Les bureaux de vote ont ouvert à 8 heures ce dimanche en métropole, alors que certains territoires d’outre-mer ont déjà voté. Une participation élevée est attendue, pour un scrutin qui pourrait être historique. Vivez ce premier tour avec les journalistes de Mediapart.
Le premier ministre a été le dernier dirigeant de la majorité sortante à prendre la parole dimanche. Et il a finalement été le plus clair dans le combat contre le Rassemblement national (RN). « Nous avons la conviction sincère que nous portons un combat juste, fort, nécessaire et indispensable, mais ce soir n’est pas un soir comme les autres », a-t-il expliqué. Avant de poursuivre : « La leçon de ce soir, c’est que l’extrême droite est aux portes du pouvoir […] Notre objectif est clair : empêcher le RN d’obtenir une majorité absolue, de dominer l’Assemblée nationale, et donc de gouverner le pays avec le projet funeste qui est le sien. Pas une voix ne doit aller au Rassemblement national. Dans de pareilles circonstances, la France mérite que l’on n’hésite pas. Il est de notre devoir moral d’empêcher le pire d’advenir. »
Concrètement, dans plus d’une centaine de circonscriptions, Ensemble sera au second tour. Mais dans les autres circonscriptions, ses candidat·es devront se désister s’ils et elles sont en troisième position, pour défendre « un autre candidat qui défend comme [eux] les valeurs de la République ». « C’est un choix important, un choix lourd, parce que c’est le choix de la responsabilité, et le choix de l’honneur », a-t-il poursuivi.
Gabriel Attal est convaincu que le Nouveau Front populaire « n’aura pas de majorité absolue ». Et de conclure : « L’enjeu de ce second tour, c’est de priver l’extrême droite de majorité absolue pour bâtir des majorités de projet. »
Dans la deuxième circonscription du Jura, Thierry Mosca se présentait sous l’étiquette du Rassemblement national (RN). Une candidature validée par les services préfectoraux alors qu’il est placé sous curatelle renforcée depuis novembre 2023, et donc inéligible.
Dimanche soir, il s’est qualifié pour le second tour avec 32,76 % des voix, derrière la candidate de droite LR Marie-Christine Dalloz (38,59 %).
Notre article : Dans le Jura, le Rassemblement national présente un candidat inéligible
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) et député de Seine-et-Marne a annoncé sur le plateau de TF1 sa réélection dès le premier tour des élections législatives, dans la 11e circonscription du département. Il a battu le candidat soutenu par l’alliance du Rassemblement national et d’Éric Ciotti (Les Républicains), ainsi que le candidat d’Ensemble issu de l’Union des démocrates et indépendants (UDI).
Alors que le Nouveau Front populaire y organise son meeting dans une heure, plusieurs milliers de manifestants se sont déjà rassemblés place de la République, à Paris. « La jeunesse emmerde le Front national », entonne la foule, alors qu’un impressionnant dispositif policier se met en place autour de la place.
Dans la quatrième circonscription des Côtes-d’Armor, où se trouve notamment la ville de Callac, où un projet d’accueil de réfugié·es avait échoué, Murielle Lepvraud, candidate sortante La France insoumise (LFI), arrive seulement en deuxième position avec 31 % des voix, contre 34 % pour le Rassemblement national (RN). Le candidat Ensemble est troisième avec 30 %.
