Le tarif du réseau de gaz bondit de 27,5% au 1er juillet

Par Aurian de Maupeou

Mis à jour le
Le nouveau tarif d’utilisation du réseau de gaz (GRDF et quelques entreprises locales) entre en vigueur le 1ᵉʳ juillet, en augmentation de 27,5% par rapport au 1ᵉʳ juillet 2023. Rapporté à la facture annuelle d’un consommateur chauffé au gaz, la Commission de Régulation de l’Energie annonce une augmentation de 5.5% TTC. Selectra vous explique ce qu’on ne vous expliquera pas ailleurs !

De combien l’ATRD augmente-t-il vraiment ?

L’ATRD est composé d’une part fixe (intégrée à l’abonnement que le client paie tous les mois, qu’il consomme ou non) et d’une part variable (intégrée au prix du kWh). Calculons d’abord l’évolution de l’ATRD entre le 1ᵉʳ juillet 2023 et le 1ᵉʳ juillet 2024 pour voir si cet incroyable +27,5% est équitablement réparti entre les consommateurs.

Option tarifaire Part 2023 2024 Evolution
T1 Part fixe 42,24 51,96 23,0%
Part variable 33,23 42,37 27,5%
T2 Part fixe 139,44 175,92 26,2%
Part variable 8,93 11,39 27,5%
T3 Part fixe 982,92 1231,08 25,2%
Part variable 6,42 8,19 27,6%
T4 Part fixe 16069,56 20469,6 27,4%
Part variable 0,87 1,11 27,6%

L’augmentation est quasiment uniforme pour tous les consommateurs. Elle ne pèse que légèrement plus sur le prix du kWh que sur l’abonnement, déjà colossal par rapport à son équivalent pour l’électricité.

Calculons maintenant l’augmentation pour le client français moyen chauffé au gaz (16500 kWh / an) entre juillet 2023 et juillet 2024 sur la base du prix repère du gaz publié par la CRE.

juillet 2023 juillet 2024 Evolution
Abonnement 257,18 277,43 7,87%
Prix du kWh 0,08195 0,10261 25,21%
Coût annuel 1609,355 1970,495 22,44%

On observe une hausse du prix du kWh presque en ligne avec la hausse de l’ATRD. C’est étonnant, car cela signifie que la part fourniture est en hausse, alors que le prix PEG sur lequel il est calculé est en baisse par rapport à l’été 2023. Plus étonnant, le prix de l’abonnement augmente très peu. Celui-ci intègre la part fixe de l’ATRD, une taxe nommée la CTA, une part fournisseur et la TVA à 5,5%. La seule explication est une baisse de la part fournisseur. Il sera intéressant de vérifier ce qu’il en est dans les grilles tarifaires réelles des fournisseurs, qui peinent souvent à faire mieux que le prix repère gaz.

Comment en est-on arrivés à une telle hausse dans un contexte d’inflation à 0% ?

Le ministre de l’Économie annonçait en mai que la bataille de l’inflation était gagnée. Et, effectivement, l’augmentation du tarif d’utilisation du réseau de gaz ne vient pas de là. Elle s’explique très simplement : la consommation de gaz en France s’est effondrée depuis quelques années, et les coûts des gestionnaires de réseau (essentiellement GRDF) continuent d’augmenter. Il faut donc répartir des sommes en hausse sur moins de kWh. Le prix par kWh explose donc.

GRTGaz, qui est très concerné, puisque sa rentabilité dans un premier temps, son existence dans un second, sont en jeu a publié des données utiles sur son site web. La consommation de gaz en France entre la saison 2018-2019 et la saison 2023-2024 a baissé de 25%. Une baisse que l’ATRD 6, qui couvrait la période 2020-2024, n’avait pas anticipé, et qui a donc généré un trou dans les recettes de GRDF et GRTGaz, les filiales d’Engie qui acheminent le gaz vers les consommateurs.

Les deux coupables de cette hausse ne sont pas GRDF et GRTGaz, mais une sobriété énergétique marquée (la baisse de la consommation corrigée du climat est de 21,1% entre 2018-2019 et 2023-2024) et des hivers plus doux (qui expliquent 3,9 sur 25% de baisse sur la période) – source.

Que faire ?

La situation n’est pas tenable. Une telle hausse grève la compétitivité-prix du gaz face à l’électricité. Surtout si l’on y ajoute la préférence des consommateurs climato-sensibles pour l’électricité (32 grammes de CO2 par kWh en 2023 selon RTE, contre 227 grammes pour le gaz selon GRDF). Le risque est une accélération de la fuite des clients qui le peuvent vers l’électricité, à la faveur du développement des pompes à chaleur et de l’autoconsommation.

Pour GRDF, les campagnes de promotion du gaz vert (voir la vidéo très réussie mettant en scène Jamel Debbouze), ne suffiront pas. Pas plus que le développement du biométhane, encore marginal (environ 2% du gaz consommé en France) et très subventionné. Une piste consiste à l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz, mais elle est à long terme, tant pour des raisons technologiques qu’économiques. Une réduction de l’infrastructure du réseau ne semble pas à l’ordre du jour. Les gains réalisés grâce au compteur Gazpar permettront-elles de sauver le réseau de gaz ?

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