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,Alors que la direction de Radio France a mis à pied Guillaume Meurice durant plusieurs semaines et que la menace d’un licenciement plane au-dessus de sa tête, revenons sur la réaction de sa collègue Sophia Aram, spécialiste ès indignation.
Sophia Aram est toujours en première ligne pour se révolter – à juste titre, d’ailleurs – quand un dessinateur, un journaliste ou un professeur est la cible de censures ou de menaces de mort de la part d’intégristes islamistes. Cette fois, elle est apparue moins exaltée dans sa défense de Guillaume Meurice lorsque ce dernier fut convoqué, puis mis à pied par la direction de Radio France, suite à sa blague (réitérée) à propos du Premier ministre israélien : « Netanyahou ? Vous voyez qui c’est ? Une sorte de nazi mais sans prépuce. »
Un « détournement d’antenne »
Tandis que sur France Inter, Charlie Vanhoenacker et son équipe ont fait le choix de soutenir leur camarade d’émission, Sophia Aram prend la plume dans Le Parisien [1] : une telle solidarité lui est insupportable et elle s’indigne contre « le dernier naufrage dominical du « Grand Dimanche soir » sur France Inter », qui « démontre s’il en est besoin que l’ensemble du clan (productrice comprise) considère comme allant de soi le détournement d’une antenne publique à des fins personnelles. » Qu’à cela ne tienne : la chroniqueuse irait-elle alors jusqu’à porter cette accusation contre elle-même, par exemple quand le 20 mars 2023, elle profitait de l’antenne de France Inter pour répliquer en terrain conquis aux médisances de Cyril Hanouna ?
La boute-en-train qui semble avoir des difficultés à calibrer ses indignations réitère plus loin sa remontrance : « Qu’on cesse de détourner une antenne publique au service d’intérêts particuliers. » Oui, qu’on cesse de détourner une antenne publique pour faire, par exemple, la promotion des spectacles ou des livres des chroniqueurs de cette même antenne ! C’est que, depuis qu’elle sévit sur France Inter, Sophia Aram a pu compter sur bon nombre d’émissions-maison pour vendre ses ouvrages et convoquer les auditeurs à venir l’applaudir sur scène. Ainsi, ces dernières années, on l’a entendue dans « On va tous y passer » le 28 février 2013, dans « Le début de la fin » le 2 septembre 2014, chez Charline Vanhoenacker dans « Si tu écoutes, j’annule tout » le 5 décembre 2014, dans le « Mag de l’été » le 8 août 2018, dans « La bande originale » les 2 septembre 2014, 22 février 2019, 29 avril 2019, 12 février 2021, 22 avril 2021, dans « Grand bien vous fasse » le 27 avril 2021, etc.
La seule antenne de France Inter ne suffisant pas pour rameuter ses groupies, elle profite également des largesses d’autres radios du groupe Radio France, passant sur France Culture dans « Les matins de France Culture » le 8 janvier 2020 et dans « Soft power » le 5 novembre 2023 ; sur France Bleu les 23 mars 2018, 6 avril 2018, 24 mai 2019, 4 octobre 2019 et 7 septembre 2020 ; sur France Info le 12 mars 2019 ; etc. Sans compter la télévision publique ! « Quelle époque ! » (France 2), parmi moult exemples, où sa consœur d’antenne Léa Salamé la recevait en grande pompe le 1er octobre 2023 : « Et on se marre beaucoup dans votre spectacle au studio des Champs-Élysées. Ça a commencé depuis quelques jours, c’est déjà plein. On regarde ! »
Mais bien sûr, il n’a jamais été question de détourner les antennes publiques « à des fins personnelles »…
Une « blague pourrie »
Sollicitée le 7 mai par France 5 dans « C à Vous » pour commenter la décision de Radio France, la chroniqueuse apporte un soutien de taille à son collègue de France Inter : « C’est pénible que toute une rédaction, que toute une antenne, soit réduite à une blague pourrie. Parce que c’est ça qui est en train de se passer, c’est ça qu’on est en train de vivre. On est en train de ramener tout France Inter à cette blague pourrie. Parce que franchement c’est ça : c’est une blague pourrie. » Le message était passé, mais Aram persiste : « Dans la manif sur l’antisémitisme [sic], il y avait des panneaux qui dénonçaient l’antisémitisme de France inter : on en est là à cause d’une blague pourrie. » On a connu meilleur avocat.
Le même jour sur X, elle testait déjà son élément de langage : « Ce qui me gonfle surtout c’est qu’on ramène une rédaction et une antenne à une blague pourrie. Parce que « nazifier » un juif, c’est toujours pourri, surtout si c’est pour le ramener à son prépuce et à sa judéité. »
Le raisonnement est osé lorsqu’on se souvient que le 7 mars 2023, dans une chronique de France Inter forcément tordante (et donc pas pourrie), Sophia Aram s’en prenait à « l’Ayatollah Khamenei avec sa mine de peine à jouir, son prépuce en guise de turban, ses petits yeux en trou de pine et sa barbe en poils de couilles. » Une blague assimilant prépuce et Islam, qui n’avait alors nullement offusqué le conjoint de la directrice de France Inter, Raphaël Enthoven. Mais aujourd’hui, le philosophe de télévision s’aligne sur les saillies de Sophia Aram : « Vous n’êtes pas obligé sur une chaîne d’accueillir un humour pourri […]. La particularité de Guillaume Meurice, c’est qu’il n’a vraiment pas de talent et qu’il le remplace par une forme d’insolence qui lui permet de faire pousser des cris d’indignation plutôt que des éclats de rire. » (BFM-TV, 12/05) Sophia Aram, arbitre du « rire » et Raphaël Enthoven, certificateur du « talent » ? On pouffe.
La posture de la chroniqueuse de France Inter a donc fait des petits. Interrogé sur le sujet par Le Figaro, l’ancien directeur de France Inter, Philippe Val, est encore moins charitable : « Moi personnellement je l’aurais étouffé avant, parce que je n’aime pas ce qu’il fait. Je l’ai eu moi, Meurice. Je me suis attrapé avec lui déjà quand j’étais directeur d’Inter. » Cependant, bon prince, il assure qu’il n’a « rien contre le fait qu’il s’exprime. Mais [parce qu’avec ces gens-là, il y a toujours un « mais » quand il est question de la liberté d’expression] si j’avais un théâtre, par exemple, il ne passerait pas dans mon théâtre. » Et de conclure : « Si je suis patron de France Inter, « nazi » et « juif », c’est dehors. » (16/05) La direction de Radio France prend note.
« Ceux avec qui l’on ne peut pas rire ne se contentent pas de ne pas rire, écrivait Charb, ils ne supportent pas les rires de ceux avec qui l’on peut. » (Charlie Hebdo, 10 juin 2009) Et il ajoutait : « Que ceux avec qui on ne peut pas rire de tout regardent ailleurs et laissent rire les autres. Cela s’appelle la liberté. » Une liberté que tente de museler la direction de Radio France, avec la complicité des « Je Suis Charlie » de pacotille.
Mathias Reymond
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