Lors du sommet de l’Union Africaine à Addis Abeba, le président brésilien Lula a déclaré : « Ce qui se passe dans la bande de Gaza avec le peuple palestinien ne s’est produit à aucun autre moment de l’histoire. En fait, cela s’est déjà produit : lorsque Hitler a décidé de tuer les juifs. »
Il est important, pour les militants de gauche qui veulent rétablir un véritable internationalisme reposant sur la vérité et ne soutenant aucun camp géopolitique, de donner quelques arguments situant et réfutant les propos de Lula, et indiquant ce qu’il en est réellement des crimes commis à Gaza. C’est important d’abord parce que Lula a été une grande figure du mouvement ouvrier latino-américain et mondial, ensuite parce que ses propos vont sans aucun doute être diffusés et répétés partout, et qu’ils doivent nous permettre de réveiller les esprits critiques.
Pour situer les propos de Lula, il faut d’abord rappeler qu’ils sont tenus à Addis Abeba, en présence de la puissance invitante : le premier ministère éthiopien Abiy Ahmed, ancien prix Nobel de la paix, responsable de la guerre du Tigré (2020-2022), qui a fait, selon l’Union africaine, 600 000 morts, plus selon d’autres sources. Il s’agit donc du conflit causé par une situation d’oppression nationale le plus meurtrier, avec l’invasion de l’Ukraine, des trois dernières années. A présent, l’Éthiopie devient un nouveau membre des BRICS élargis, ses habitants et ses terres étant livrés à l’exploitation sans frein de firmes souvent indiennes, saoudiennes ou chinoises.
Pour situer les propos de Lula, il faut ensuite les rapprocher de ses déclarations faites le même jour au même endroit pour qu’il soit fait preuve de « retenue » et de « modération » à propos de la mort de l’opposant russe Navalny, dénonçant quiconque, comme des millions de Russes et d’adversaires de la tyranie partout dans le monde, oserait lier cette mort aux actes du président Poutine.
Retenue et modération avec son ami Poutine : effectivement, jamais Lula n’a parlé de risque génocidaire à propos des appels de Poutine à mettre fin une fois pour toute à l’Ukraine et aux Ukrainiens, et des actes barbares massifs de ses forces en Ukraine.
Voila qui situe les propos de Lula et devrait rendre méfiant envers lui quiconque veut sincèrement et efficacement défendre les droits humains, démocratiques et nationaux du peuple palestinien.
A quoi est réellement comparable la destruction engagée de Gaza par l’armée israélienne ? Pas à la Shoah, mais à la destruction de Marioupol réalisée par l’armée russe en 2022. Avec les incertitudes existant à ce sujet, le nombre de morts est similaire, et il est potentiellement plus élevé à Gaza en raison d’une population plus importante. A Marioupol, c’est une russification qui a suivi la destruction. A Gaza cela risque d’être une exode, une seconde Nakba. Les méthodes sont proches dans les deux cas. Une différence est qu’à Marioupol, les troupes ukrainiennes n’ont pas interdit l’accès aux quelques souterrains existant pour se mettre à l’abri, alors qu’à Gaza le Hamas s’octroie le monopole des souterrains beaucoup plus étendus.
C’est une condamnation politique et morale terrible du gouvernement et de l’État israélien que de faire savoir et dénoncer cette similitude entre Marioupol et Gaza. Parler de Shoah n’augmente en rien leur responsabilité morale, politique et militaire, mais introduit une confusion érigeant « Israël » en coupable comparable aux nazis, un amalgame qui nourrit directement l’antisémitisme contemporain. Le fait que Netanyahou et son gouvernement et l’armée israélienne facilitent un tel amalgame n’est en rien une excuse.
Pourquoi cet amalgame de la part de Lula ? Il s’explique pour les mêmes raisons que son silence sur les massacres au Tigré et sa complicité avec Poutine. Lula ne cherche aucunement à défendre les Palestiniens. Il défend le système mondial des impérialismes multipolaires, qui porte en lui la guerre « comme la nuée l’orage » (Jaurès). Les internationalistes aspirant à l’émancipation humaine combattent ce système et la totalité des pouvoirs impérialistes et sont avec les Ukrainiens, les Palestiniens, les Tigréens, les Juifs confrontés à l’antisémitisme et toutes et tous les opprimés.
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