous ne sommes pas capables de payer des lits aux urgences pédiatriques, des enfants dorment à la rue, la Ciivise a été guillotinée, nous ne sommes pas capables de les protéger de la pornographie ou de leur donner une éducation gratuite, publique et de qualité.
Comment améliorer ces problématiques ?
Nous sommes dans une société anti-enfants qui est très maltraitante avec eux et qui ne leur permet pas d’exister, de faire du bruit. La ville est hostile pour les enfants, on ne les voit plus courir, ils sont tout le temps enfermés et surveillés. Ils ne doivent pas bouger dans les cafés, ils dérangent dans les trains et les parents se font regarder de travers. Lorsqu’on parle de natalité, nous ne pensons qu’à la vision utilitariste des enfants, du fait qu’on en a besoin pour payer nos retraites, pour produire économiquement. Les femmes ne font pas des enfants pour ces raisons. La question est plutôt : comment prend-on soin des enfants déjà nés pour leur permettre de grandir sur une planète viable ?
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