Échange de prisonniers Russie/Occidentaux

Échange de prisonniers Russie/Occidentaux: la libération de Vadim Krasikov, «arbitrage difficile» pour l’Allemagne

Un échange de prisonniers a eu ce lieu jeudi 1ᵉʳ août entre la Russie et les Occidentaux. Cet échange concerne 26 personnes, notamment plusieurs Américains, parmi lesquels le journaliste Evan Gershkovich, détenu en Russie depuis 2023. Mais aussi Vadim Krasikov, libéré par l’Allemagne. Il avait été condamné à la perpétuité pour le meurtre en plein centre-ville de Berlin d’un ex-commandant séparatiste tchétchène. Vladimir Poutine voulait à tout prix la libération de Vadim Krasikov.

Le chancelier allemand Olaf Scholz s'adresse aux médias après la rencontre à huis clos avec des prisonniers libérés de Russie et de Biélorussie dans le cadre du plus grand échange de prisonniers entre la Russie et l'Occident depuis des décennies, dans la zone militaire de l'aéroport de Cologne Bonn, le 1er août 2024.
Le chancelier allemand Olaf Scholz s’adresse aux médias après la rencontre à huis clos avec des prisonniers libérés de Russie et de Biélorussie dans le cadre du plus grand échange de prisonniers entre la Russie et l’Occident depuis des décennies, dans la zone militaire de l’aéroport de Cologne Bonn, le 1er août 2024. via REUTERS – Pool

« Cette décision n’a pas été facile pour notre gouvernement », a reconnu dans un communiqué le porte-parole d’Olaf Scholz. Berlin a dû opérer un « arbitrage difficile » : maintenir en prison Vadim Krasikov ou bien permettre la libération de personnes innocentes emprisonnées en Russie ? Des pourparlers ont eu lieu depuis des mois entre Berlin, Moscou et Washington. L’Allemagne était au départ réticente, mais a fini par accepter une possible libération de Krasikov en faisant monter les enchères en exigeant de Vladimir Poutine la libération de l’opposant russe Navalny. Mais ce dernier est mort en prison en Russie en février.

La condamnation du journaliste du Wall Street Journal, Evan Gershkovich, en juin à seize années de prison a relancé les discussions.  En avril, une administration avait déjà décidé que Vadim Krasikov devait être expulsé en raison du danger qu’il représentait pour l’Allemagne. Le ministre de la Justice a demandé au parquet fédéral de renoncer à l’exécution de la peine, ce qui a permis à l’expulsion du tueur d’être couverte juridiquement.

Un cinquième Allemand, condamné à mort pour « terrorisme » puis gracié mardi, était lui en détention en Biélorussie, pays allié de la Russie. L’Allemagne a exhorté les autorités de ces deux pays à « libérer toutes les autres personnes détenues injustement pour des raisons politiques ».

Plusieurs des prisonniers libérés de Russie « craignaient pour leur vie»

Les prisonniers libérés de Russie et de Biélorussie dans le cadre de ce vaste échange « craignaient pour leur vie », a déclaré le chancelier allemand après avoir accueilli plusieurs d’entre eux sur l’aéroport de Cologne en provenance d’Ankara.

« C’était très émouvant », a dit Olaf Scholz à la presse après la rencontre à huis clos, car « beaucoup ne s’attendaient pas à ce que » leur libération « se passe maintenant » et « beaucoup ont craint pour leur santé et aussi pour leur vie, il faut que ce soit dit ».

Dans l’avion ayant atterri à Cologne se trouvaient notamment les cinq détenus allemands ou binationaux russo-allemands faisant partie de l’échange négocié depuis des mois entre les Occidentaux et Moscou.

Il s’agit de Rico Krieger, condamné par Minsk pour « terrorisme » et « mercenariat », Kevin Lik, un jeune Russo-allemand de 19 ans reconnu coupable de « haute trahison », Patrick Schoebel, un touriste accusé de trafic de drogue, German Moïjes, un juriste russo-allemand, et Dieter Voronin, un politologue russo-allemand.

L’artiste russe Alexandra Skotchilenko se trouvait aussi à bord de l’appareil, selon ses proches. Âgée de 33 ans, elle avait été arrêtée en Russie en avril 2022 pour avoir remplacé les étiquettes de prix dans un supermarché par des messages dénonçant l’offensive en Ukraine, ce qui lui avait valu sept ans d’emprisonnement en novembre 2023.


Grand échange de prisonniers entre la Russie et les Occidentaux dont le journaliste Evan Gershkovich

Le Kremlin et les Occidentaux se sont accordés sur un grand échange de 26 personnes – dont 24 prisonniers-, dont la libération de plusieurs Américains. Parmi eux, le journaliste du Wall Street Journal Evan Gershkovich détenu en Russie depuis 2023, rapportent jeudi 1er août des médias américains. La Turquie affirme avoir coordonné à Ankara un échange de vingt-six prisonniers.

