Intox et obsessions identitaires : révélations sur les secrets de fabrication de CNews

HAINE ET DÉSINFORMATION : CNEWS VUE DE L’INTÉRIEUR

De nombreux documents internes obtenus par Mediapart montrent comment la chaîne fait l’impasse sur les règles déontologiques élémentaires pour stigmatiser musulmans et étrangers, épargner coûte que coûte la police et criminaliser les mouvements sociaux.

Yunnes Abzouz et David Perrotin

Absence de vérification, intox et primauté de l’opinion sur l’info : CNews ne s’embarrasse pas des règles déontologiques et des faits quand il s’agit de conforter ses obsessions identitaires et de donner à voir à son public l’image d’une France mise en péril par l’islam et l’immigration. La preuve par les messageries internes.

Devant l’Assemblée nationale en février dernier, les dirigeants de CNews, qui ont tous refusé de nous répondre (voir notre boîte noire) ont juré que leur chaîne privilégiait l’information et ont « fermement » contesté représenter une chaîne d’opinion. De nombreux documents internes – des mails, des SMS, des notes de tournage –, mais aussi des milliers de messages provenant de boucles WhatsApp internes, que Mediapart a pu obtenir, montrent qu’il n’en est rien et que ce virage vers l’extrême droite (décrypté dans notre enquête précédente) est savamment pensé.

Ces messageries, dans lesquelles les rédacteurs en chef, le directeur de l’information Thomas Bauder, les journalistes en CDI et le directeur de la rédaction Serge Nedjar discutent, montrent comment l’information peut être totalement biaisée par leurs obsessions : traquer tous les faits divers pour en faire des « faits de société », sur les banlieues, les musulman·es ou les personnes étrangères.

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Extraits des notes internes de CNews. © Photomontage Justine Vernier / Mediapart

« Je sais qu’il y a une sorte de fantasme puisqu’on ne parlerait que de quatre ou cinq thèmes par jour et ce serait récurrent, et on tournerait en boucle sur les mêmes sujets », lançait Thomas Bauder à l’Assemblée nationale avant de démentir ce préjugé. Il dressait ensuite le portrait d’une équipe collective, avec des conférences de rédaction « ouvertes » et « collégiales », comparables à celles des chaînes concurrentes.

Mais, selon une trentaine de journalistes contacté·es par Mediapart, les réunions ne sont que des chambres d’enregistrement des décisions prises par la direction. Jusqu’à récemment d’ailleurs, une note récapitulait chaque matin pour les équipes les sujets à décliner durant la journée. Trois « dominantes » par jour, sur des sujets toujours semblables et toujours choisis en amont.

Exemples : « 8 mai : une commémoration sous haute surveillance / La Courneuve : un Algérien de 29 ans viole une octogénaire / 500 cas d’atteintes à la laïcité à l’école en mars » le 8 mai 2023 ; « Un remaniement à la hauteur ? / Émeutes : les images saisissantes d’un commerce ravagé / La Courneuve : polémique autour de l’interdiction du burkini » le 21 juillet ; « La France doit-elle accueillir les migrants de Lampedusa ? / Inflation : l’essence vendue à perte, quel impact pour le pouvoir d’achat / Sécurité : semaine à hauts risques » le 18 septembre.

L’obsession du fait divers 

Chez CNews, le service police-justice est l’un des plus étoffés et le plus sollicité. Au fil de la journée, ses journalistes inondent la boucle WhatsApp d’informations venues tout droit des syndicats de police ou de différentes sources policières. Leur mission principale : confirmer les informations de la concurrence avant de pouvoir les glisser dans le bandeau déroulant au bas de l’écran ou les faire évoquer à l’antenne.

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Message du directeur de l’information de CNews Thomas Bauder à la rédaction. © Mediapart

Parfois, comme le 25 avril 2022, Thomas Bauder le rappelle comme une priorité à ne pas oublier : « J’aimerais que l’on fasse remonter les histoires, faits divers, événements symboliques ou représentatifs de l’actualité policière en Île-de-France et/ou en région », écrit-il. « Comme d’habitude en fait », s’amuse une journaliste.

