NOUS ENTRONS DANS UNE NOUVELLE PERIODE DE LUTTE
On assiste depuis environ un mois à un lent mais progressif redémarrage de la lutte de classe en France.
Après le coup porté par les trahisons des directions syndicales au mouvement des retraites puis celui de la plupart des directions politiques de gauche au mouvement de révolte des jeunes de quartier, cela a globalement entraîné la destruction de la Nupes et un basculement réactionnaire de la situation politique pour quelques mois.
Cela a en effet ouvert la porte à une vague de réaction raciste portée par un gouvernement minoritaire mais qui a pu profiter de cette défaite sociale pour déplacer vers la droite le point d’équilibre politique institutionnel en intégrant un peu plus l’extrême-droite au jeu politique traditionnel et en remplaçant le traditionnel Front républicain contre l’extrême-droite jusque-là par l’Arc républicain, regroupant désormais le parti de l’ordre LREM, LR et RN, contre LFI et à travers elle contre tout le mouvement social et démocratique.
Cependant, le mouvement paysan en France et en Europe, commencé en janvier et qui continue encore deux mois après – une durée qui soit-dit en passant témoigne de son fond prolétarien puissant malgré l’expression en surface monopolisée par les dirigeants de l’agro-industrie -, a contribué à relancer les premiers pas d’un réveil social général et d’une nouvelle période de luttes.
En effet, en même temps que les paysans et dans leur sillage, les luttes pour les salaires reprenaient dans cette période de NAO. En même temps qu’elles, il y eu plus coordonnée, d’abord la grève générale du 30 janvier à EDF au même moment que des grèves très suivies qui duraient tout janvier dans les technicentres SNCF. Puis, les enseignants ont montré par l’ampleur de leurs mobilisations des 1ers et 6 février, avant que ne démarrent les vacances, que la confiance dans la lutte reprenait peu à peu sa place. En même temps, les grèves locales ou catégorielles n’ont jamais été aussi nombreuses à la SNCF de même que le collectifs auto-organisés. Ce sont les collectifs de contrôleurs et d’aiguilleurs SNCF qui ont à nouveau mis la question sociale – mais aussi celle de l’auto-organisation des travailleurs – au centre de l’actualité politique avec leurs grèves au départ des vacances des 16-17 puis 23-24 février.
La pression montante à la lutte chez les enseignants était telle que malgré les directions syndicales qui donnaient une suite bien trop éloignée le 19 mars, aux 1ers et 6 février, le mouvement continuait dans des départements qui n’étaient pas encore en vacances. Surtout, il a repris avec une belle ampleur dès la rentrée le 27 février en Seine Saint-Denis mais aussi dans d’autres départements de la région parisienne avec la particularité d’une volonté d’auto-organisation et de faire entrer d’autres établissements dans la mobilisation comme de s’adresser aux élèves et aux familles. Aussi, par-delà les modalités de mobilisations différentes d’ici le 19 mars suivant les départements, ce n’est pas seulement un jour de grève qui se prépare avec la grève nationale de la fonction publique ce jour-là mais quatre pour les enseignants du 19 au 22 mars avec une préparation nationale aussi avec les parents d’élèves le 14 mars en même temps que s’annoncent des grèves nationales dans les finances publiques et l’administration pénitentiaire ce jour-là, et d’autres avant et après, les 13 et 22 mars, encore chez les cheminots. Bien sûr, comme dans tout démarrage, cela se fait sur des bases revendicatives économiques presque corporatives mais toutes avec cependant la toile de fond commune de la hausse des salaires, et plus loin dans l’esprit, mais très présent, la haine générale du régime de Macron.
Ce retour à la lutte s’est traduit également par une forte participation à la journée internationale de lutte des femmes le 8 mars, avec selon les organisateurs 100 000 manifestants à Paris, mais aussi un niveau de grévistes ce jour-là inédit. Et puis, signe important du retour du balancier, ce sont les préavis de grève qui se multiplient pour la période des Jeux Olympiques, RATP, pompiers, Tour Eiffel, urgentistes… avec même Sophie Binet qui annonce que la CGT a déposé des préavis de grève dans la fonction publique pour la période des Jeux… alors qu’elle déclarait en décembre 2023 qu’elle ne ferait rien pour gâcher la fête des JO. Belle indication du changement de tendance.
Ainsi, la confiance du prolétariat dans la lutte et ses propres forces progresse à nouveau, certes lentement et sur un terrain économique, mais régulièrement depuis janvier après 6 mois d’atonie, en même temps que les mobilisations écologistes ou pour la Palestine, sans avoir atteint des niveaux exceptionnels, n’ont cependant jamais cessé, posant ainsi des questions globales de société tout autant que la réussite de la lutte féministe du 8 mars. Cela laisse ouverte la possibilité de retrouver la politisation du mouvement des retraites, qui avait associé la lutte écologiste contre les bassines, anti-militariste contre le SNU et démocratique contre le 49.3, c’est-à-dire globalement contre le monde de Macron et son régime. Les grèves des enseignants pour plus de moyens et de salaires ainsi que les autres qui les accompagnent ou les mouvements des petits paysans pour vivre de leur travail comme les menaces mi- corporatistes mi-politiques sur les JO, ne peuvent réussir que si elles s’unifient autour de la volonté de viser ensemble le gouvernement de Macron. C’est une autre façon de dire qu’il s’agit dans la période de lutte qui s’ouvre à nouveau, de mener au travers de ces combats divers, celui unifiant pour conquérir l’indépendance politique du prolétariat. Plus que jamais, nous ne pouvons pas gagner aujourd’hui en menant des luttes économiques émiettées et en votant « bien » tous les cinq ans, en séparant revendications économiques et politiques. Nous ne pouvons gagner qu’en insufflant dans chaque lutte, l’énergie que donne la volonté de mettre fin à ce vieux monde et d’en construire un nouveau plus fraternel, ce que tout le monde, au fond de lui-même, sait très bien, mais n’ose pas encore penser et dire à voix haute.
Avec ce mouvement qui redémarre, à nous de le dire !
Jacques Chastaing 10 mars 2024
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