Plus de 22 millions de français ont regardé la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et plus d’un milliard sur la planète. Cela a été un événement médiatique de masse célébré dans la plupart des pays comme une réussie exceptionnelle sauf par les royautés, les dictatures et tout particulièrement les dictatures religieuses qui ont censuré sur leurs télévisions nationales une partie de la cérémonie et puis aussi par l’extrême-droite mondiale et avec elle un certain nombre de réactionnaires et conservateurs de tous bords.
Cette cérémonie a été en effet un bras d’honneur magistral à l’extrême-droite, mais aussi tout à la fois une prolongation des prides géantes de ces dernières semaines où la jeunesse a chanté la liberté contre le fascisme et en même temps un troisième tour multiculturel des législatives où l’extrême-droite mais aussi Macron ont pris une nouvelle claque magistrale.
L’extrême droite mondiale a dénoncé un complot «woke», un spectacle «dégénéré» à soustraire aux yeux des enfant, une cérémonie «sataniste», «pédophile» et certains trumpistes y ont reconnu une annonce de l’apocalypse. Des évêques se sont insurgés de la Cène parodiée par des drag queens, des royalistes y ont vu un « blasphème » tout en criant d’indignation au rappel de la décapitation de Marie Antoinette, tandis que des conservateurs de tous bords se sont indignés à la vision de la garde républicaine dansant sur les chansons d’Aya Nakamura et qu’enfin quelques esprits chagrins ont trouvé de mauvais goût bien des « tableaux » dont celui affichant la nudité de Philippe Catherine.
Et puis certains, à gauche ou à l’extrême-gauche, qui avaient été indignés à juste titre par le Paris barricadé, les parisiens mis en cage sous surveillance policière, les étudiants et SDF expulsés, le scandale environnemental, les atteintes au droit du travail, les mesures liberticides, les prix exorbitants, les coûts faramineux, n’ont pas pu se laisser entrainer par la réussite du spectacle et ont cru y voir un succès pour Macron, qui ferait oublier, selon eux sa dissolution et ses tentatives de passer le flambeau à l’extrême-droite, son coup d’Etat contre la victoire du NFP, en même temps qu’un échec des appels au boycott des JO lancés depuis des mois. Bref pour eux, « du pain et des jeux ».
Alors d’abord non, ça n’a pas été un succès mondial pour Macron – et la presse mondiale en témoigne – mais un succès pour le Paris de l’histoire, le Paris des imaginations, celui des rébellions et des révolutions, par-dessus Macron, malgré Macron et même contre lui. Ça a été une victoire de la créativité et de la liberté car la créativité n’est que l’autre nom de la liberté, qui ne rime pas avec Darmanin.
Et puis encore non, personne n’oublie rien ! Bien au contraire, la cérémonie en était la preuve vivante remontant pour cela jusqu’à la révolution française.
Et personne non plus ne croit que ce spectacle puisse donner au monde l’image d’une France qui n’existerait pas parce qu’elle respecterait les minorités et valoriserait les fêtes queer ! Or justement, cette France existe. Mais elle n’est pas en haut, elle est en bas. On ne la montre pas et on l’entend moins que celle qui est portée 24 h sur 24 par les médias des milliardaires et le pessimisme de ceux qui, à gauche, sont déjà vaincus. C’est celle qui, en un mois, a réussi à se mobiliser comme jamais pour empêcher l’extrême-droite d’accéder au gouvernement et battre en même temps Macron et ses magouilles. C’est celle qui a montré contre le gouvernement, contre le monde de l’argent, contre les médias, contre les sondages d’opinion et contre toutes les manipulations, que la France anti-raciste, ouverte aux différences, était plus forte, plus nombreuse que la France raciste des possédants. C’est cette France et cette jeunesse qui a manifesté en un nombre jamais vu dans les prides il y a seulement quelques semaines quand les manifestations syndicales contre l’extrême-droite faiblissaient ; ce sont les 60 000 jeunes qui se sont rassemblés deux fois de suite place de la République à Paris à l’appel de médias alternatifs quelques jours avant le 7 juillet pour crier – avec certains des organisateurs de la cérémonie d’ouverture des JO – leur rejet de l’extrême-droite et de son monde hideux et qui, déjà, ont dansé et chanté avec de nombreux musiciens et chanteurs, la liberté, l’égalité et la fraternité. Et c’est cette France-là, que les organisateurs de la cérémonie d’ouverture ont voulu montrer et faire entendre comme en ont témoigné à la presse par exemple Thomas Jolly et Patrick Boucheron.
Alors, les appels au boycott des JO ont été un échec parce que 22 millions de français ont regardé ?
Non, bien au contraire. Tout comme le poing levé ganté de noir des athlètes américains en hommage aux Black Panthers a fait passer aux oubliettes les Jeux de l’époque et est resté dans l’histoire, la liberté de la cérémonie d’ouverture a fait oublier le caractère sportif traditionnel des défilés militaires guindés sous les drapeaux et les hymnes nationaux et restera dans l’histoire comme le Paris révolutionnaire en posant la question : qui va gagner leur monde ou le nôtre ?