Mediapart s’était rendu dans cette circonscription :
À Callac, le monde rural désespère, l’extrême droite prospère
Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne. Elles avaient mis une alerte sur leur téléphone, pour s’assurer de ne pas rater les résultats du premier tour des élections législatives. Lorsqu’elles ont allumé la télévision, ce fut une terrible douche froide. Filles d’immigrés camerounais, Marie-Faustine, Ségolène et Claude nourrissaient encore l’espoir de voir la gauche triompher. « Cette fois, on a la confirmation qu’on est minoritaires dans le pays, se désole Marie-Faustine. Cette victoire du RN, on la vit comme une punition, on se sent au ban de la société. »
Issues d’une fratrie de six enfants, les trois sœurs ont découvert les résultats sans leurs parents, d’astreinte ce soir à leur travail. « Les immigrés font fonctionner ce pays, tempête Ségolène. Lorsqu’ils arrivent ici, ils sont loin de se reposer sur leurs lauriers. Ils bossent d’arrache-pied et paient leurs impôts comme les autres. Les électeurs du RN pensent que les immigrés sont le problème mais ils devraient s’en prendre aux plus riches. »
Même si la déception domine, il reste un second tour et les trois sœurs se refusent à insulter l’avenir. À peine le choc encaissé, elles se sont immédiatement mises en route pour rejoindre la place de la République, à Paris, et montrer que la « rue est et restera toujours à gauche ».
Sans attendre la fin des opérations de dépouillement, l’ancien ministre PS Jérôme Cahuzac a admis sa défaite dans la troisième circonscription de Lot-et-Garonne. Après dix ans de purgatoire, il avait tenté le pari d’un retour aux affaires politiques, avec le soutien tacite d’Emmanuel Macron.
L’ancien ministre délégué au budget condamné pour fraude fiscale n’a pas réussi à convaincre les électeurs et électrices de sa circonscription de le renvoyer au Palais-Bourbon pour renouer avec sa carrière politique. « C’est mort », a-t-il confié depuis sa permanence de Villeneuve-sur-Lot, avant d’annoncer se « désister sans réserve » au profit du candidat LR pour faire barrage au RN.
Le chef de file du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella a évoqué un « péril existentiel » au soir des résultats du premier tour, lançant sa campagne pour le second en diabolisant l’alliance des gauches et des écologistes.
« Le choix est clair, désormais » entre d’un côté « l’alliance du pire, celle du Nouveau Front populaire, rassemblée derrière Jean-Luc Mélenchon, qui conduira le pays au désordre, à l’insurrection et à la ruine de notre économie. De l’autre, l’union nationale que j’ai l’honneur de conduire aux côtés de Marine Le Pen, d’Éric Ciotti et de nos alliés. »
Bardella se présente comme « l’unique rempart républicain et patriote », jouant la carte de l’apaisement pour rassurer les électeurs et les électrices : il a promis qu’il serait « le premier ministre de tous les Français, à l’écoute de chacune et de chacun », un « premier ministre de cohabitation, respectueux de la Constitution et de la fonction du président de la République, mais intransigeant sur la politique [qui sera mise] en œuvre au service de la France et au service des Français ».
Député depuis 2017, le secrétaire national du Parti communiste français a annoncé son élimination dès le premier tour des élections législatives dans la 20e circonscription du Nord.« Beaucoup d’entre vous vont être déçus et par les résultats nationaux et aussi les résultats dans cette circonscription où, comme dans beaucoup de circonscriptions de notre département, le candidat du Rassemblement national l’emporte dès le premier tour en réalisant 50,3 % des voix », a déclaré Fabien Roussel.
Pour mémoire, notre reportage : Fabien Roussel menacé comme jamais dans son fief du Nord
L’ancien premier ministre Édouard Philippe appelle à voter au second tour pour tous les candidats opposés au RN ou à LFI. À ses yeux, les candidat·es de la majorité sortante – et battue – devront se désister s’ils ou elles arrivent en troisième position. « Je considère qu’aucune voix ne doit se porter sur les candidats du RN et de LFI, avec qui nous partageons des divergences à la fois sur nos programmes, mais aussi sur les valeurs fondamentales. Tout est à reconstruire du côté de la droite et du centre. »
Sur le quai de la gare du RER, Hélène scrute nerveusement son téléphone et attend que soient révélés les résultats du premier tour des élections législatives. Son anxiété se transforme en nette colère lorsqu’elle découvre l’avance confortable obtenue par le Rassemblement national au niveau national. « Je ne comprends pas. Je suis dépitée », répète-t-elle, l’air groggy.
