Un journaliste de l’AFP a vu, dimanche, plusieurs corps autour d’un centre pénitentiaire de la capitale, après des attaques nocturnes de gangs armés pour libérer des prisonniers.
Le chaos s’intensifie en Haïti, où le gouvernement a décrété, dimanche 3 mars, l’état d’urgence ainsi qu’un couvre-feu dans la capitale, Port-au-Prince, à la suite de l’évasion de plusieurs milliers de détenus d’un centre pénitentiaire attaqué par des gangs armés.
« Le gouvernement de la République, se référant à l’arrêté du 3 mars 2024 déclarant l’état d’urgence sur toute l’étendue du département de l’Ouest pour une période de soixante-douze heures renouvelable », département dont fait partie la capitale, « décrète un couvre-feu sur tout ce territoire » entre 18 heures et 5 heures heure locale lundi, mardi et mercredi, ainsi que dimanche de 20 heures à 5 heures.
Le couvre-feu a été annoncé « en raison de la dégradation sécuritaire », notamment à Port-au-Prince, « caractérisée par des actes criminels de plus en plus violents perpétrés par les gangs armés ». « Les forces de l’ordre ont reçu l’ordre d’user de tous les moyens légaux à leur disposition en vue de faire respecter le couvre-feu et d’appréhender tous les contrevenants », ajoute le communiqué gouvernemental.
Les attaques organisées par les gangs dans le pénitencier national de Port-au-Prince ont fait une dizaine de morts. « On a dénombré de nombreux cadavres de détenus », a déclaré, dimanche, à l’Agence France-Presse (AFP), Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). Il a expliqué qu’une centaine de détenus étaient toujours présents dans la prison dimanche, sur environ 3 800 avant l’attaque.
Un journaliste de l’AFP s’étant rendu sur place dimanche matin a, lui, vu une dizaine de corps aux alentours de la prison. Certains portaient la trace de balles ou de projectiles, selon lui. Il a pu entrer dans le pénitencier, dont la porte était « ouverte » et où il n’y avait « quasiment personne », a-t-il rapporté.
Le gouvernement parle de « criminels lourdement armés »
Dans la nuit de samedi à dimanche, des policiers « ont tenté de repousser un assaut de gangs criminels contre le pénitencier national et la prison de Croix des Bouquets », a dit, de son côté, le gouvernement dans un communiqué. « Cet assaut a fait plusieurs blessés parmi les prisonniers et le personnel de l’administration pénitentiaire », a-t-il ajouté.
Le gouvernement a dénoncé les « déchaînements de criminels lourdement armés voulant à tout prix libérer des personnes gardées, notamment pour des faits de kidnapping, pour des meurtres et d’autres infractions graves ». La police nationale « mettra tout en œuvre pour traquer les prisonniers en fuite, arrêter les responsables de ces actes criminels et leurs complices », a assuré le gouvernement.
S’agissant de la prison de la Croix des Bouquets, on ignore pour l’heure combien de détenus ont pu s’échapper, selon Pierre Espérance. Elle abritait avant l’attaque environ 1 450 détenus, a-t-il précisé.
Le déploiement d’une mission internationale attendu
Pays pauvre des Caraïbes, Haïti fait face à une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire depuis l’assassinat, en 2021, du président Jovenel Moïse. Les forces de sécurité sont dépassées par la violence des gangs, qui ont pris le contrôle de pans entiers du pays, y compris de la capitale, Port-au-Prince. Depuis jeudi, des gangs armés s’en prennent à des sites stratégiques, disant vouloir renverser le premier ministre contesté, Ariel Henry. Au pouvoir depuis 2021, ce dernier aurait dû quitter ses fonctions au début de février.
Plusieurs prisonniers de droit commun, des chefs de gangs connus et des inculpés dans l’assassinat du président Jovenel Moïse étaient incarcérés au pénitencier national, situé à quelques centaines de mètres du palais national.
Vendredi, le Kenya et Haïti ont signé un accord pour l’envoi de policiers kényans dans le pays des Caraïbes, dans le cadre d’une mission internationale soutenue par les Nations unies. En visite cette semaine à Nairobi, Ariel Henry a discuté avec le président kényan, William Ruto, de « l’accélération du déploiement » de cette force. Le Parlement kényan avait validé le déploiement, avant que celui-ci soit bloqué par une décision de justice à la fin de janvier.
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