Le journaliste Evan Gershkovich (à g.), Paul Whelan (2eme, à dr.) et la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva (à dr.), après leur libération, le 1er août 2024.
Le journaliste Evan Gershkovich (à g.), Paul Whelan (2eme, à dr.) et la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva (à dr.), après leur libération, le 1er août 2024. REUTERS – U.S. Government

Cet accord autour de 26 personnes, qui semble être l’un des plus importants depuis la Guerre froide, prévoit également la libération de l’ex-Marine Paul Whelan, selon CNN, tandis qu’ABC rapporte que d’autres pays occidentaux sont impliqués dans cet échange. La Turquie a coordonné à Ankara un échange de vingt-six prisonniers entre la Russie et plusieurs pays occidentaux, a annoncé ce jeudi la présidence turque.

Cet échange de prisonniers serait le premier entre Moscou et les Occidentaux depuis la libération en décembre 2022 de la joueuse américaine de basket Brittney Griner détenue en Russie pour une affaire de stupéfiants contre celle du célèbre trafiquant d’armes russe Viktor Bout, emprisonné aux États-Unis.

Des réactions américaines et russes

Le président des États-Unis Joe Biden a salué une « prouesse diplomatique ».« Certaines de ces femmes et certains de ces hommes ont été injustement détenus des années durant. Tous ont enduré des souffrances inimaginables. Leur agonie est aujourd’hui terminée », a écrit le dirigeant démocrate dans un communiqué.

L’accord qui a permis cet échange est le résultat d’une prouesse diplomatique. De nombreux pays ont participé à cet accord. Ils ont participé à des négociations difficiles et complexes à ma demande, et je les remercie tous personnellement une nouvelle fois. Cet accord n’aurait pas été possible sans nos alliés, l’Allemagne, la Pologne, la Slovénie, la Norvège et la Turquie. Ils se sont tous engagés à nos côtés et ont pris des décisions audacieuses et courageuses.

Échange de prisonniers: Joe Biden salue une «prouesse diplomatique»
Daniel Vallot

Le Kremlin a remercié les pays ayant contribué à l’échange de prisonniers.  Le président russe Vladimir Poutine a accueilli et remercié jeudi à l’aéroport Vnoukovo de Moscou les huit citoyens russes libérés. L’ex-président russe Dmitri Medvedev a salué jeudi le retour en Russie de citoyens « ayant travaillé pour la patrie » et échangés dans le cadre d’un échange de prisonniers massif avec les Occidentaux. « Je voudrais évidemment que les traitres de la Russie pourrissent dans un cachot ou meurent en prison (…) mais il est plus utile de récupérer les nôtres, ceux qui ont travaillé pour le pays, pour la patrie, pour nous tous », a écrit Dmitri Medvedev, actuellement numéro 2 du Conseil de sécurité russe, sur Telegram.

Un ressortissant russe incarcéré en Allemagne pour assassinat, Vadim Krasikov, a été remis à la Russie, selon la présidence turque. Le journaliste russo-espagnol Pablo González arrêté en Pologne et accusé d’être un espion de Moscou a été libéré et transféré en Russie.

Des pressions américaines pour la libération d’Evan Gershkovich

Les États-Unis ont fait pression sur Moscou pour obtenir la libération du journaliste du Wall Street Journal, Evan Gershkovich, condamné le 19 juillet en Russie à 16 ans de prison à l’issue d’un procès expéditif pour « espionnage », une accusation jamais étayée.

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C’est le 30 mars 2023 que le reporter avait été arrêté en plein reportage sur l’économie de guerre. Depuis, Evan Gershkovich a été condamné pour espionnage. Son seul espoir de libération reposait sur un échange de prisonniers.

Le Wall Street Journal a salué jeudi la libération de son journaliste. « Evan est libre et en route pour rentrer chez lui (…) Nous sommes profondément soulagés et heureux pour Evan et sa famille, ainsi que pour les autres personnes qui ont été libérées », a indiqué dans un communiqué une responsable du journal, parlant d’un « jour historique ».

L’ONG Reporters sans frontières s’est dite « immensément soulagée » de cette libération. « Nous sommes immensément soulagés d’apprendre que le calvaire d’Evan Gershkovich, qui a duré 16 mois, devrait enfin prendre fin. Nous attendons avec impatience des nouvelles de son retour sain et sauf aux États-Unis », a déclaré Rebecca Vincent, directrice des campagnes de RSF dans un communiqué transmis à l’AFP, ajoutant que l’ONG reste « profondément préoccupée par le maintien en détention de plus de 40 autres journalistes en Russie », dont la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva.

Des accusations d’espionnage

Les enquêteurs du FSB accusaient d’espionnage Evan Gershkovich. Après ses reportages dans l’Oural où se concentrent des usines d’armement. Des accusations d’espionnage pour le compte de la CIA, taxés d’absurde par son employeur, le Wall Street Journal.

L’arrestation d’un journaliste étranger, installé depuis 2017 et muni d’une accréditation en bonne et due forme, a choqué les confrères qui découvrent que plus personne n’est à l’abri en Russie. Cette première détention d’un journaliste occidental pour espionnage depuis la fin de la Guerre froide est très vite exploitée par le Kremlin.

