LE DROIT A LA FLEMME OLYMPIQUE

Aussi, beaucoup sentent confusément qu’il en situation de fragilité dans cette période des JO puisqu’il a besoin de nous pour sa réussite et quémande une trêve sociale. C’est donc la possibilité, en refusant cette trêve, de porter un coup à son prestige, de le ridiculiser et à travers cela, puisque le ridicule peut tuer, de mettre un point d’arrêt à tous ces reculs et glissements.
C’est dans ces circonstances que certains se réjouissent du fiasco que pourraient être ces Jeux, parce qu’ils refusent de participer à cette union nationale avec ceux qui nous volent, avec ceux qui nous matraquent autour d’une soi-disant fête commune du sport, alors même que les Jeux sont l’occasion d’une guerre sociale aggravée par toutes les dérèglementations des droits ouvriers et sociaux, de la limitation des libertés et des protections environnementales. Comment célébrer ensemble cette fête entre ceux qui s’y gobergent et ceux qui y triment encore plus que d’habitude ? On sent bien, que ne pas s’indigner de cette hypocrisie revient à la cautionner, à courber la tête une nouvelle fois. On ne peut pas rester neutres.
Les motivations de départ sont diverses.
Il y a ceux qui de tout temps ont dénoncé l’utilisation que les puissants faisaient des jeux du cirque pour détourner un instant l’attention des pauvres de leur propre exploitation. Et puis, il y a ceux qui, au travail, voient bien que le pouvoir a plus que jamais besoin de nous, qu’il est sous les projecteurs des média mondiaux, qu’il met en jeu son autorité et sa crédibilité, qu’il en est plus fragile un instant et veulent en profiter pour grapiller, pour eux, pour leur profession, parce qu’elle est indispensable au bon fonctionnement des JO, un petit quelque chose, une prime pour ceci ou pour cela. Un peu comme à l’usine, une prime de salissure, une prime d’insalubrité, de dangerosité, un paiement d’heures supplémentaires parce que le patron a plus besoin de nous que d’habitude. Mais une prime pour notre contribution au succès des JO, reste une prime sur la participation à notre propre exploitation, une prime pour notre contribution au succès de Macron, notre ennemi. On le sait bien, et donc une prime, c’est déjà une petite revanche mais aussi une humiliation. C’est pourquoi, on voit les grèves à répétition comme à la SNCF, une fois une prime acquise, un autre mouvement redémarre et ainsi de suite, parce qu’il manque toujours quelque chose. Il manque quelque chose parce que ce sentiment de se faire payer plus se mêle à un autre et à ceux qui ont envie que ces Jeux échouent parce qu’ils ont tout simplement la haine contre ce monde et l’hypocrisie toute particulière de ce monde qui se fait tout spécialement entendre dans ces prétendus Jeux qui ne sont que ceux du fric et de l’exploitation, du glissement vers l’extrême-droite comme les Jeux de 1936 l’ont été en Allemagne.
Tous ces éléments ont existé de tous temps mais n’ont jamais eu jusque-là, l’occasion de fusionner pour faire un seul mouvement, sauf peut-être cette année-là en France, parce qu’ils ont en commun cette haine de Macron qui nous a déjà unis dans le mouvement contre la réforme des retraites, associant en un seul mouvement la lutte économique, la lutte cour la démocratie contre les 49.3, la lutte écologique contre les mégabassines et la lutte contre le régime policier et militaire imposé aux jeunes avec le SNU.
Il y a aujourd’hui en France un réel mouvement d’opinion et en même temps un réel mouvement social autour des Jeux que toute la situation générale va pousser à amplifier plus on s’approchera des JO et qui peuvent fusionner. Ce n’est pas un mouvement d’opinion comme cela a pu l’être jusque-là limité à quelques contestataires, c’est un mouvement d’opinion bien plus large. Et le mouvement social, lui aussi est en passe, par l’importance des secteurs sociaux qui annoncent leur engagement dans la lutte, à dépasser les positionnements corporatistes habituels pour prendre la dimension de la construction d’un bras de fer général, de la construction d‘un rapport de force général, pas loin d’associer les différents éléments constitutifs mettant en cause d’une manière ou d’une autre les JO, pour bousculer l’autorité de Macron et la domination du capital sur la société, sur nos vies et nos façons de les penser, de les vivre.
