Reflets, StreetPress et Blast publient une nouvelle série de révélations ce lundi sur le groupe Altice (SFR, BFM, Sotheby’s…). L’empire de Patrick Drahi, dans le viseur de la justice et rattrapé par ses dettes délirantes, est aujourd’hui en péril. Le groupe propriétaire de SFR pourrait s’écrouler. Chaque heure, toute la journée, une enquête.
Tremblement de terre le 13 juillet 2023 : la justice portugaise déclenche l’opération « Picoas » et place en détention l’ami de toujours, le bras droit de Patrick Drahi, Armando Pereira. Dans son pays, celui-ci est un homme d’affaires star. Il a un temps été l’homme le plus riche du Portugal, avec une fortune estimée aujourd’hui à environ 2 milliards d’euros.
Armando Pereira a créé Altice avec Patrick Drahi en 2002. Il a été ensuite de tous les montages financiers, tous les investissements, de tous les projets les plus fous. En interne, Pereira est connu comme le cost-killer du groupe, craint pour ses méthodes de management brutales et les charrettes de licenciements qu’il laisse derrière lui.
Sa mise en cause par la justice lusitanienne fragilise immédiatement le groupe Altice. Patrick Drahi est même contraint de réunir les 500 plus hauts cadres du groupe, puis ses créanciers pour les rassurer. Une opération de calinothérapie à laquelle il n’avait pas recourue depuis des années.
Le PNF entre dans la danse
Le magnat a senti le souffle du boulet de canon. Le calme semblait revenu quand soudain, début mars 2024, Bloomberg annonce l’ouverture d’une enquête préliminaire par le Parquet national financier (le PNF) en France… Selon nos informations, l’enquête n’est pas déclenchée suite à des informations transmises par la justice portugaise mais simplement sur la base des articles relatant l’affaire Picoas. L’idée est de vérifier s’il existe ou non un système en France qui ressemblerait à celui qui aurait été mis en place au Portugal par Armando Pereira. Pour l’instant Altice laisse entendre qu’elle collaborera – « une posture qui sera mise à l’épreuve dans les mois à venir », explique un proche du dossier, plutôt dubitatif.
Le PNF disposant des DrahiLeaks, comme le FBI d’ailleurs, il y a fort à parier que les dirigeants d’Altice ne prennent pas cette annonce à la légère. Car, au-delà des faits éventuels de « corruption de personnes n’exerçant pas de fonction publique, [de] blanchiment et [de] recel de ces délits », reste le volet fiscal, qui pourrait s’inviter dans le dossier.
Si la plupart des opérations d’optimisation sont légales sur le papier, il existe toujours, par exemple, le risque d’une interprétation juridique selon laquelle il y aurait un abus de droit. C’est à dire une volonté de profiter indûment de la législation pour éluder l’impôt. Le sujet est d’ailleurs discuté par l’équipe dirigeante d’Altice avec ses juristes. Ainsi, dans un mail, un fiscaliste du cabinet Meyer Brown met en garde : « S’agissant de la diversification des investisseurs : comme évoqué, il s’agirait de limiter les risques de discussion sur le terrain de l’abus avec l’administration fiscale française. » Mieux vaut prévenir que guérir…
En outre, certains arrangements entre Patrick Drahi et Armando Pereira pourraient être auscultés par le fisc, comme nous l’avions raconté en septembre dernier dans un article.
Un océan de dette(s)
L’empire chancèle d’autant plus que ces affaires judiciaires peuvent laisser penser – même si tout le monde reste présumé innocent tant qu’une décision de justice n’est pas rendue – qu’une vaste politique de prédation aurait été mise en place par les dirigeants. L’affaire Picoas semble montrer une volonté de surfacturer, au bénéfice (personnel) de quelques dirigeants.
Au cours de nos enquêtes, des sources internes de SFR nous avaient déjà signalé la présence de centrales d’achats qui renchérissaient le coût des achats de l’opérateur.
Ces affaires ont un corollaire, elles sont comme une verbalisation de ce que tout le monde de la finance sait depuis longtemps mais fait mine d’ignorer : l’empire Altice est un château de cartes construit sur près de 70 milliards de dette. Si cette dette ne peut plus être refinancée (1), en clair si Altice n’arrive pas à réemprunter, tout s’écroule.
Un refinancement apparaît d’autant plus difficile que les agences de notation, ces structures qui évaluent les entreprises pour les investisseurs, s’inquiètent de l’absence de véritable stratégie industrielle et jugent que le management d’Altice laisse à désirer, aussi bien sur les qualifications que sur les effectifs. C’est pour ces raisons notamment que l’agence Moody’s a dégradé son opinion sur la dette d’Altice France.
Une menace
Ainsi combinés, une dégradation (des notes) et des ennuis judiciaires peuvent affoler les investisseurs. Pour mémoire, le groupe Casino de Jean-Charles Naouri s’est effondré avec une dette de 6 milliards.
Patrick Drahi le sait, il cherche donc du cash à tout prix. Il a ainsi annoncé le 15 mars dernier la vente prochaine de sa branche média (propriétaire de BFM et RMC) à l’armateur Rodolphe Saadé. Pour un peu plus de 1, milliards d’euros.
Ce vendredi 22 mars, Les Échos ont part ailleurs révélé que Patrick Drahi avait demandé « aux porteurs d’obligations d’Altice France d’accepter de renoncer à une partie de leurs créances ». « Sinon, il menace de ne pas utiliser le produit de ses cessions comme BFM TV pour désendetter l’entreprise. Un bras de fer, écrit le quotidien économique, qui pourrait avoir valeur de test pour tout le marché des obligations européennes. » Et un nouveau signe patent de la violence du mur de la dette, pour le groupe : pour mémoire, les investisseurs obligataires ne disposent pas de collatéral (des actions du groupe, par exemple) et perdraient tout en cas de faillite.
La menace de Drahi ne va pas tomber dans l’oreille d’un sourd mais sa parole (financière) est durablement décrédibilisée, sur les marchés. Les obligations du groupe se sont effondrées (entre – 2 et – 27%, selon les échéances) dans la foulée de cette annonce.
(1) Les prochaines échéances arrivent en 2025, 2026 et 2028, pour un total de 16,2 milliards d’euros pour Altice France.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Diane Lataste
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