Progressivement, le spectre des sujets abordés se sont en effet rétrécis, comme la place des reporters à l’antenne. « On nous a dit de plus en plus qu’il n’y avait pas de place pour les journalistes sur les plateaux, témoigne une journaliste ayant quitté CNews. On a délaissé les grands sujets d’actualité pour se concentrer sur les faits divers. La femme violée par un homme sous OQTF [obligation de quitter le territoire français – ndlr] devient un sujet dont on doit tirer le fil jusqu’au bout. »

Ces informations servent aux JT de chaque tranche horaire et alimentent surtout les heures de débat à l’antenne, visant à prouver que l’islam et les personnes étrangères sont un problème en France. Quitte à ce que les présentateurs et présentatrices laissent prospérer de nombreuses approximations, erreurs ou fake news.

« Ce qui est de plus en plus compliqué, c’est de se retrouver en plateau avec des gens qui te contredisent », dénonce la journaliste précédemment citée. Les exemples sont légion, comme le 13 décembre dernier, lorsqu’une journaliste de la chaîne tente de corriger les nombreuses erreurs de l’éditorialiste Élisabeth Lévy à propos de l’affaire Samuel Paty :

Pendant plusieurs années, les journalistes devaient surtout vérifier les infos venues des grandes rédactions : l’AFP, Le Parisien ou la presse quotidienne régionale. Peu à peu, les sources d’extrême droite se sont ajoutées et la chaîne a même noué un partenariat avec le compte « Cpasdeslol », dont la spécialité est de diffuser sur les réseaux sociaux des vidéos d’agressions sans le moindre contexte. « Les autres chaînes regardent Le Parisien, nous on scrute aussi Boulevard Voltaire ou Valeurs actuelles, qui est devenu notre bible », complète un salarié toujours en poste.

« En juillet 2022, ma rédactrice en cheffe m’a envoyé deux articles de Fdesouche [site historique de la fachosphère – ndlr] en me demandant de confirmer leurs informations pour les reprendre, explique une reporter ayant depuis claqué la porte. J’ai regardé mon mec et j’ai dit que ce n’était plus possible. »

Souvent, c’est même Thomas Bauder lui-même qui ordonne de vérifier tel article de Fdesouche, telle info relayée par le cadre de Reconquête Damien Rieu ou telle vidéo de Gilbert Collard, autre soutien d’Éric Zemmour. « Merci d’identifier cette vidéo lieux/date/source », demande-t-il le 4 janvier 2023 à propos d’une vidéo postée par Damien Rieu.

Sur les images du militant d’extrême droite, un homme qui serait en train de prier dans le métro parisien. « On contacte la RATP pour réaction. Merci », insiste-t-il. « On peut prier à 14 heures, avec des chaussures et dans un lieu pas propre et un transport qui peut ne pas avoir une direction en ligne droite ? », ironise une journaliste police-justice, faisant référence aux stricts préceptes qui entourent les prières musulmanes. Le même jour, France Info a relevé que sur une autre vidéo relayée par le militant identitaire, l’homme prétendument en train de prier était en réalité en train de mendier.

L’obsession de la nationalité 

Comme le parti d’Éric Zemmour, CNews est aussi obsédée par la nationalité des auteurs de crimes et délits. À chaque fait divers, la direction insiste pour que ses journalistes puissent obtenir et diffuser la nationalité des mis en cause. « Si l’individu était d’origine maghrébine ou africaine, je devais le mentionner. Si le mec était irlandais, je n’avais pas besoin de le préciser », confirme un ancien journaliste en poste jusqu’à 2023, chargé de remplir le bandeau de la chaîne.

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Message du directeur Serge Nedjar envoyé à la rédaction de CNews. © Mediapart

« Merci de préciser la nationalité des condamnés », insiste par exemple Serge Nedjar en 2022 dans une boucle interne auprès d’une journaliste qui s’apprêtait à relayer la condamnation d’un Algérien pour vol avec violence.

« Oui bien sûr, je le fais dans mes papiers. Pardon, j’ai oublié ici », répond-elle avant de corriger son erreur. La priorité est telle que CNews ne s’embarrasse même plus des règles déontologiques exigeant de recouper toute information avant de la livrer.

Le 8 juin 2023, un homme blesse au couteau quatre adultes et deux enfants dans un parc à Annecy. On sait encore peu de chose sur le mobile de l’acte et le profil du suspect. Le service police-justice s’active, et une journaliste livre des informations, tout en demandant de ne pas les diffuser.

