https://www.arte.tv/fr/videos/110980-001-A/le-grand-entretien-avec-philippe-descola/
Élève de Lévi-Strauss, ethnologue, anthropologue, médaille d’or du CNRS et professeur au Collège de France, Philippe Descola a consacré sa vie de chercheur à tenter de comprendre la relation des êtres humains au reste du vivant. Lors de son premier terrain parmi les Achuar en Amazonie, il fait une découverte qui va révolutionner le monde des idées. La nature n’existe pas, ou du moins pas pour tout le monde. C’est un concept européen qui n’a pas plus de quatre siècles et qui a bouleversé le cours de notre histoire collective.
Depuis plusieurs siècles en Occident, la nature se caractérise par l’absence de l’homme et l’homme, par ce qu’il a su surmonter de naturel en lui.”
La journaliste Laura Raim a rencontré Philippe Descola pour lui demander comment il avait réussi à décaler son regard, pour voir au-delà de nos évidences, au-delà de tout ce qu’on lui avait appris, jusqu’à remettre en question les enseignements de son mentor Lévi-Strauss. Dans ce film portrait, une biographie par les idées, Philippe Descola remonte le fil du temps pour mieux nous raconter la construction de sa pensée. C’est toute une vie de recherche, de rencontres et de doute qu’il accepte de partager.
Au sujet des ZAD (voir : 01.06.00)
« Je suis très attentif aux expériences qui sont menées de territoires alternatifs dans le monde et en particulier en France dans les ZAD qui sont des formes d’organisations collectives qui sont intéressantes car elles visent à échapper à la fois au train du capitalisme, c’est à dire à la production de profits et au fait de la définition de la valeur individuelle indexée sur la capacité à mobiliser des ressources matérielles, et d’autre part au fait de l’identification profonde entre les habitants des ZAD comme Notre Dame des Landes, que je connais un peu moins mal que d’autres, à s’identifier à un milieu particulier d’une façon très profonde. Un phénomène d’autant plus intéressant que la plupart des habitants de ces ZAD sont issus d’autres milieux et ne sont pas des paysans au départ. C’est une identification qui s’est développée au fil du temps et c’est un système électif, c’est une activité élective, qui n’est pas issue de très anciennes familiarités avec un certain type de bocage ou autre.
Je suis intéressé par les ZAD, par ce qui se passe chez les zapatistes &c, ce sont des lieux de vie alternatifs. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire de l’humanité, ce n’est même pas la première fois dans l’histoire récente. Des communes anarchistes il y en a eu beaucoup au 19ème siècle, au 20ème siècle, des volontés de créer des zones à l’écart où on puisse librement essayer de penser des institutions qui soient différentes de celles qu’on a. Ce qui est intéressant maintenant c’est que ces territoires alternatifs fonctionnent un peu en réseau et que leurs façons de faire, de voir leur organisation collective, ont pour résultat de faire réfléchir au delà en quelque sorte des militants.
Je pense que l’acharnement de l’État contre ces territoires alternatifs montre bien qu’ils sont perçus comme une menace pour un certain statut quo. Il suffit d’entendre ce que certains hommes politiques, femmes politiques aussi d’ailleurs, continuent à dire sur les ZAD. C’est une très grande ignorance mais c’est fondé aussi sur la perception d’une menace vis ç vis des institutions au sein desquelles nous avons déployé notre vie collective depuis deux siècles.
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