Les dirigeants du Nouveau Front populaire pensent avoir marqué un point, vendredi 23 août, en faisant reconnaître sa défaite à Emmanuel Macron, mais restent loin de crier victoire. Le chef de l’État, pas décidé à nommer Lucie Castets, poursuit ses consultations.
Les dirigeant·es du Nouveau Front populaire (NFP) ont le sourire. Devant les caméras, les patron·nes des partis de gauche et Lucie Castets sont revenu·es sur leur rencontre d’une heure trente avec Emmanuel Macron, vendredi 23 août à l’Élysée, se déclarant « extrêmement satisfaits », selon la candidate désignée à Matignon.
« Nous avons eu une discussion très riche, nous nous satisfaisons du fait que le président a reconnu qu’un message avait été envoyé par les Français, et que ce message, c’est le souhait d’un changement d’orientation politique », s’est réjouie Lucie Castets. Même son de cloche du côté du premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui s’est félicité du fait qu’Emmanuel Macron « a reconnu clairement que la stabilité qu’il appelle de ses vœux ne signifie pas la continuité de la politique conduite jusqu’ici par lui-même ».
Une déclaration qui ressemble à un infléchissement, le président de la République ayant jusqu’ici distillé dans la presse son envie de rester au centre du jeu, en installant un dispositif avec « un parfum de cohabitation » qui ne remette pas en question ses orientations politiques. La veille, l’Élysée expliquait encore aux journalistes que « ce qui est important, c’est qu’il y ait une majorité pour bâtir et pas pour démolir ce qui a été fait ».
De quoi susciter quelques mises en garde à l’issue de la réunion, alors que les consultations du président se poursuivaient dans la journée avec les représentant·es de son propre camp puis du parti Les Républicains (LR). « La tentation est encore présente pour le président de composer son propre gouvernement », a regretté Lucie Castets, tandis que Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise (LFI), mettait en garde : « Le président semble commencer à comprendre qu’il a perdu, mais ne semble pas en tirer toutes les conséquences, c’est-à-dire demander à Lucie Castets de former un gouvernement. Il nous a rappelé qu’il devait être l’arbitre, mais on a parfois eu l’impression qu’il voulait être le sélectionneur. »
Les émissaires du NFP se sont attaché·es à montrer à Emmanuel Macron que la proposition du NFP de nommer Lucie Castets remplit les conditions fixées par le président en amont de la rencontre : incarner « la majorité la plus large et la plus stable possible », et ont tenté d’évacuer tout soupçon de division dans les rangs. « Nous sommes un bloc solide et solidaire, pas la peine d’essayer de nous diviser », a prévenu la patronne des Écologistes, Marine Tondelier. Olivier Faure, dont la ligne d’alliance avec LFI est régulièrement critiquée au sein de son parti, s’est félicité que le président reconnaisse « que l’ensemble des forces représentées, qui ont toutes participé au front républicain, [sont] parfaitement légitimes à gouverner ».
Une satisfaction prudente
Y compris LFI, donc, alors que les députés macronistes affirment depuis le 7 juillet qu’ils voteront une motion de censure si un seul membre de La France insoumise entre au gouvernement. Mi-août, le nouveau patron du groupe macroniste à l’Assemblée et premier ministre démissionnaire depuis trente-huit jours, Gabriel Attal, avait ainsi envoyé une proposition de « pacte d’action pour les Français » à tous les groupes politiques, en excluant l’extrême droite et La France insoumise.
Aux journées d’été des Écologistes, ce vendredi était beaucoup plus calme que la veille, où Lucie Castets avait été accueillie en grande pompe. Aucune prise de parole officielle pour informer les militant·es de la teneur de la rencontre avec Emmanuel Macron. Même après les prises de parole officielles des chef·fes de groupe du NFP du côté de l’Élysée, les cadres du parti resté·es à Tours confiaient n’avoir aucune information.
Dans le train pour revenir vers les journées d’été, la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain, se félicite que la coalition ait été reçue en premier et se dit « particulièrement déterminée » à la sortie de ce rendez-vous. « La parole de Lucie Castets a été centrale lors des échanges, elle a porté nos objectifs politiques sur la question de la formation du gouvernement, de son orientation et sa composition. Je pense qu’Emmanuel Macron a été surpris de sa solidité et de son respect du cadre institutionnel », poursuit la députée écologiste.
Malgré cet échange aux contours positifs, le spectre d’un énième revirement de bord d’Emmanuel Macron sur la légitimité du Nouveau Front populaire reste une éventualité pour les Écologistes. « On voit bien dans ce processus politique qu’il a envie d’aller au-delà de son rôle. Il veut à la fois être président de la République, premier ministre, chef de groupe parlementaire. »
À Valence (Drôme), où LFI tient ses Amfis d’été, le compte rendu au compte-gouttes des échanges entre les dirigeant·es du NFP et Emmanuel Macron laissait un sentiment contrasté. D’un côté, les Insoumis·es se félicitent que le président de la République admette enfin sa défaite aux élections législatives anticipées. Mais Paul Vannier, membre de la direction de LFI, met des bémols à ce premier constat positif : « Emmanuel Macron a utilisé le mot “cohabitation”, mais il peut y avoir cohabitation sans alternance. Et la méthode présidentielle nous dirige vers ça. » Il pense par exemple aux noms de Bernard Cazeneuve et Karim Bouamrane, poussés par les macronistes.
Aux yeux des stratèges de LFI, le rapport de force doit donc « monter en intensité dans les prochains jours », pour que le président de la République se mette « en conformité avec la Constitution ». La prise de parole de Jean-Luc Mélenchon aux Amfis en fin de journée vendredi a été une première occasion de le durcir. « Si vous ne nommez pas Lucie Castets, parole d’Insoumis, il y aura une motion de destitution. Si vous ne voulez pas de la destitution, nommez Lucie Castets », a lancé l’ancien candidat à la présidentielle, fustigeant tout au long de son discours « Macron Ier, autocrate des Français ».
« Si [Emmanuel Macron] choisit de désigner quelqu’un d’une autre force politique la semaine prochaine, c’est qu’il n’a pas vraiment compris l’aspiration au changement des Français. Il ne peut être incarné que par le Nouveau Front populaire », a déclaré pour sa part Lucie Castets à L’Humanité. Elle s’exprimera devant les Insoumis samedi aux Amfis.
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