« Ne pas donner. Suspect Abdalmasih H, né le 01/10/1991 en Syrie. S’exprime en anglais. Ne pas donner le nom. Identité en cours de vérification, écrit-elle dans le groupe WhatsApp de CNews. Le suspect est entré régulièrement sur le territoire. Il est demandeur d’asile.» « On donne, on donne », exige immédiatement Thomas Bauder. L’info n’est pourtant pas consolidée. Trente minutes plus tard, sur le plateau de Sonia Mabrouk, la journaliste s’exécute.

Les débatteurs dissertent alors sur les motivations de l’assaillant et font un lien avec Daech et le terrorisme islamique. Tant pis si le parquet antiterroriste n’est pas saisi et si l’assaillant, actuellement incarcéré dans une unité hospitalière, se révélera être un Syrien de confession chrétienne.

Interrogée à l’Assemblée, Sonia Mabrouk a pourtant pris de longues minutes pour détailler son professionnalisme. « Je n’ai jamais au grand jamais donné une information qui n’était pas vérifiée. J’ai toujours préféré être en retard sur une information plutôt que prendre une avance qui pourrait m’être reprochée », a-t-elle affirmé. Et pourtant.

« Midi News », le 13 décembre 2023. Sonia Mabrouk est en direct et repère une information du Parisien pendant la coupure publicitaire. Une élève de 12 ans a pourchassé sa professeure avec un couteau dans un collège à Rennes. « On peut en parler ? », demande-t-elle par message à 13 heures au rédacteur en chef. « Attendons les confirmations d’[une journaliste], elle est dessus », rétorque-t-il. Elle insiste : « Je peux dire selon Le Parisien ? » « Attendons, elle est au téléphone avec ses sources », répète le rédacteur en chef.

La présentatrice n’attend pas la confirmation et donne l’info à l’antenne deux minutes plus tard. « Je préfère rester au conditionnel avant de joindre notre journaliste sur place, je vous rappelle la phrase qu’aurait prononcée cette enfant : “Aujourd’hui je veux être moi-même pour faire comme Arras” [en référence à l’assassinat de Dominique Bernard le 13 octobre précédent – ndlr] », ajoute-t-elle plus tard, une fois que l’académie de Rennes confirme les faits.

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Extrait de l’émission « 180 minutes info ». © Cnews

Sonia Mabrouk compare cette agression à « l’affaire Samuel Paty », puis les invités prennent le relais, échangent sur l’islam, les entorses à la laïcité, et l’essayiste Élisabeth Lévy rapporte les propos « d’un ami d’ami qui est instituteur ».

Celui-ci enseignerait dans une classe dont les seuls Blancs seraient « trois Turcs », et aurait regretté de n’avoir pas pu signaler l’une de ses élèves qui avait « posé un coran sur la table ». Dans l’émission suivante, on poursuit la comparaison jusqu’à diffuser une infographie sur la laïcité et les musulmans à l’école.

Sur WhatsApp, une journaliste police-justice est contrainte de rappeler quelques règles. « Attention, on ne sait pas si la gamine est musulmane. Donc passer le sondage sur la vision de l’attentat d’Arras par les musulmans dans le cadre de cette affaire de Rennes, c’est un gros gros gros raccourci », écrit-elle. Trop tard. L’élève en question n’est pourtant pas musulmane. Cette jeune fille a des troubles psychiatriques, est d’origine mongole et est athée. Mais aucune excuse ni remise en cause ne seront diffusées sur CNews.

L’obsession des musulmans

Plonger dans les conversations des journalistes de CNews, c’est découvrir les biais totalement assumés de la chaîne. Comme l’a récemment calculé Sleeping Giants, un collectif qui lutte contre le financement publicitaire de médias propageant des « discours de haine », les bandeaux de la chaîne ont parlé d’islam et d’immigration 335 jours sur 365 en 2023.

Pour arriver à ce score, toute la rédaction est chargée de trouver le moindre fait divers permettant de soutenir cet agenda. Elle n’hésite pas non plus à mettre de côté les infos qui nuanceraient leur obsession, comme le 20 décembre 2023.

