James C. Scott, anthropologue et penseur des sociétés sans État, est mort

James C. Scott, anthropologue et penseur des sociétés sans État, est mort

Après David Graeber en 2020, c’est un autre pionnier de l’anthropologie anarchiste étasunienne qui nous quitte. James C. Scott est mort le 19 juillet à l’âge de 88 ans. Il laisse derrière lui une œuvre considérable et précieuse. Spécialiste des sociétés sans État, ce grand chercheur à l’université de Yale s’est évertué toute sa vie à déconstruire les récits dominants de notre époque. Éleveur de brebis, il avait les deux pieds ancrés dans la terre, et vivait sur sa ferme à Durham, à une trentaine de kilomètres de New Haven (Connecticut, États-Unis)

Dans Zomia ou l’art de ne pas être gouverné, (traduit en 2013 en français au Seuil), l’anthropologue s’est intéressé aux peuples d’Asie du Sud-Est qui vivent dans des régions montagneuses et qui ont souhaité maintenir toute forme d’organisation étatique à bonne distance de leur existence. Il y démontre que l’agriculture itinérante ou l’oralité ne sont en aucun cas les étapes préliminaires de notre monde développé mais de vrais choix politiques, que des peuples libres et farouches entendent bien défendre.

Comment l’humain s’est autodomestiqué

Pour James C. Scott, le processus de civilisation n’a rien de linéaire, le progrès relève du mythe. Dans Homo Domesticus, un livre paru en 2019 à La Découverte que Reporterre avait recensé, il révèle, à grand renfort d’études archéologiques, comment la création des premiers États et de l’agriculture sont allés de pair avec l’aliénation des populations.

« Le Néolithique ne se résume pas à la domestication de quelques espèces animales et végétales, observait-il. Ce sont d’une certaine manière les humains eux-mêmes qui se sont autodomestiqués et rendus esclaves. » Dans un autre livre, L’Œil de l’État — Moderniser, uniformiser, détruire (La Découverte, 2021), il analyse les généalogies profondes des technologies de surveillance, les velléités de contrôle et de centralisation des États. Cette idée de vouloir rendre l’espace lisible, aplani pour toujours mieux lever les impôts, appeler à la conscription et prévenir les révoltes.

Les pensées de l’écologie perdent aujourd’hui un grand intellectuel qui avait l’émancipation humaine chevillée au corps et qui nous invitait à décaler le regard, à bousculer nos préjugés. Les barbares ne sont pas ceux que l’on croit. « Les âges sombres » non plus.

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