Même si dans sa circonscription, la quatrième du Val-de-Marne, plutôt acquise au camp présidentiel, les résultats ne sont pas encore tombés, la petite fille d’immigrés sénégalais désespère de voir le RN enchaîner les succès électoraux. « Pour nous ça devrait aller, on vit dans des communes où des gens de différentes cultures, de différents pays vivent en harmonie. C’est quelque chose que le RN ne pourra jamais casser. Moi, je m’inquiète surtout pour les immigrés qui vivent dans des petites villes, où le brassage culturel est moins fort. Ils risquent de souffrir de la libération de la parole raciste que la victoire du RN va assurément provoquer. »
Arrivés en quatrième position avec environ 10 % des voix, Les Républicains (LR) ont décidé de ne pas choisir pour le second tour et ne donnent pas de consigne de vote. Ainsi, Jean-François Copé a expliqué sur France 2 : « Dans tous les cas, c’est un chaos majeur qui nous attend. Pendant la semaine qui vient, j’invite tous les Français à se poser quelques questions existentielles et à relire tous les programmes…
On va se réunir demain pour en discuter. Mais une chose est certaine : je ne nous vois pas choisir entre l’extrême droite et l’extrême gauche. » Le chef de file aux dernières européennes François-Xavier Bellamy a estimé que « le danger qui guette notre pays aujourd’hui, c’est l’extrême gauche ».
Le leader des Insoumis a donné dimanche soir une « consigne simple, directe et claire » : « Pas une voix, pas un siège de plus pour le RN. » Dans le cas de triangulaires, « conformément à nos principes, nulle part, nous ne permettrons au RN de l’emporter ». Concrètement, La France insoumise se désistera si son ou sa candidate arrive en troisième position, avec le RN en tête.
En cas de duel, ce sera, a rappelé Mélenchon, « ou bien le NFP, ou bien le RN ». « Dans ces conditions, nous ne pouvons avoir d’autre proposition, d’autre demande raisonnable au peuple : il faut donner une majorité absolue au NFP car il est la seule alternative. Il ne s’agit pas seulement de voter contre, ni seulement de vouloir faire barrage, il s’agit de voter pour un autre futur […]. C’est possible. »
Au QG des Insoumis·es, les dizaines de militant•e•s sur place tentent de rester stoïques face aux écrans qui diffusent les résultats, parfois un peu hagards. Charlotte, l’une de ces militantes reconnaissable à son bracelet blanc, tremble : « Les résultats n’ont pas vraiment éclairé la situation. » Car pour elle, tout dépendra « de l’attitude du camp macroniste ». « Mais moi, maintenant, dès ce soir, j’ai peur de l’attitude des militants d’extrême droite, qui pourraient se sentir pousser des ailes. »
Dans la commune morbihanaise de Sarzeau, où Mediapart était aujourd’hui, la candidate Ensemble (majorité présidentielle) Anne Le Hénanff arrive en tête avec 45,13 % des voix. Elle devance le candidat RN Joseph Martin (27,37 %) et la candidate du Nouveau Front populaire Anne Gallo (23,43 %).
Dans une déclaration envoyée aux médias dès 20 heures, le chef de l’État estime que la participation élevée montre une volonté des Français·es de « clarifier la situation politique ». « Leur choix démocratique nous oblige », dit-il. « Face au Rassemblement national, l’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour », a-t-il appelé, au sujet de désistements en vue du second tour en cas de potentielle victoire de candidat·es RN. Les candidat·es qualifié·es pour le second tour ont jusqu’à 18 heures mardi pour valider leur inscription en préfecture.
Réélue dès le premier tour dans sa circonscription d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), Marine Le Pen s’est félicitée de l’effondrement « du bloc macroniste ». « Je me félicite de la participation si élevée qui donne une force particulière au résultat de ce soir, a-t-elle poursuivi. Les Français ont témoigné de leur volonté de tourner la page après sept ans de pouvoir méprisant et corrosif. »
Mais il s’agit d’une « première étape », indique l’ancienne candidate à la présidentielle pour le Rassemblement national (RN).
