Je soutiens StreetPress tant qu’il en est encore temps
Sur le visage de Lucas, le sourire est discret et des cernes se sont creusées sous ses yeux. Le responsable de nos réseaux sociaux est sur le pont depuis le 9 juin et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Au poste, du lundi au dimanche jusque tard le soir pour partager enquêtes et vidéos. Les premiers jours, nous avons parfois cru prêcher dans le désert. Nos premières infos ne sont que peu reprises.
On n’a pas lâché. Christophe, Arthur et Daphné ont déterré les casseroles, les tweets et les casquettes de nazis de dizaines de candidats. Des journalistes pigistes aussi remontent des infos. Léa à Rouen, Maël à Calais, Quentin à Limoges, Jérémie à Lille, Nathalie à Toulouse… Inès, Lina, Clara, Mathieu, Samuel, Thomas, Sarah, Elisa, Maria sautent dans des trains, montent dans des voitures pour raconter ce qu’il se passe à Marseille, Hénin-Beaumont, Bucy-le-roi ou Avignon. Et même Jo, le fondateur de StreetPress, souvent noyé par les tâches administratives, dégaine une enquête sur Bolloré et Pigasse.
L’équipe s’agrandit : dans l’urgence, on embauche 4 nouvelles personnes. On fera les comptes à la fin, pour l’instant il faut tout faire pour éviter que l’extrême droite n’arrive au pouvoir. Et progressivement le travail paye et les info “prennent”. Sur les réseaux sociaux d’abord, où nos posts et nos vidéos sont vues par des millions de personnes. Puis nous sommes invités sur les plateaux pour présenter notre travail. Les rédactions nous appellent pour reprendre nos enquêtes : France télé, M6, TF1, BFM, l’ensemble des chaînes de télévision s’appuient sur nos révélations.
Mais il nous a semblé qu’en cette période si particulière où l’histoire peut basculer, ce travail “habituel” du journaliste était nécessaire mais insuffisant. StreetPress revendique à longueur d’année son “impact” sur la société. Il fallait en faire la démonstration. Nous avons d’abord interpellé Médiapart et Politis, et ensemble lancé l’idée d’un grand rassemblement place de la République, à Paris. Idée démesurée mais nous voulions désespérément être à la hauteur de l’enjeu. Alors on a décroché nos téléphones pour réunir les bonnes volontés et les compétences. Au départ 3 médias, à la fin une centaines d’organisations et surtout 30.000 personnes le jeudi 27 sur la place de la République. Tard dans la nuit, alors que la fête est finie, on imagine un second événement. Les résultats du premier tour s’annoncent mauvais. Il ne faut surtout pas s’arrêter. On a cette fois six jours à peine. L’économiste Julia Cagé qui projetait d’organiser avec son association un autre événement nous rejoint dans l’aventure.
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Il faut à nouveau réunir plus de 100.000 euros (le budget logistique d’une telle opération). Chaque organisation remet au pot, des mécènes nous suivent. Le compte n’y est pas, mais on verra. La logistique se gère du côté de la fête de l’Huma. StreetPress reprend en main le stream. Mediapart est à la com. La CGT gère la sécu et les autorisations. Politis et Attac coordonnent tout ça. Et surtout, tous ensemble – avec en plus de ceux cités au-dessus Fakir et Blast, on relance une programmation.
On a cette fois avec nous une programmatrice inattendue. Tout au long du week-end, l’actrice Judith Godrèche appelle le tout Paris pour le convaincre de se joindre à nous. Beaucoup se défilent, au prétexte d’une quelconque obligation. Plusieurs autres vont annuler. Il y a ceux qui sont venus, sans hésiter. Les chanteuses Izïa et Zaho de Sagazan, les acteurs Swann Arlaud, Nadège Beausson-Diagne, Aïssa Maïga, Grégory Montel, Agnès Jaoui, la légende du football Raí, les humoristes Anne Roumanoff, Aymeric Lompret et tant d’autres.
Le média rap Grünt nous a rejoint et monte un plateau : Ben PLG, Jade, Jok’air, Dau et Théodora et Prince Waly qui sur scène déploie un drapeau bleu blanc rouge. La séquence visionnée plusieurs millions de fois, va faire le tour des médias rap. L’ensemble de la presse relaie l’événement. Encore d’autres millions de personnes touchées par le discours du joueur brésilien Raí, celui d’Anne Roumanoff ou de Jacques Toubon, l’ancien ministre de la justice de Jacques Chirac. Place de la République, la foule est immense. 60.000 personnes. Chacun reprend des forces. Derrière la scène, l’ambiance est aussi festive et les artistes qui partagent ce même besoin de réconfort restent jusqu’à la fin de l’événement. Tard dans la nuit, on se promet de faire vivre ce nouveau collectif. Organiser autre chose, ailleurs et plus tard, de mener ensemble le combat culturel contre l’extrême droite.
Jusqu’à dimanche soir, toute l’équipe de StreetPress est sur le pont. Espérons que le RN ne passe pas. Mais quel que soit le résultat, il faudra continuer avec plus de force encore qu’avant. Et pour ça, on va avoir besoin de vous. Soutenez StreetPress en faisant un don mensuel.
Mathieu Molard
Co-rédacteur en chef de StreetPress
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