À quelques heures du lancement des Jeux olympiques de Paris, le réseau ferroviaire français est en vrac. Depuis l’aube du vendredi 26 juillet, la circulation est fortement perturbée dans les gares parisiennes sur certaines lignes de TGV. Les axes Atlantique, Est et Nord ne devraient pas retrouver leur fonctionnement normal avant la fin du weekend. 800 000 voyageurs sont affectés.
Une situation provoquée par des incendies volontaires — le ministère des Transports parle d’« actes de malveillance coordonnés » —, dont on ignore encore la source. Selon la SNCF, une tentative de dégradation supplémentaire aurait été déjouée sur la ligne à grande vitesse allant vers le Sud-Est. Ces incidents mettent en lumière « l’extrême vulnérabilité » de nos lignes, selon Michel Quidort, vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) et président de la Fédération européenne des passagers.
Reporterre — Comment une attaque d’une telle ampleur est-elle possible ?
Michel Quidort — Le réseau ferroviaire est, dans une certaine mesure, extrêmement vulnérable. Il suffit de couper d’une manière ou d’une autre les connexions électriques et électroniques — par exemple en mettant le feu pour perturber la signalisation, les procédures de sécurité et les informations qui circulent à destination des conducteurs de train et des gens qui, dans les postes de contrôle, commandent les itinéraires avec les aiguillages et font circuler le réseau.
Il est très difficile de surveiller en permanence les 30 000 kilomètres de ligne ferroviaire du territoire français. On peut mettre 60 000 policiers, gendarmes et militaires à Paris pour protéger la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, mais on ne peut pas être partout pour surveiller ce qu’il se passe sur l’ensemble du réseau ferroviaire, compte tenu de son étendue…
Une perturbation similaire a-t-elle déjà eu lieu ?
À ma connaissance, on n’a jamais vu ça sur le continent européen. Il n’y a eu qu’un seul évènement comparable, il y a quelques années. L’incendie d’un poste de contrôle, qui commandait tous les itinéraires depuis la gare Montparnasse, avait très fortement perturbé le trafic vers l’ouest et le sud-ouest. Mais c’était purement accidentel, et seulement sur un point particulier du réseau à grande vitesse.
Là, cette perturbation émane certainement de gens qui savent quelles opérations faire pour générer un maximum de nuisances. Ce ne sont pas des gens qui sortent éméchés d’une boîte de nuit à 2 heures du matin. Des câbles ont été sectionnés à hauteur d’Arras, où il y a une grosse bifurcation de la ligne LGV vers le nord, donc à un endroit névralgique.
Comment en est-on arrivé là ? Le réseau est-il plus fragile qu’avant ?
Non, ça n’a rien à voir avec la vétusté. On parle de lignes à grande vitesse assez récentes, ou qui ont fait l’objet de renouvellements. Ce sont des technologies modernes, de l’électronique, de la fibre optique. On a des capacités numériques extrêmement importantes, mais par ailleurs extrêmement vulnérables, puisque c’est par ces canaux que transitent toutes les informations nécessaires à la circulation, à la sécurité des trains et des voyageurs.
Cet évènement va sans doute interpeller les pouvoirs publics et la SNCF, notamment SNCF Réseau qui est en charge de la gestion et de l’entretien du réseau ferroviaire et de la signalisation. Il y a déjà des efforts de surveillance qui sont faits. La SNCF utilise notamment des drones pour surveiller les lignes. Les lignes TGV sont déjà clôturées pour des raisons de sécurité. Mais avec une paire de cisailles, quelqu’un de mal intentionné peut très bien passer cette barrière.
Les informations sur l’origine et les auteurs de cette perturbation seront très précieux en termes de prévention d’actes malveillantes ultérieurs. Il faut attendre les résultats de l’enquête. Est-ce que c’est une action concertée d’un État hostile ? Est-ce que on a affaire à un groupuscule français ou étranger qui a voulu marquer les choses ? Pour le moment, on n’en sait rien.
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