L’ambiance générale se politise sur un fond de prolétarisation de la société.
En conséquence, le mouvement naturel des manifestations populaires s’écoule spontanément sur la pente creusée par ces tendances. La petite paysannerie est le point resté longtemps aveugle où ce penchant général a creusé souterrainement pendant des années pour d’abord surgir en torrent impétueux dans l’immense mouvement paysan indien de 2020-2021 – qui continue toujours aujourd’hui – et qui a bouleversé la société indienne et chamboule encore toute l’Asie du sud dans tous les domaines. Puis, par-delà les différences, notamment de niveaux de vie, c’est aujourd’hui la petite paysannerie européenne qui est confrontée à la même volonté du grand capital agro-alimentaire de ces dernières années de liquider la petite propriété paysanne.
Ce sont ces résistances aux grandes tendances économiques, sociales et politiques que cherche à imposer le grand capital qui s’entendent dans les révoltes des paysans en France.
Par-delà la voix officielle et médiatique exprimée par les seigneurs féodaux et grands capitalistes de la FNSEA, une voix nouvelle a marqué ce mouvement, celle d’une voix prolétarienne, politique, sociétale, environnementale au sein même du mouvent paysan, débordant de tous les côtés le contrôle de la FNSEA et contestant ses vieilles rengaines réactionnaires.
Le mouvement est d’abord parti de la base sans la FNSEA, il a eu ensuite l’objectif politique qui est celui général de la période, de marcher sur Paris, pour repeindre l’Elysée au lisier, « aller chercher Macron », il a enfin fait apparaitre au plus grand nombre qui identifiait paysannerie et FNSEA – et ce sera le plus grand acquis du mouvement, -qu’il y a deux paysanneries, les grands et les petits et qu’ils ont chacun leurs expressions politiques et leurs programmes. Les premiers ne pensent qu’au profit, réduisent à la misère le monde paysan, détruisent la terre et empoisonnent nos assiettes, les seconds, avec la Confédération paysanne, veulent un revenu décent comme les ouvriers, des protections sociales, protègent l’environnement et notre santé, font partie des Soulèvements de la terre s’associant à tous ses combats. Un certain nombre savait tout cela, mais pour la première fois, c’est apparu à une échelle de masse au travers d’un combat politique d’ampleur d’autant plus observé de tous qu’il avait la sympathie populaire générale.
Tout comme les petits prolétaires non organisés des Gilets jaunes que d’aucun, accrochés au vieux monde, qualifiaient de fascistes avant de revoir leurs positions ultérieurement, la petite paysannerie vient d’accrocher sa locomotive au combat général. Elle a réveillé toute une situation endormie par la démoralisation de s’être laissés entraînés dans la tactique suicidaire des journées saute-moutons des directions syndicales lors de la lutte pour la retraite puis d’avoir accepté de lâcher la révolte des jeunes des quartiers populaires, ce qui généré la vague réactionnaire et raciste qui s’en est ensuivie jusqu’à aujourd’hui…. Une démoralisation qui a fait que beaucoup ont tardé à comprendre dans quel sens général positif s’inscrivait le mouvement des paysans.
Les petits paysans nous sortent de cet épisode pour ouvrir une nouvelle période de luttes, encore plus orientées vers les convergences et l’objectif politique. Le succès du mouvement des enseignants et demain des cheminots n’est pas indépendant de l’ébranlement crée par les petits paysans, en même temps que ces luttes sont les premières étapes de cette nouvelle période.
Qui plus est, le combat des petits paysans va redonner, avec un espoir renaissant, aux travailleurs et militants de France la perception du niveau exceptionnel de lutte aujourd’hui en Europe qui donne la tendance générale sur le continent mais que beaucoup ne voulaient pas voir, repliés sur eux-mêmes dans leur démoralisation, amplifiée méthodiquement par la presse des milliardaires.
La Grande Bretagne avec des grèves économiques incessantes qui durent depuis un an et demi, parallèlement à un mouvement anti-impérialiste de soutien au peuple palestinien d’une ampleur jamais vue, et puis l’effondrement électoral de la droite et l’extrême-droite avec l’échec du Brexit et en conséquence la tentative de création d’un nouveau parti tentant de faire le lien entre mouvement social et mouvement anti-impérialiste
L’Allemagne, où le mouvement des paysans, les grèves des cheminots, des chauffeurs de bus et bien d’autres s’associe à une vague continue inédite de manifestations de masse contre le fascisme qui s’étend maintenant à l’Autriche.
La Pologne où le mouvement considérable des femmes pour le droit à l’avortement a conduit à la défaite électorale du gouvernement de droite extrême.
Et puis, la grève généralisée en Finlande depuis plusieurs mois contre le gouvernement de droite et d’extrême-droite qui attaque les droits ouvriers et les protections sociales ; le mouvement massif de plusieurs mois en Serbie contre la politique de haine et division raciale du pouvoir populiste et qui continue maintenant contre son vol des élections ; des mouvements très importants en Tchéquie contre la politique d’austérité budgétaire tout comme en Slovaquie associés dans ce pays à la lutte contre la dérive dictatoriale et mafieuse du régime ; et puis encore, associées aux mouvements paysans, des grèves continues en Belgique, au Portugal, en Espagne en même temps qu’en Italie, où un moment assommée par les succès de l’extrême-droite, ce pays a repris un mouvement de luttes sociales de grande dimension depuis l’automne dernier ; la Grèce en révolte contre les privatisations qui touchent jusqu’à l’université ; des luttes historiques des enseignants en Lituanie et Estonie avec des succès exceptionnels…
La tendance générale en Europe – et dans le monde – est toujours à la montée des luttes, à leur convergence et à leur politisation. Les petits paysans le rappellent et nous y entraînent tous.
Mille mercis à eux !
Jacques Chastaing, 4 février 2024
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