« Le second tour sera déterminant. Déterminant pour éviter de tomber dans les mains d’une Nupes 2. Déterminant pour donner à Jordan Bardella une majorité absolue à l’Assemblée nationale. En démocratie, rien n’est plus normal et sain que l’alternance en politique. »
Selon les estimations d’Ipsos, le Rassemblement national (RN) arrive largement en tête avec environ 34 % des voix pour le parti de Jordan Bardella et ses alliés. Arrive ensuite le Nouveau Front populaire avec environ 28 % des voix, puis la majorité sortante, Ensemble, autour de 20 %. Les Républicains (LR) sont évalués autour de 10,2 %.
Les projections en siège sont très difficiles à estimer en raison de la très forte participation et du nombre important de triangulaires et du nombre inconnu de désistements qui pourraient survenir. Cette première estimation d’Ipsos prévoit de 65 à 85 élu·es au premier tour, entre 285 et 315 triangulaires au second tour, et de 150 à 170 duels. En l’état, le RN serait qualifié dans 390 à 430 circonscriptions, le NFP dans 370 à 410 circonscriptions, Ensemble dans 290 à 330 circonscriptions.
Comme à chaque scrutin, Mediapart convie des chercheurs et chercheuses aux côtés des journalistes de la rédaction, pour analyser et mettre en contexte les résultats de la soirée. Une émission garantie sans intox, petites phrases polémiques, analyses politologiques creuses ou projections bidons…
Nos invité·es : les politistes Pierre-Nicolas Baudot, Patrick Lehingue, Ulysse Rabaté, Émilien Houard-Vial, Étienne Ollion. Le dessinateur Thibaut Soulcié, qui a raconté en dessins la campagne, croquera la soirée avec humour. Fabien Escalona et d’autres journalistes du pôle politique de Mediapart interviennent également dans cette émission, animée par Mathieu Magnaudeix et Valentine Oberti.
À18 heures, une petite dizaine de personnes s’apprête à aller au jardin des plantes pour une séance de méditation pré-soirée électorale. Le rendez-vous a été donné au Quartier Généreux, un bar « associatif, culturel et engagé » ouvert en mars 2023 près de la place Albert 1er. Le QG est bien connu des sphères militantes de gauche de Montpellier. Quand le lieu s’est lancé, beaucoup d’anciennes et d’anciens de Nous Sommes, le parti municipaliste créé pour l’élection municipale de 2020, faisaient partie de l’aventure.
Cathy, orthophoniste et titulaire d’un diplôme universitaire de santé et méditation, anime des cycles de méditation « pour mêler les milieux militants et méditants ». « Les militants sont des personnes qui prennent soin des autres et il faut savoir se ressourcer », précise-t-elle.
La séance de ce soir n’était pas prévue mais Cathy a décidé de l’ouvrir à toutes les personnes qui le souhaitent « car ces derniers jours, on a eu énormément d’émotions : peur, colère, tristesse, angoisse… » L’objectif : ne pas attendre, seul·e avec ces émotions, les premiers résultats qui tomberont à 20 heures.
Son tapis de sol sous le bras, Max vient chercher cette parenthèse. « On connaît l’éco-anxiété. Moi je fais aussi de la facho-anxiété. Hier soir, j’ai eu des pensées cauchemardesques en imaginant tout ce qui pouvait se passer… C’est violent. »
Johanna abonde : « Vu le contexte politique et l’état du pays, ça va être bien de se recentrer. »
Les deux enfants de Johanna sont binationaux – leur père est franco-algérien – et elle s’inquiète pour eux. « La discrimination est déjà réelle pour les personnes qui ont des prénoms et des noms maghrébins. Si c’est le RN… », souffle-t-elle sans finir sa phrase. La jeune femme dit redouter les résultats : « Je pense qu’on sait tous ce qu’il va se passer ce soir » et ajoute : « Ce serait un miracle que le Nouveau Front populaire fasse d’énormes scores. »
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