Cet après-midi-là, le service police-justice reçoit une alerte qu’elle pourra estampiller « Info CNews ». « En fin de matinée à Cholet, un élève de 14 ans du collège Clemenceau a menacé de mort en jurant sur le Coran son professeur de mathématiques qui venait de lui faire une remarque sur l’usage de son téléphone », révèle une journaliste.

Affaire de Cholet laissez tomber !!!! […] Il n’y a eu aucune référence au Coran !!!

Consigne d’un rédacteur en chef envoyée dans une boucle WhatsApp de CNews

Une info en or pour la chaîne de Vincent Bolloré, d’autant que l’élève en question a été placé en garde à vue. Mais quelques minutes à peine avant sa diffusion, rétropédalage de la rédaction. « Affaire de Cholet laissez tomber !!!! […] Il n’y a eu aucune référence au Coran !!! Aucune menace de mort… », alerte un rédacteur en chef.

Comme l’explique Ouest-France, l’élève a d’abord menacé un professeur qui voulait lui confisquer son téléphone, avant d’en frapper un autre qui tentait de le maîtriser. L’élève n’est pas musulman, l’info est donc retirée « in extremis » du conducteur.

La rédaction, ultradépendante de ses sources policières, caresse dans le sens du poil les syndicats de police invités quotidiennement sur ses plateaux. Jusqu’à bannir des termes ou des affaires qui pourraient abîmer leur image. Et quand les images captées par les reporters ne collent pas à la ligne maison, elles sont balancées à la poubelle.

Un journaliste raconte avoir couvert une manifestation dans le sud de la France et capturé avec sa caméra une violente charge policière : « Je prends un coup de bouclier qui me fait tomber. Sur les mêmes images, on voit aussi un manifestant se tordre de douleur après avoir été visé à bout portant par un flash-ball dans le ventre. » À l’antenne, ces images ne sont pas diffusées. « On ne prend pas, nous ont dit les chefs », se souvient le journaliste.

« On ne m’envoyait pas couvrir les procès de violences policières car cela n’existe pas selon eux », explique une autre reporter partie depuis. Et les rares fois où CNews en couvre, le traitement est toujours en faveur des forces de l’ordre. Le silence est de mise lorsque les faits sont trop accablants.

En mai 2022, Laurence Ferrari veut reprendre à l’antenne une information du Point à propos d’un policier qui a ouvert le feu sur une voiture après un refus d’obtempérer. « Pas sûr que ce soit conforme à nos centres d’intérêtLe coup est parti de manière accidentelle quand le policier a voulu briser la vitre avec la crosse de son arme, précise le service police-justice. Donc y aura moyen légitime défense. » « Ok, compris », répond Laurence Ferrari qui abandonne finalement le sujet.

On arrête de montrer les images des contestataires de la décision de justice.

Le directeur de l’information sur WhatsApp

Un mois plus tard, des policiers sont mis en cause pour avoir tué la passagère d’un véhicule qui refusait d’obtempérer dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Consigne est donnée de vérifier les antécédents de la victime pour la criminaliser.

« En l’occurrence, elle ne conduisait pas et ne connaissait pas le conducteur, donc mentionner son passé n’a pas de justification journalistique, sauf à […] porter le discrédit sur elle alors qu’elle n’est soupçonnée de rien », s’agace une journaliste. Mais Pascal Praud ne veut rien savoir : « Il est important de savoir qui parle ! Toutes les paroles ne se valent pas ! Et nous devons les mettre en perspective ! », écrit-il dans la boucle.

Fait exceptionnel le 19 janvier dernier, journée du verdict dans « l’affaire Théo » : CNews est présente au tribunal. Mais si la chaîne diffuse le témoignage du jeune homme violemment agressé par des policiers en 2017, en plateau, les « centres d’intérêt » sont préservés.

On rend hommage aux policiers mis en cause et Pascal Praud n’hésite pas à dénoncer Théo, assurant que la victime n’avait pas à se « mêler » d’une interpellation. Vers 20 heures, la décision judiciaire tombe, les policiers sont condamnés à de la prison avec sursis. La chaîne diffuse l’interview de l’avocat de Théo puis les images du tribunal, alors que de nombreux soutiens de Théo contestent la décision de justice jugée trop faible.