Les autorités russes affichent rapidement leur intention d’utiliser le journaliste comme monnaie d’échange avec les États-Unis. Au micro du journaliste américain Tucker Carlson en février dernier, Vladimir Poutine avait suggéré de l’échanger contre Vadim Krasikov. Depuis, les négociations se sont poursuivies dans l’ombre entre Washington et Moscou. Alors qu’il est détenu dans la sinistre prison de Lefortovo, le Wall Street Journal n’a cessé de rappeler son cas et d’exiger sa libération.

Le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a fait part jeudi de son « soulagement » après la libération par la Russie de journalistes et de militants des droits humains, réclamant d’autres libérations. Volker Türk « exprime son soulagement après la libération d’Evan Gershkovich, Vladimir Kara-Mourza, Alsu Kurmasheva et Oleg Orlov, entre autres. Tous les journalistes et défenseurs des droits détenus uniquement pour avoir fait leur travail doivent être libérés. Ils doivent pouvoir travailler en toute sécurité, sans crainte », a indiqué le Haut-commissariat sur le réseau social X.

L’Union européenne s’est dite « soulagée » par la libération jeudi par Moscou de détenus « injustement persécutés » dans le cadre d’un vaste échange entre la Russie et l’Occident, réclamant la libération de tous les prisonniers politiques.


► Plusieurs prisonniers politiques russes dont des figures de l’opposition telles que Iliya Yachine, ou Vladimir Kara-Mouzra, ont été libérés par les Russes. Cette libération est accueillie avec beaucoup de joie et de soulagement par Alena Nevskaïa, de l’association Russie-Libertés.

C’est vraiment une immense joie, même si ça se passe dans le cadre d’échanges contre les criminels et les espions russes.

Alena Nevskaïa, de l’association Russie-Libertés, soulagée par la libération de prisonniers politiques russes
RFI

Qui sont les prisonniers échangés entre la Russie et les Occidentaux ?

La Turquie a coordonné ce jeudi à Ankara l’échange de vingt-quatre prisonniers, ainsi que deux enfants, entre la Russie et plusieurs pays occidentaux. Parmi les détenus libérés par la Russie, il y a Evan Gershkovich, reporter américain du Wall Street Journal et l’ex-marine américain, Paul Whelan. Oleg Orlov, figure de la défense des droits humains a, lui aussi, été libéré.

Des proches de l’opposant mort en détention, Alexeï Navalny, ont eux aussi été libérés par la Russie. Lilia Tchanycheva, ancienne coordinatrice de l’équipe du défunt opposant Alexeï Navalny dans l’Oural, avait été condamnée à neuf ans et demi de prison pour « extrémisme ». Autre alliée de Navalny, Ksenia Fadeïeva, avait été condamnée en décembre 2023 à 9 ans de prison également pour « extrémisme ». Ilia Iachine a lutté aux côtés d’ Alexeï Navalny et de Boris Nemtsov, assassiné en 2015.

La journaliste russo-américaine de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) Alsu Kurmasheva qui avait été condamnée le 19 juillet à 6 ans et demi de prison pour des écrits sur l’offensive russe en Ukraine, avait été arrêtée en Russie en octobre 2023 au cours d’un voyage privé. L’Allemand Rico Krieger, qui serait médecin militaire, a été condamné à mort le 24 juin en Biélorussie par un tribunal de Minsk, pour « terrorisme » et « mercenariat », puis gracié mardi par le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Il a été libéré par la Biélorussie. Il est soupçonné d’avoir photographié des sites militaires en Biélorussie en octobre 2023 pour les services secrets ukrainiens (SBU) et d’avoir déposé sous leurs ordres un engin explosif sur une voie ferrée près de Minsk.

Parmi les prisonniers libérés par les Occidentaux, Vadim Krasikov, est accusé d’avoir été recruté par le FSB. Il avait été condamné le 15 décembre 2021 à Berlin à la réclusion à perpétuité pour le meurtre d’un Géorgien issu de la minorité tchétchène qui avait combattu contre les forces russes entre 2000 et 2004. Artiom Doultsev et Anna Doultseva, couple présumé d’espions russes, âgés d’environ 40 ans, avait été arrêté fin 2022 en Slovénie. Ils ont plaidé coupable et été condamnés mercredi par la justice slovène à plus d’un an et demi de prison pour « espionnage et falsification de documents », une peine équivalente au temps déjà passé en détention. Ils sont accompagnés de leurs deux enfants.

Arrêté par les services de renseignement polonais près de la frontière ukrainienne, le 28 février 2022, Pablo González avait été accusé d’être un espion de Moscou. Parmi les personnes libérées par les Occidentaux, il y a aussi un hackeur, Roman Seleznev. Quant à Mikhaïl Mikouchine était selon un chercheur du site d’investigation Bellingcat en réalité un colonel du renseignement militaire russe (GRU).

(Avec AFP)

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