Bangladesh : la première ministre, Sheikh Hasina, démissionne et quitte le pays après des manifestations massives

Au pouvoir depuis quinze ans, la « Dame de fer », comme elle était surnommée par ses opposants, a fui la capitale, Dacca, peu avant l’arrivée de centaines de manifestants dans sa résidence.

Le Monde avec AFP

Publié aujourd’hui
Des manifestants célèbrent la nouvelle de la démission de la première ministre dans la capitale du Bangladesh, Dacca, lundi 5 août 2024.

La première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a démissionné de son poste et a quitté la capitale, Dacca, lundi 5 août, après quinze ans au pouvoir. Des discussions sont en cours pour former un gouvernement intérimaire, a annoncé lundi, lors d’une adresse à la nation diffusée par la télévision d’Etat peu après le départ de la dirigeante, le commandant en chef de l’armée, le général Waker-uz-Zaman, qui a précisé que les représentants des principaux partis politiques du pays participent aux discussions avec l’armée.

S’appuyant sur un pupitre, secondé par deux officiers supérieurs, le général, vêtu en treillis militaire, a déclaré qu’il s’entretiendrait avec le président de la République populaire du Bangladesh, Mohammad Shahabuddin. Il a également affirmé être déjà entré en contact avec les principaux partis d’opposition et des membres de la société civile, mais pas avec la Ligue Awami, dirigée par Sheikh Hasina.

Sheikh Hasina a quitté la ville par hélicoptère, selon une source proche de la dirigeante de 76 ans. « Elle voulait enregistrer un discours. Mais elle n’a pas pu avoir l’occasion de le faire », a ajouté cette source sous couvert d’anonymat. Sur des images diffusées par la chaîne bangladaise Channel 24, on voit une foule de personnes entrant dans la résidence de Mme Hasina et saluant la caméra. Selon India Today Live, Sheikh Hasina a ensuite pris un avion qui a atterri en Inde.

L’armée se dit « aux côtés du peuple »

Des centaines de milliers de manifestants antigouvernementaux défiaient lundi le couvre-feu et les forces de sécurité du Bangladesh en défilant dans les rues de la capitale, Dacca, au lendemain d’une journée sanglante au cours de laquelle des affrontements ont fait au moins 94 morts dans le pays.

Le général Waker-Uz-Zaman avait été nommé chef d’état-major des armées par le gouvernement bangladais fin juin, quelques jours avant l’éclatement du mouvement de contestation. Samedi, le général avait affirmé dans un communiqué que les militaires se tiendraient « toujours aux côtés du peuple ».

Le fils de Sheikh Hasina a exhorté lundi les forces de sécurité du pays à empêcher toute prise du pouvoir, alors que des milliers de manifestants demandent la destitution de la dirigeante, au pouvoir depuis 2009. « Votre devoir est d’assurer la sécurité de notre peuple et de notre pays, ainsi que de faire respecter la Constitution », a écrit le politicien et homme d’affaires basé aux Etats-Unis Sajeeb Wazed, s’adressant aux forces de sécurité, dans une publication sur Facebook. Il a ajouté qu’elles ne devaient « pas permettre à un gouvernement non élu d’accéder au pouvoir une seule minute ».

Des manifestants saluent des membres de l’armée dans la capitale du Bangladesh, Dacca, après l’annonce de la démission de la première ministre, Sheikh Hasina.

Dans le pays, un couvre-feu était entré en vigueur dimanche soir. Les 3 500 usines du pays ont fermé et l’accès à Internet était strictement limité. Dimanche, de nouveaux heurts entre opposants à Mme Hasina, forces de l’ordre et partisans du parti au pouvoir ont fait au moins 94 morts dans tout le pays. C’est le bilan le plus lourd en une seule journée depuis le début des manifestations antigouvernementales il y a un mois dans ce pays musulman de 170 millions d’habitants où les étudiants contestent, sur fond de chômage aigu des diplômés, les faveurs dont bénéficient les proches du pouvoir pour devenir fonctionnaires.

Parmi les morts figurent au moins quatorze policiers, selon le porte-parole de la police, Kamrul Ahsan. Les camps rivaux se sont affrontés à coups de bâton et de couteau et les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles. Un commissariat à Enayetpour (nord-est) a été pris d’assaut et onze policiers tués, selon la police.

Ces affrontements comptent parmi les plus meurtriers depuis l’arrivée au pouvoir il y a quinze ans de Mme Hasina. Pour rétablir l’ordre, son gouvernement a notamment coupé l’accès à Internet, fermé écoles et universités, imposé un couvre-feu et déployé l’armée.

D’anciens officiers militaires ont depuis apporté leur soutien aux contestataires. Dans une prise de position hautement symbolique contre la première ministre, un ancien chef de l’armée, le général Ikbal Karim Bhuiyan, et plusieurs autres ex-officiers supérieurs ont appelé au retrait des troupes de la rue, en soulignant que les gens n’avaient « plus peur de sacrifier leur vie ».

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Dans plusieurs cas, des soldats et des policiers ne sont d’ailleurs pas intervenus contre les protestataires, contrairement au mois dernier. « Ceux qui sont responsables d’avoir poussé les habitants de ce pays dans un état de misère aussi extrême devront être traduits en justice », a aussi estimé M. Bhuiyan.

Le pays compte de nombreux diplômés au chômage, et les étudiants exigent l’abolition d’un système de discrimination positive qui réserve un quota d’emplois publics aux familles des vétérans de l’indépendance. Partiellement aboli en 2018, ce système a été restauré en juin par la justice, mettant le feu aux poudres, avant un nouveau retournement fin juillet de la Cour suprême. La crise sociale s’est muée en crise politique à partir du 16 juillet, quand la répression a fait ses premiers morts, les manifestants réclamant alors la démission de Mme Hasina.

Le Monde avec AFP

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