Colère du directeur de l’information sur WhatsApp : « On arrête de montrer les images des contestataires de la décision de justice. » À l’antenne, le présentateur Eliot Deval coupe la diffusion du duplex et promet de reprendre la reportrice en direct « si elle tend le micro à la famille de Théo, à ses avocats ou aux avocats des policiers ». Par message, le présentateur précise en réalité à la journaliste qu’elle ne réapparaîtra que si elle « met en direct Thibault de Montbrial », l’avocat des policiers.

Décrédibiliser les mouvements sociaux

Au sein de la deuxième chaîne d’info de France, la neutralité tombe aussi lorsqu’il s’agit de couvrir certains mouvements sociaux. Plusieurs journalistes interrogés par Mediapart dénoncent les questions récurrentes de certains présentateurs pour les faire parler de « black blocs » ou de « tensions », même lorsqu’ils sont totalement inexistants.

« Sur une manif, je disais que c’était calme, bon enfant, mais le présentateur me relançait systématiquement sur les échauffourées, raconte une ancienne reporter. Je le démentais un peu en disant que ce n’était pas ce que je voyais là où je me trouvais, mais c’était compliqué en direct. » D’autres dénoncent aussi certaines consignes assumées par la direction.

Surtout, nous voulons entendre vos interlocuteurs sur le terrain, ceux qui sont confrontés à la pénurie de carburant, aux trains supprimés…

Consigne d’un rédacteur en chef de CNews sur WhatsApp

Exemple le 18 octobre 2022, lors d’une journée de grève dans les transports et avant plusieurs manifestations. En interne, le rédacteur en chef rappelle ce que la chaîne doit rendre visible : « Surtout, nous voulons entendre vos interlocuteurs sur le terrain, ceux qui sont confrontés à la pénurie de carburant, aux trains supprimés… »

Et lorsque Europe 1 interviewe une auditrice qui n’a pas de mots assez durs contre les grévistes lors de la grève SNCF du 15 février dernier, il faut arroser l’antenne de ce « sonore ». « Moi je les déteste, je les hais à un point… C’est dommage que je ne puisse pas les avoir devant moi », lance la femme à propos des grévistes. Du miel pour Serge Nedjar, qui intervient immédiatement sur la boucle WhatsApp : « Cet extrait d’Europe 1 doit passer dans nos débats sur la grève SNCF. »

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Un message d’un rédacteur en chef de CNews envoyé à la rédaction. © Document Mediapart

Sur le canal 16 de la TNT, les violences sont aussi à montrer en priorité. « Pas de pubs tant qu’il y a des feux de poubelles et autres violences », exige Thomas Bauder lors d’une manifestation contre la réforme des retraites en février 2023. « Si feux, on casse la pub », écrit-il en avril lors d’une autre mobilisation.

À la même période, un reporter commente la fin d’une manifestation parisienne en évoquant des « éléments radicaux » venus en découdre avec la police une demi-heure plus tôt. Il décrit comment ils « ont tout de même dégradé du mobilier urbain, mis le feu à certaines poubelles et […] tenté de dessouder un panneau de signalisation pour attaquer une banque ».

Ce reporter n’a en réalité rien vu, et cite des sources policières sans le préciser. C’est Amaury Bucco, désormais journaliste à Valeurs actuelles, qui avait relayé le récit dans la boucle WhatsApp. « Je peux le dire ? Nous ne l’avons pas vu de nos propres yeux », avait tout de même interrogé le reporter sur le terrain. « Bien sûr », avait validé son confrère.

À l’antenne, tout semble permis, pendant que des journalistes s’en désolent en petit comité. « Les punaises de lit n’ont rien à voir avec un [problème] d’hygiène », lâche ainsi une journaliste sur la messagerie interne le 29 septembre dernier, quand Pascal Praud croit bon de lier cette question sanitaire à l’immigration et aux « personnes qui n’ont pas les mêmes conditions d’hygiène que ceux qui sont sur le sol de France ».

Cette sortie a depuis valu à Pascal Praud une mise en garde de l’Arcom. L’une des 42 sanctions adressées depuis 2012 aux chaînes de Bolloré par le gendarme de l’audiovisuel. Mais qu’importe, au fond : chez CNews, l’opinion la plus radicale est reine, et les remarques, les faits ou les condamnations ne pèsent plus grand-chose.

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