C’est l’heure où les militants que révulse ce système, même à une poignée, comprenant l’air du temps, peuvent jouer le rôle déterminant, d’unification de ces différents courants, pour n’en faire qu’un seul fleuve emportant tout
Ni la gauche ni l’extrême gauche ne sont présents sur ce terrain. Parce que ça n’est pas habituel, ça ne s’est jamais fait, jamais vu, parce qu’il n’est pas courant qu’une question sociétale puisse être à la base d’une mobilisation sociale ou politique. Mais c’est justement dans l’inhabituel – là où on a l’habitude des JO comme équivalents à une trêve sociale – qu’on peut bousculer l’ordre, là où Macron espérait au contraire faire de cette fête, le couronnement consenti de son système d’exploitation et de servitude.
Il y a des précédents. Les JO en Chine en 2008 ont connu dans le contexte d’une dictature féroce, une mobilisation satirique unique, un immense éclat de rire, une vengeance par le rire populaire, une sorte de révolution d’Ulenspiegel au XIVe siècle, dans le monde d’aujourd’hui, avec de faux JO satiriques parallèles, de faux passages de la flamme, et par-delà, de fausses cérémonies de médailles avec de faux présidents, des défilés avec des foules bien réelles pour de faux Mao et de faux programmes revendicatifs, de fausses assemblées nationales où participaient des foules. Un peu peut-être la couleur satirico-sociale que veulent prendre les 12 jours de « zbeul » annoncés sur les réseaux sociaux depuis le 8 mai Marseille et le passage de la flamme olympique qui peut se transformer en éloge de la flemme olympique comme le gendre de Marx réclamait le « droit à la paresse » pour les travailleurs en son temps.
La fragilité des autorités dans la situation face aux cheminots et aux contrôleurs aériens a été confirmée par son recul panique sur la question du paiement des heures sups à l’école. Ses peurs avec la tension dans les universités autour de la Palestine qui s’amplifie avec l’appel des lycéens à rejoindre la lutte des étudiants cette semaine, le tout sur un fond de mouvement des enseignants et des parents qui ne cesse pas , se mesurent à sa répression démesurée de tout ce qui a trait au soutien à la Palestine. Cette tension s’est bien sentie le 1er mai.
Le 1er mai cette année a montré d’une part une violence policière démesurée et d’autre part, cause de cette première, un 1er mai polarisé par les questions politiques – même si ses organisateurs ne le souhaitaient pas – sur la Palestine, le fascisme et les JO. Et cela d’autant qu’auparavant de nouveaux préavis de grève avaient été lancés pour la période des Jeux de la part des éboueurs, comme un acte II de leur grève de 2023 et aussi de la Culture, tandis que les cheminots annonçaient une grève pour le 21 mai sur le transilien pour les salaires alors qu’ils ont déjà gagné sur les retraites. Puis ça a été à Air France, un préavis de grève des hôtesses et stewards pour les JO, puis encore les salariés de la Centrale de Gardanne qui avertissent qu’ils ne se priveront pas de perturber les Jeux, les pompiers qui vont manifester la flamme de leur colère à Paris le 15 mai, la CGT Commerce qui annonce la création d’un Village Olympique revendicatif fin mai devant le ministère du travail avec donc une concentration explosive en cette fin mai de journées de grèves et manifestations…
Le fond de l’air redevient rouge, c’est le moment de revendiquer notre droit à la flemme olympique et de mêler un immense éclat de rire joyeux et subversif au mouvement social et politique.
Jacques Chastaing 5 mai 2024
Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*