Anasse Kazib: Lles gens ne veulent plus lutter…

Par Anasse Kazib
Je souhaiterais dialoguer avec une logique fataliste qui dit que « les gens ne veulent plus lutter », « les gens ne veulent pas de la révolution », « c’est utopique ». Je veux par ce texte sortir de la logique immédiatiste, pour poser le débat plus en profondeur. Comment pourrait-il en être autrement, face à un tel matraquage au respect des institutions ?
Comment pourrait-il en être autrement avec une classe bourgeoise coordonnée, qui a ses médias, ses éditorialistes, sa police, sa justice, ses hauts fonctionnaires, etc. ?
J’attends le jour ou Truchot va appeler les prolétaires à l’action révolutionnaire. Comment les gens pourraient-ils penser à la révolution, quand on leur dit que la meilleure solution, c’est leur bulletin de vote ? Va en vacances, camarade, occupe-toi de louer ton AirBnB à Bayonne, « vote pour moi et dans 15 jours, je fais ça et dans 100 jours je fais ça », et ne te préoccupe pas de lutter, car on a aussi le « 49.3 de gauche » donc on imposera tout, va nager.
Comment pourrait-il en être autrement avec une gauche institutionnelle, qui veut « sauver les institutions » de l’État bourgeois, qui veut aussi 10 000 policiers de proximité. Pourquoi faire ? Pour la révolution, pardis. Une gauche dont l’agenda est déjà tourné vers les municipales 2 ans avant, et ensuite les présidentielles et ensuite les législatives, les départementales, les régionales, etc. etc. Ils sont pour la révolution entre le 29 et le 30 février.
Comment pourrait-il en être autrement quand depuis 30 ans les directions syndicales font tout pour perdre les grèves. Grève perlée, grève saute-mouton, grève isolée, manifestation le samedi, etc. Même le 14 juillet, une journée censée fêter la révolution et penser pour dissuader de la révolution.
Ce dimanche on va voir, un président bonapartiste debout sur une Jeep, avec au-dessus de lui des Rafales et derrière des bataillons d’infanterie, des chars, des hélicoptères, des motards, etc.
Chaque 14 juillet, ils ne fêtent pas la révolution, ils nous rappellent surtout toutes les armes que la bourgeoisie française a pour tenter de nous écraser si nous tentions une révolution. Il faudrait donc être frappé par la grâce pour penser, seul devant son plat de pâtes en écoutant Gilles Bouleau sur TF1, que la meilleure chose, c’est de lutter, quand même les directions syndicales n’appellent même plus à la grève, mais viennent de passer 3 semaines à envoyer les militants dans les marchés et les gares pour appeler à voter et non à organiser la riposte par la grève. Il y a 1000 syndicalistes CGT réprimés et jamais 1/100ème de ce qu’ont fait les syndicats pour le NFP n’a été mis en place pour lutter contre la répression, la loi immigration ou encore l’inflation.
Et malgré toutes ces stratégies de merde, le poid du système, nous avons connu en 7 ans, une lutte de classes d’une rare intensité. Une lutte par an, parfois 2 dans la même année. En 2023 on a même battu le record de mobilisation depuis 1968. L’an dernier pas y’a 15 ans.
Alors oui, je ne vous dirai pas que les conditions de la révolution sont réunies, ou que la grève générale est imminente, sinon nous serions dans un autre moment de la vie. Mais je dis qu’il est faux de penser que le problème ce serait « les gens qui ne veulent pas » et pas la bataille politique féroce qu’opère la bourgeoisie et ses agents pour nous dissuader de cela.
La seule et unique question que je veux poser est de savoir comment faire face à la situation globale. Les guerres se multiplient, les crises économiques, la montée de l’extrême droite dans le monde, la crise climatique, etc. Est-ce que c’est Hollande, Faure, Marine Tondelier et compagnie, qui vont nous protéger de la barbarie de ce système ? Avant ou après avoir entendu Allahou Akbar ?
Est-ce que c’est l’Assemblée nationale, le Sénat, les gouvernements de « gauche », les coalitions ? En 30 ans, quelles lois ont amélioré la vie des millions de travailleurs et de jeunes ? Aucune. Les quelques acquis sociaux que nous avons encore et que chaque année on nous grignote petit à petit ne sont que le fruit des combats intenses de la lutte des classes. C’est un fait historique.
C’est pourquoi la question de la révolution n’est pas une histoire d’envie ou d’agir comme un thermomètre sous les aisselles des prolétaires en attendant que, par le Saint-Esprit, la classe ouvrière soit atteinte de la grippe révolutionnaire. Mais il s’agit de savoir ce que nous faisons pour y tendre. À minima, que faisons-nous pour les faire reculer serieusement ? Regardez par exemple les milliers de gens a qui ont a demandé de faire du porte-à-porte, distribuer des tracts dans les marchés, pendant 3 semaines non-stop.
Pourquoi cette énergie n’est-elle jamais mise en place pour lutter contre la loi immigration, l’interdiction de l’abaya, pour la réforme des retraites, l’assurance chômage, etc. ? Faire des blocs de résistances ? Les élections sont finies et tout le monde a déserté le terrain. Cette période entre dissolution et législatives a amené beaucoup de politisation, beaucoup de réflexion sur la situation, l’avenir, l’extrême droite, etc. Mais il est plus que nécessaire que cette phase de politisation et d’inquiétude sur l’avenir se transforme en volonté militante, en envie de se syndiquer, de construire des bastions ouvriers, de renverser le système capitaliste. Les directions syndicales devraient appeler à organiser des assemblées générales et des débats ouvriers dans tous les secteurs pour voir comment lutter et arracher nos collègues des griffes de l’extrême droite. Faire de la politique !
Comment se mettre en ordre de bataille pour plier le système ? Imaginez si demain, raffineurs, dockers, cheminots, énergéticiens, RATP, aéroports, agro-alimentaires, logistiques, etc., nous avons des armes phénoménales pour lutter. Encore pire à 15 jours des JO de Paris. Mais faut-il encore avoir envie de mettre en marche tout cela. Faut-il encore avoir confiance dans la capacité de la classe ouvrière à lutter contre le système et non de définir l’ouvrier comme un électeur ou un incapable de lutter. C’est faux.
Pour le militant de la gauche parlementaire, 1000 raffineurs, ça fait 4 % de voix pour gagner sa circo. Pour un militant marxiste, 1000 raffineurs, c’est ce qu’il a suffi en octobre 2022 pour plonger 80 % des stations essence de France dans la pénurie et créer la panique de la bourgeoisie.
Bien sûr, les révolutionnaires sont minoritaires auj, mais ne nous demandez pas de nous taire, ne nous dites pas à nous qu’il ne faut pas chercher à transformer la subjectivité des masses, en leur montrant l’impasse stratégique de l’alliance NFP et, pire, du front républicain.
Les révolutionnaires ne sont pas des « utopistes », mais ce qui est utopiste au contraire, c’est de penser que face à la barbarie du système capitaliste, face aux boucheries des guerres, à la pauvreté, à la sécheresse, à la montée de l’extrême droite, il faut de la tendresse et de l’apaisement comme le dit Ruffin.
L’utopie, c’est de penser qu’on peut continuer de s’accommoder avec ce système, qu’il faut lutter pour sauver les institutions.
L’utopie, c’est de penser que le système capitaliste est réformable, pas de vouloir le détruire.
Rosa Luxembourg disait : « Avant qu’une révolution arrive, elle est perçue comme impossible ; après cela, elle est considérée comme inévitable. »
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