Affaire Geneviève Legay : 6 mois avec sursis pour le commissaire Rabah Souchi qui avait ordonné la charge, il fait appel
Le tribunal correctionnel de Lyon vient de rendre sa décision. Rabah Souchi est condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis. Les faits s’étaient déroulés le samedi 23 mars 2019, pendant une manifestation de gilets jaunes à Nice, la militante altermondialiste Geneviève Legay a été gravement blessée lors d’une charge policière. Le commissaire Rabah Souchi a été jugé en tant que donneur d’ordre les 11 et 12 janvier 2024.
Vendredi 08 mars 2024. 14 h 18. Le délibéré du tribunal correctionnel de Lyon vient de tomber. Rabah Souchi, Le commissaire, qui a ordonné la charge, écope d’une peine de 6 mois de prison avec sursis. Le tribunal a estimé que l’ordre de charger « n’était ni justifié ni proportionné ni nécessaire » et a suivi les réquisitions du parquet lors du procès des 11 et 12 janvier derniers.
Présent pour le délibéré, Le commissaire, Rabah Souchi, était poursuivi pour « complicité de violence par une personne dépositaire de l’autorité publique » pour sa gestion de la manifestation interdite, au cours de laquelle Geneviève Legay, alors âgé de 73 ans, avait été grièvement blessée.
Pour sa part, Geneviève Legay avait donné rendez-vous aux médias devant le Palais de Justice de Nice.
La militante altermondialiste a pris la parole, ainsi que Mireille Damiano, son avocate, devant une assemblée venue la soutenir. Elles ont, toutes deux, réagi officiellement au délibéré du tribunal correctionnel de Lyon.
Bien sûr, six mois de prison avec sursis, c’est peu, mais le réquisitoire du procureur était magnifique.
Geneviève Legay.
« Je suis très contente de ce qui arrive aujourd’hui parce que j’ai toujours voulu que la justice soit faite. Bien sûr, six mois de prison avec sursis, c’est peu, mais le réquisitoire du procureur était magnifique », a déclaré Geneviève Legay.
« Monsieur Souchi est condamné à la peine requise par le parquet, à savoir 6 mois de prison avec sursis. Il a été fait droit, à sa demande, de la non-inscription à son casier judiciaire. Ce qu’il faut souligner de façon très, très claire, c’est que la présidente (Ndlr : du tribunal correctionnel de Lyon) a indiqué que la charge ordonnée par Monsieur Souchi était, en soi, un acte de violence ni nécessaire, ni proportionnée. Et que c’est la raison pour laquelle il a donc été condamné ».
Ce qu’il faut souligné de façon très, très claire, c’est que la présidente (Ndlr : du tribunal correctionnel de Lyon) a indiqué que la charge ordonnée par Monsieur Souchi était, en soi, un acte de violence ni nécessaire, ni proportionnée. Et que c’est la raison pour laquelle il a donc été condamné.
Mireille Damiano – Avocate de Geneviève Legay.
FTV
Rabah Souchi fait appel
Selon Michel Bernouin de France 3 Côte d’Azur, l’avocat de Souchi va faire appel, dans les jours à venir, de la délibération du tribunal correctionnel de Lyon.
La mairie « prend acte »
Dans un communiqué, la Ville de Nice a dit « prendre acte de la décision. » Et d’ajouter : « le maire continuera à apporter son soutien à ceux qui font respecter l’ordre de public et se félicite de compter sur l’expertise de deux commissaires de la Police Nationale en détachement : Monsieur Jérôme Marcenac et Monsieur Rabah Souchi, et des très nombreux policiers Municipaux qui constituent les cadres de la première Police municipale de France. Ce sont d’excellents agents qui font sa force et sa compétence, reconnue au plan national. »
Un procès dépaysé à Lyon
Les 11 et 12 janvier derniers, à Lyon, s’est déroulé le procès dépaysé de ce qui est devenu l' »affaire Legay ». Six mois de prison avec sursis ont été requis à l’encontre du commissaire de la police nationale Rabah Souchi, poursuivi pour « complicité, par ordre ou instruction, de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ». Dans ce type d’affaire, il est très rare de voir un donneur d’ordre sur le banc des prévenus. Geneviève Legay, en éternelle militante, a voulu faire du procès de son affaire celui des violences policières en France.
