- 1) la coordination des étudiants réunie dans le quartier du bazard déclare qu’elle va annoncer le gouvernement provisoire qu’elle souhaite.
- 2) les généraux ont décrété le couvre-feu. Il n’est pas respecté. Les camions militaires ont descendu, dans l’autre sens que la manifestation géante, l’avenue par où le pouvoir a été renversé, sous des huées et en menaçant la foule sur les côtés.
Une course de vitesse s’engageait entre les généraux, représentant la continuité de l’Etat, et la coordination « étudiante », qui est de fait beaucoup plus qu’une coordination étudiante – ci-dessous, photo provenant du compte Facebook de Jacques Chastaing :
Double hésitation : les généraux hésitaient entre tenter la répression, insister sur « l’ordre » et le « couvre-feu » et appeler la coordination à collaborer avec eux ; celle-ci appelait à imposer la légitimité « de la rue », annonçait de sa propre autorité la dissolution du parlement (envahi et occupé par les manifestants) et la tenue prochaines d’élections réellement libres, discutait sans doute des appels du pied mêlés de menaces des généraux, et sortait finalement de son chapeau une proposition susceptible de s’imposer comme transition : confier la présidence d’un « gouvernement intérimaire » à Mohammed Yunus.
Mohammed Yunus – 84 ans -, prix Nobel de la paix et « Nobel » d’économie, est le théoricien et praticien du « micro-crédit », dont le principe est assez simple : en prêtant aux pauvres à des taux bas et non pas usuraires, ils peuvent s’équiper et rembourser, et un le système capitaliste du crédit, central dans le fonctionnement du capital, peut mieux se développer. M. Yunus était en butte à des procès liés à la gestion de la Grameen Bank (« Banque villageoise), qu’il a fondée, et plus particulièrement de la multinationale formée par la Grameen Bank avec le trust Danone, procès appuyés par le pouvoir de Cheik Hasina.
Dans un premier temps, il a décliné l’offre, puis l’a acceptée dans un second temps, en déclarant vouloir aider à garantir la tenue d’élections vraiment libres, ajoutant que le 5 août 2024, qui est déjà entré dans la mémoire sous le nom de la « Longue marche d’un jour », constitue la seconde accession du Bangladesh à l’indépendance après la guerre de libération contre le Pakistan de 1971.
Il semble à cette heure assez probable que la « formule Mohamed Yunus » va faire l’accord des généraux et de la Coordination « étudiante ». Soyons clairs : cette solution d’attente ne règle rien.
Qui doit assurer la sécurité au quotidien dans le pays ? Dans la capitale, l’armée est à la manœuvre pour reprendre le contrôle. Dans tout le pays, la police et les miliciens du régime renversé ont disparu, et beaucoup ont été lynchés depuis hier – sans doute dans les 200. La foule ouvre les prisons, le ravitaillement s’organiser à partir d’initiatives autoorganisées d’en bas. La circulation dans les villes, les policiers ayant disparu, est assuré par des groupes de quartiers, par des étudiants, mais aussi par les islamistes qui ont, dans l’ensemble, été hors jeu ces dernières semaines.
La question suivante est : qui va organiser les élections, et d’ailleurs que s’agit-il d’élire une assemblée constituante effective ? Mohammed Yunus dans ses déclarations des dernières 24 heures affirme qu’avec le départ de Cheik Hasina, les problèmes sont réglés, la corruption va disparaître, et les élections seront donc transparentes et démocratiques.
En fait, elles ne le seront qu’à une et une seule condition : que la population s’organise comme elle a commencé à le faire et que ce soient la coordination étudiante, les comités de quartiers, les groupes assurant déjà le ravitaillement et la circulation, ainsi que les syndicats dont le puissant syndicat du textile, le NGWF qui, selon un communiqué de la CGT, vient de compter ses morts – 11 syndiqués, 4 responsables nationaux – qui prennent en main l’organisation des élections, et pas l’armée. C’est ainsi que, de manière concrète, se pose la question démocratique de la nature de l’Etat, c’est-à-dire des intérêts sociaux que sert l’Etat : ceux de l’immense majorité ou ceux du capital suivi de sa trainée répressive et corrompue, qui se cache sans doute aujourd’hui mais qui est toujours là.
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