Le vote des jeunes est crucial pour Joe Biden, mais la crainte de la Maison Blanche est que la crise à Gaza et la colère étudiante lui fasse perdre cet électorat. Car dans les protestations contre la guerre à Gaza, de plus en plus de jeunes de gauche le disent sans détours : après Gaza, ils ne voteront pas une seconde fois pour Joe Biden, quitte à laisser gagner Donald Trump à la présidentielle de novembre.
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Il fait flotter le drapeau palestinien devant son université de New York, aux États-Unis, porte un tee-shirt des socialistes démocrates et hurle des slogans anti-Israël repris en chœur par ses camarades, raconte notre envoyé spécial à New York, David Thomson.
Étudiant à Fordham, Mathew milite à la gauche de la gauche et, en novembre, il aura l’âge de voter à la présidentielle pour la première fois. Pourtant, son vote n’ira pas à Joe Biden. Matthew ne lui pardonne pas son soutien à la guerre israélienne à Gaza. « Biden s’est tiré une balle dans le pied, commente-t-il. En 2020, il a été élu grâce au vote des jeunes, mais maintenant, il finance un génocide, il envoie des bombes qui tuent des innocents. Et il ne fait rien. Il dit juste qu’il va envoyer plus d’aide humanitaire, mais il continue d’envoyer des bombes. Donc, je vous le dis, c’est certain, on ne votera plus pour Biden ! »
« Je ne vois pas de différence entre les républicains et les démocrates »
Et tant pis, dit-il, si cette abstention de la jeunesse de gauche fait gagner Donald Trump. Beaucoup de ces étudiants manifestants pro-palestiniens ne font même plus la différence entre Trump et Biden. « Ce sont les mêmes foutaises, confie l’une d’elles. Je ne vois pas de différence entre les républicains et les démocrates. Ils sont tous bellicistes. La seule différence, c’est que les républicains n’avancent pas à visage masqué, contrairement aux démocrates. »
Et même si la police les expulse des campus, ces étudiants new-yorkais comptent bien continuer à protester et perturber la campagne de Joe Biden jusqu’à la présidentielle de novembre.
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Depuis le début de la mobilisation de nombreux étudiants américains contre la guerre à Gaza, le président américain évite jusqu’ici de s’exprimer sur le sujet. Joe Biden ne s’est exprimé publiquement qu’une seule fois, brièvement, sur ces manifestations. « Je condamne les manifestations d’antisémitisme […] Je condamne aussi ceux qui ne comprennent pas ce qu’il se passe pour les Palestiniens », avait dit Joe Biden le 22 avril en réponse à une question lancée par un journaliste.
La porte-parole de la Maison Blanche a, elle, condamné mercredi « le petit pourcentage d’étudiants qui provoquent du désordre ». « Les étudiants ont le droit d’aller en cours et de se sentir en sécurité », a poursuivi Karine Jean-Pierre, en ajoutant : « Il faut dénoncer l’antisémitisme. » Elle a reconnu que la guerre à Gaza était un « moment douloureux » et assuré que Joe Biden soutenait le droit à manifester pacifiquement.
Une dangereuse erreur de calcul
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Alex Keena, professeur de sciences politiques à l’université VCU en Virginie, affirme à l’AFP que « les manifestations mettent Biden dans une position délicate, parce que pour gagner en 2020, il s’est beaucoup appuyé sur les jeunes, sur les musulmans et les Américains d’origine arabe ». La Maison Blanche est « apparemment convaincue qu’elle va traverser cette tempête et malgré tout gagner contre Donald Trump en novembre. […] C’est une dangereuse erreur de calcul », attaque dans un récent billet James Zogby, président du Arab American Institute, une association qui représente les Américains d’origine arabe.
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Donald Trump monte au créneau
Le candidat républicain n’a pas manqué de relever le silence de son adversaire. « Les extrémistes radicaux et les agitateurs d’extrême gauche terrorisent les campus, comme vous l’avez peut-être remarqué, a dit le magnat de 77 ans mercredi pendant un meeting. Et on ne voit Biden nulle part, il n’a rien dit. Mais il faut qu’on l’entende, c’est le président. Quand il y a un problème comme ça, vous devez vous montrer et en parler, parler aux gens. Il y a un gros problème, une grande fièvre dans notre pays, et il ne dit rien. S’il le faisait, ça ne servirait à rien et, en fait, je pense que ça ferait même empirer les choses. Beaucoup d’entre eux ne sont même pas étudiants et beaucoup d’entre eux viennent de pays étrangers. Des milliers et des milliers viennent de pays étrangers. Je me le demande souvent : d’où viennent ces gens ? À chaque président d’université, je dis : « Démantelez ces campements immédiatement, il faut vaincre les extrémistes et rendez nos campus à tous les étudiants normaux qui veulent un endroit sûr pour étudier ». »
Un sondage publié mi-avril par l’université Harvard donnait l’avantage à Joe Biden auprès des Américains de moins de trente ans : 45% des intentions de vote contre 37% pour Donald Trump, soit huit points d’écart. C’est toutefois beaucoup moins que dans le même sondage il y a quatre ans, au printemps 2020 : le démocrate affichait une avance de 23 points avec son adversaire républicain.
La Chambre américaine des représentants a voté mercredi 1ᵉʳ mai pour élargir la définition de l’antisémitisme utilisée par le ministère de l’Éducation, une mesure proposée en réaction aux manifestations pro-palestiniennes qui secouent les campus du pays. Une partie de la classe politique américaine accuse les manifestants dans les universités d’« antisémitisme », évoquant, entre autres, des slogans hostiles à Israël, grand allié des États-Unis au Moyen-Orient.
La proposition de loi, adoptée dans l’après-midi par des élus des deux bords, reprend la définition de l’antisémitisme proposée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Selon celle-ci, « l’antisémitisme est une certaine perception des juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte ».
Les détracteurs de la proposition de loi estiment toutefois que cette définition empêche certaines critiques de l’État d’Israël, ce dont l’IHRA se défend. Ils accusent les parlementaires de pousser pour son adoption dans le but de brider la liberté d’expression sur les campus américains. « Les propos critiques à l’égard d’Israël ne constituent pas à eux seuls une discrimination illégale », a alerté l’élu démocrate Jerry Nadler, en s’opposant au texte.
Pour entrer en vigueur, cette mesure doit encore être adoptée au Sénat, où son avenir est encore incertain, puis promulguée par le président Biden.
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