Et puis, les appels au boycott ont souvent caché à ses propres promoteurs le véritable courant de boycott qui a lui aussi gagné. Ça a été le formidable mouvement de luttes et de grèves qui a traversé la classe ouvrière depuis le début de l’année et a refusé, « boycotté », les entorses au code du travail qu’on voulait leur imposer. Il y a eu les aiguilleurs du ciel mais aussi les cheminots, les agents de la Ratp, les employés des grands magasins, les pompiers, les agents hospitaliers, les chauffeurs de VTC, les électriciens et gaziers, les agents d’aéroports, les pilotes et hôtesses ou stewards, les agents de sécurité, les artistes et danseurs, les agents territoriaux, les employés de bibliothèques et musées, et puis encore ceux de la Monnaie de Paris ou les agents de voirie et de la logistique… qui ont refusé que les JO soient un prétexte à plus d’exploitation et qui ont le plus souvent gagné et certains même à des niveaux jamais vus depuis les années 1970, forçant même la CGT à s’aligner derrière eux, elle qui dans un premier temps ne voulait pourtant pas gêner cette « fête populaire. Ça été un très grand mouvement en passe de devenir politique parce que toutes ces luttes avaient de commun d’être contre les mesures de Macron et donc étaient en passe de fusionner progressivement avec le petit mouvement de propagande pour le boycott des JO. La dissolution et la menace fasciste l’ont stoppé, avant qu’il ne reparte depuis l’éloignement de cette menace, mais à un niveau moindre pouvant cependant rebondir pendant les Jeux eux-mêmes comme l’ont montré les salarié grévistes de l’hôtel qui héberge le CIO. Et comment ne pas penser en voyant les danseurs le long de la Seine à la cérémonie d’ouverture, que c’étaient les mêmes qui quelques jours auparavant seulement, levaient le poing et faisaient grève. Ils ont gagné et nous ont fait gagner ensuite par leur spectacle. La cérémonie d’ouverture elle-même était non seulement l’œuvre de ses organisateurs mais aussi celle de la mobilisation des artistes contre l’extrême-droite, des artistes et salariés depuis des mois contre l’exploitation du capital macroniste, du mouvement général électoral et dans la rue enfin de ces derniers mois contre le fascisme, bref c’était un troisième tour multiculturel et ouvert aux différences contre le monde des racistes, des fascistes et des exploiteurs.
La victoire des législatives générée par la mobilisation d’en bas contre tout autant l’extrême-droite que Macron, nous fait échapper à l’enfermement mortifère du jeu traditionnel du barrage entre les deux, en ouvrant une nouvelle perspective à gauche et dans la rue dans laquelle s’est tout particulièrement engouffrée la jeunesse, qui nous permet aujourd’hui de mieux respirer. Il y a une dynamique qui lie souterrainement cette cérémonie mobilisation des législatives, les grèves autour des JO et cette cérémonie d’ouverture. Montrons-là pour sortir des manières de penser fixistes de ceux du dessus qui additionnent les évènements comme on empile des assiettes sans jamais voir les liens qui les unissent. « Du pain et des Jeux », est une de ces formules fixistes venue d’en haut qui fait partie de cet univers mental qui enferme ceux d’en bas dans l’incapacité à se libérer et qui empêche de jouir de la victoire qu’a été cette cérémonie dans le prolongement d’autres succès et d’aller plus loin. C’est une vision manichéenne, pessimiste, découragée, complément des visions manipulatrices, qui est un complément de la vision policière de l’histoire prétendument faite par des grands hommes et jamais par ceux d’en bas. C’est la vision bourgeoise qui s’acharne en permanence à décourager les classes populaires en leur montrant qu’elles sont incapables de s’émanciper par elles-mêmes, qu’elles ne sont pas capables de penser plus haut que du pain et des jeux.
Le mois et demi que nous venons de vivre a montré tout au contraire que nous avons retourné leurs Jeux contre eux en les inscrivant dans notre dynamique émancipatrice par en bas. Tout n’est pas sous contrôle d’un « big brother », qu’il se nomme « grand capital » ou « Macron », qui serait aux manettes de tout et manipulerait tout. Il y a l’intervention des classes populaires créant des espaces de liberté qui leur échappent malgré leur fric et leur bourrage de crâne quotidien télévisuel. Il y a des phénomènes bien plus profonds que toutes les manipulations des sommets, et c’est pour ça qu’il y a des révolutions, même dans les pires des régimes dictatoriaux, parce qu’il y a une lutte de classe qui est à la base de tout, qui s’infiltre partout, même dans le domaine culturel ou sportif. Cette cérémonie d’ouverture est une victoire de notre camp.
Il y a une guerre entre le prolétariat et la bourgeoisie. Et si le milliardaire Warren Buffet ajoutait il y a quelques années, « et cette guerre nous sommes en train de la gagner », c’est peut-bien l’inverse qui est en train de s’amorcer aujourd’hui.
Jacques Chastaing 28 juillet 2024
C est oublier le coût de ce divertissement…j imagine tout ce qui aurait pu être fait de durable avec cet argent gaspillé….et cela ne peux que rendre triste…
Une grande victoire pour LVMH très présent dans cette ouverture qui lui sert aujourd’hui de support pour sa publicité