Le 23 mars 2019, une manifestation qui tourne au drame
Retour sur les faits. Le samedi 23 mars 2019, lors de la 19ᵉ journée de mobilisation des gilets jaunes, une manifestation est organisée dans le centre de Nice. En raison de la visite ce même week-end du président chinois Xi Jinping sur la Côte d’Azur, elle n’est pas autorisée par la préfecture. Place Garibaldi, une centaine de militants sont rassemblés, lorsque les forces de l’ordre chargent le groupe. Geneviève Legay, 73 ans, est poussée par un policier. Sa tête heurte violemment un plot en métal.
La scène a été filmée par Frédéric Cerulli, journaliste reporter d’images pour France 3 Côte d’Azur :
Geneviève Legay est au sol, inanimée. Le choc a provoqué plusieurs fractures au crâne, une fracture de l’os de son oreille interne et de nombreux hématomes dans la boîte crânienne.
Elle ne sortira de l’hôpital que près de deux mois plus tard, le 15 mai 2019, éprouvant encore des difficultés à marcher. Ses avocats avaient alors déjà déposé plainte contre le préfet et toute la chaîne de commandement du 23 mars.
Au terme de l’instruction, seul le commissaire divisionnaire Rabah Souchi, autorité civile de commandement ce jour-là, est renvoyé devant le tribunal correctionnel.
Un procès dépaysé pour éviter les tensions
Le procès de Rabah Souchi s’est tenu les 11 et 12 janvier 2024, près de cinq ans après les faits, devant le tribunal correctionnel de Lyon. Michel Bernouin et Eloisa Patricio l’ont suivi pour France 3 Côte d’Azur :
Si le procès a été dépaysé, les militants d’Attac s’étaient, eux aussi, déplacés à Lyon pour une journée militante à la Bourse du Travail. Leur mot d’ordre : « le 11 janvier 2024, faisons le procès des violences policières ». Là était aussi l’ambition de Geneviève Legay elle-même, exprimée lors de l’entretien accordé à France 3 Côte d’Azur quelques jours avant l’audience.
C’est la première fois en 70 ans qu’un donneur d’ordre va passer au tribunal. Je me bats pour l’affaire Legay, mais je me bats aussi pour toutes les violences policières. Il y en a marre que les violences policières ne soient pas reconnues par l’État.
Geneviève Legay
Interview à France 3 Côte d’Azur le 7 janvier 2024
La bonne personne sur le banc des prévenus ?
Lors des deux journées d’audience, l’avocat de Rabah Souchi s’est évertué à démontrer que ce procès était une « absurdité juridique », estimant qu’« on ne poursuivait pas la bonne personne ». « C’est un autre fonctionnaire qui a tapé Madame Legay, on le sait, on le voit sur les images. Je ne comprends pas que ce fonctionnaire ne soit pas poursuivi » a plaidé Me Laurent-Franck Liénard. Le major en question bénéficie d’une ordonnance de non-lieu qui est définitive.
On ne doit pas aller chercher la responsabilité pénale du commissaire. On n’est responsable pénalement que de son propre fait.
Laurent-Franck Liénard, avocat du commissaire Rabah Souchi
Le 12 janvier 2024
Le commissaire Souchi a de son côté nié toute erreur ou faute dans l’ordre donné, reconnaissant tout au plus « un ton inapproprié, un énervement sans conséquences sur ses actes ce jour-là. »
Tel n’a pas été l’avis du procureur de la République, Alain Grellet. Lors de l’audience, après avoir méticuleusement étudié les circonstances qui ont conduit aux blessures de Geneviève Legay, il avait lancé au commissaire : « vous perdez vos moyens, vous perdez votre aptitude à commander. »
Cet ordre a été donné de manière ni nécessaire, ni proportionnelle, ni conforme à la réglementation. (…) Il s’agissait d’un trouble à l’ordre public modéré, (…) nous sommes à tout casser à 200 manifestants, tout le monde est unanime pour les qualifier de déterminés, mais de non-violents.
Alain Grellet, procureur de la République
le 12 janvier 2024
Le représentant du parquet avait requis six mois de prison avec sursis à l’encontre du commissaire en tant que donneur d’ordre de la charge policière.
Avant même que le tribunal ne rende sa décision, Rabah Souchi a été recruté par la Ville de Nice en tant que directeur adjoint de la police municipale.
Il a pris ses fonctions le 12 février dernier.
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